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EAN : 9782752904249
304 pages
Phébus (05/11/2009)
3.54/5   56 notes
Résumé :
" Drôle de jeu est un roman - au sens où l'on dit romanesque-, une fiction, une création de l'imagination.
Ce n'est pas un roman historique. Si j'avais voulu faire un tableau de la Résistance, il serait inexact et incomplet puisque je ne mets en scène ni les maquisards ni les saboteurs des usines (entre autres exemples), qui furent parmi les plus purs et les plus désintéressés héros de la Résistance. Mais Drôle de jeu n'est pas un roman sur la Résistance. Il ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Je retrouve avec plaisir - et une certaine curiosité - Roger Vailland, deux ans environ après avoir découvert et dévoré 325 000 francs, excellent petit roman sur l'asservissement par le travail. On est loin des nouveautés, puisqu'il s'agit d'un roman paru pour la première fois en 1945.

Il est ici question de la Résistance en France pendant la Seconde guerre mondiale. Nous suivons les traces de Marat, étrange double de l'auteur avec ses trente-six ans, dans les rues de Paris et les chemins de la Bresse. Marat occupe un poste important, à la charnière entre un petit groupe (Rodrigue, Chloé et Frédéric) et un de chefs gaullistes de la Résistance, Caracalla, un tout jeune homme arrivé de Londres. Suite à une maladresse de ses "lieutenants", Marat est amené à rencontrer Annie, la fiancée de Frédéric, une bourgeoise engagée un peu par hasard dans la lutte clandestine du Parti communiste. Plusieurs personnages louches rôdent autour du groupe, à commencer par Mathilde, une femme fatale sur le retour, ancienne amie de Marat, qui fréquente dans tous les milieux de la collaboration.

Drôle de jeu a tout d'abord l'intérêt historique d'une oeuvre écrite au sortir de la guerre. C'est ce qui colore l'ambiance bien particulière du roman - le décor est celui du Paris des jardins (toutes les rencontres clandestines se font en extérieur), des couvre-feu, des alertes, et des troquets du marché noir, où l'on peut manger du beurre et de la viande à profusion, pourvu que l'on ait de quoi ! On y suit le quotidien des résistants dans la dernière année de l'Occupation. le ton aussi est très caractéristique de cette période, par moments un peu désuet - mais sans la grandiloquence parfois indigeste de l'Armée des ombres, par exemple. le style est simple, sobre, et n'a pas pris une ride.

Mais Drôle de jeu vaut surtout par sa réflexion sur l'humain. le cadre n'apparaît presque que comme un prétexte à un questionnement sur l'engagement, compris dans toutes ses dimensions - et finalement, la toile de fond importe peu. Drôle de jeu dépasse de beaucoup le roman historique, auquel on ne peut pas vraiment l'apparenter.

Car résister, c'est d'abord être seul, tout en étant engagé dans un combat collectif, comme nous l'apprend Marat, page 48 : "C'est vrai, je mange seul, je dors seul, je parle seul. Un conspirateur est bien obligé de vivre seul : le métier l'exige. Je monologue à longueur de journée dans les rues et les jardins, les cafés