Depuis quelque temps, la mélancolie le submerge. Chiffonné comme un brouillon. Ce matin-là, sur la passerelle qu'il emprunte pour aller au lycée, l'envie est tentante de sauter. Au lieu de ça, il pleure à chaudes larmes. Et sa tristesse s'enfouit peu à peu. Un instant, il lui a semblé qu'en bas, quelqu'un le regardait. Il remet ses lunettes noires, malgré l'hiver et poursuit sa route...
Nono a bien vu le jeune homme, tout là-haut. Il devait être drôlement triste pour pleurer comme ça. Avec Baluchon, assis devant la maison, le petit Nono attend sa maman, Laurence, partie travailler à la gare. Avec un peu de chance, elle va ramener des croissants aujourd'hui...
En ce matin hivernal, Laurence tente d'oublier le froid qui la saisit. La main ouverte, sans détailler les gens qui passent devant elle, elle fait la manche. Sans réfléchir. Tentant d'oublier sa vie d'avant. Sa vie d'avant la différence...
C'est dans une maison en carton que vivent Laurence et Bruno, alias Nono. Sous une passerelle, loin des regards. Elle a peur qu'on lui retire son gamin parce que c'est pas une vie, ça, que de vivre justement dans la rue. Alors, elle tente de faire face. Certaine qu'elle pourra s'en sortir, retrouver un boulot puis un logement. Nono, lui, ne se rend pas compte de tout ça. Avec son panda, Baluchon, il attend le retour de sa maman. Nelson, alias Nel, quant à lui, ne supporte plus sa maman couveuse et surprotectrice. Ce n'est pas parce qu'il est aveugle qu'il ne peut rien faire. Son chemin va rencontrer celui de Nono mais aussi celui de Cécile. Marie-Sabine Roger nous dresse une galerie de portraits vraiment émouvante et attachante. Elle traite, tout en subtilité, de la différence et l'indifférence, le handicap, le regarde d'autrui. Un roman intelligent sur les démunis et les exclus dont il se dégage beaucoup de chaleur humaine, de tendresse et d'amour. L'innocence de Nono, le combat de Nel et de Laurence, la générosité de Lucas ne peuvent que nous toucher. La plume de Marie-Sabine Roger est à la fois poignante et légère et les mots sonnent justes.
Nelson emprunte chaque jour cette passerelle au-dessus de la voix ferrée pour aller au lycée. La tentation est grande, parfois, de sauter, il n'en peut plus de cette vie étriquée - à vingt ans, on n'a plus envie d'être surprotégé sous prétexte qu'on est aveugle : « C'est pénible, l'amour d'une mère, parfois. J'ai des envies d'indifférence. » Sous cette même passerelle vivent Nono, cinq ans, et sa jeune mère. Elle a pris la fuite avec son petit garçon lorsque son compagnon est devenu violent, ils vivent dans un carton de réfrigérateur protégé par une bâche en plastique. L'hiver approche, la situation n'est plus tenable. Mais cette maman a tellement peur qu'on lui enlève son fils... « Je longe le quai H, le regard baissé. Qu'on ne me remarque pas. Je ne veux exister pour personne. J'ai peur des gens de bonne volonté. J'ai peur que, pour son bien, pour le mien, pour le nôtre, on me prenne Bruno, un beau, non, un affreux matin. »
Comme toujours chez Marie-Sabine Roger, on trouve des répliques qui font mouche, de l'humour, de la tendresse. Beaucoup d'humanité et de chaleur entre des personnages sur le fil qui arrivent à s'insuffler l'énergie nécessaire pour reprendre la route. Un roman jeunesse à découvrir dès douze ans, intéressant et poignant pour sa description de "la rue" - une belle histoire d'amour en parallèle allège le côté dramatique de la situation et devrait séduire les jeunes lecteurs.
J'aime beaucoup les univers créés par Marie-Sabine Roger.
C'est sobre, c'est juste, c'est d'une grande sensibilité.
Il est difficile de ne pas s'attacher à ses personnages.
Ici, il s'agit de Laurence, jeune maman d'un petit Nono de quatre ans. Ils sont SDF et vivent dans un carton sous une passerelle près d'une gare.
Il y a aussi Nel, jeune lycéen aveugle qui rencontrera Cécile et croisera Nono sur la passerelle.
Le livre est court et je voyais les pages diminuer avec appréhension, me disant qu'il en restait trop peu pour que je sache tout de ces êtres fragiles.
J'aurais aimé rencontrer Nel, aider Laurence et Nono et je les ai quittés avec beaucoup de tristesse mais une pointe d'espoir quand même.
Deux belles histoires.
Laurence et son petit Bruno, à la rue et qui dorment près de la voie de chemin de fer dans un grand carton.
Bruno ce petit bonhomme qui a comme compagnon sa peluche Baluchon à qui il parle car c'est son meilleur copain.
La galère pour cette jeune femme qui a tout quitté pour se protéger et surtout protéger son fils de la brutalité de son compagnon.
Nelson dit Nel, jeune homme aveugle qui fait face tant bien que mal au Lycée aux regards curieux ou indifférents bien qu'il ai quand même quelques amis, va connaître son premier amour qui viendra éclairer sa vie.
Les personnages sont bien décrits tout cela avec beaucoup de tendresse et d'humanité.
Attention ! Fragile est la maison en carton de Laurence, une femme sans emploi qui vit sous le pont avec son petit garçon Bruno. Fragiles sont les hommes quand ils sont perdus, tristes ou seuls. Heureusement qu'il y a l'imagination qui permet d'avoir de l'espoir… J'ai aimé suivre ces vies qui se croisent, le temps d'une discussion. J'ai aimé ces générosités, ces partages qui font des petits bonheurs. Amour est le maitre mot de ce petit livre : amour maternel, amour naissant… Un roman pour montrer aussi la fragilité des relations…
Petit bémol, on a à peine le temps de découvrir les personnages qu'il leur arrive pas mal de bricoles et qu'il faut déjà les quitter… Première fois que je lisais Marie-Sabine Roger ; cette première rencontre m'a laissé une bonne impression même s'il manquait un petit quelque chose.
Lucas n'a pas inventé l'eau tiède, juste la façon de l'offrir...
C'est encore presque un gamin, trois poil de duvet fin sur le menton, une ombre de moustache. Un corps d'adolescent pas fini, tout en longueur, tout en maigreur. De beaux yeux verts entre des cils très noirs. Un sourire ébréché sur les deux grosses dents du haut. Avec ça, toute la gentillesse du monde. Des gens comme lui, ça redonne envie d'espérer. Certains jours, pourtant, je me dis que l'espoir ne me fait pas vivre, au contraire. Il me tient seulement la tête au ras de l'eau, pour que je boive bien la tasse, dix fois par jour, sans jamais me noyer tout à fait. L'espoir, c'est rien qu'une façon de prolonger les peines. [Laurence]
Quand il pose les yeux sur moi, je me sens devenir pire que de l'ordure.
Je suis salie de voir mon reflet dans ses yeux. J'ai tout de suite su à quel point ce serait une histoire d'amour, lui et moi. Rien qu'à sa façon de me tutoyer, la première fois qu'il m'a vue, assise à une table.
"Qu'est-ce que tu fous là, toi ?
- Je me réchauffe un peu.
- C'est pas les Restos du Cœur, ici. C'est fait pour les clients qui paient ! T'as rien à faire là !"
Ce tu sans amitié, dédaigneux, réducteur, quelle injure ! Tutoiement du colon pour le nègre, monumental mépris, qui m'a percutée de plein fouet. Humiliée.
"- Ça t'ennuie d'en parler ?
- Non. Seulement, j'en ai pas l'habitude.
- Raconte-moi. Tu es né comme ça ?
- Comment, comme ça ?
- Aveugle."
J'apprécie la saine exactitude, au passage. Je craignais trop l'hypocrisie des mots qui feutrent, paquets-cadeaux pour la douleur.
Non-voyants, pour les aveugles. Malentendants, pour les sourds.
Et pour les cons, c'est non-comprenants qu'on propose ?
[.......] je me penche vers cet incalculable vide. L'air vif crochète mes paupières , me tire des larmes de froid, suivies d'autres, que je n'essaie même pas d'arrêter. Une main se serre à ma gorge, une autre froisse nerveusement mon estomac, me chiffonne comme un brouillon. Je ne sais pas pourquoi. C'est, depuis quelques temps, comme ça : une mélancolie qui me noie. J'ai beau tenter l'indifférence, ça monte en moi, triste ascenseur. Arrivé en haut, à l'étroit palier de la gorge, ça m'étouffe. [Nel, aveugle]
Et depuis quelques temps, j'ai peur d'autre chose. Je crains de me persuader, moi aussi, que Bruno [son fils] serait plus heureux sans moi. Sonner un matin à la porte d'un service social, et le déposer là, de mon plein gré, dans les bras d'étrangères.
D'autres, qui ne sauraient pas les histoires à raconter le soir. Ni celles du matin. L'endroit où faire la voix de la sorcière, le grognement du méchant loup. Le moment précis où la main doit voler comme un moustique, zzzz, pour descendre en piqué, et se déchaîner sur son ventre, en chatouilles. D'autres qui ne sauraient pas fabriquer ses fous rires.
. Comment s’appelle le petit frère de l’héroïne de l’histoire ?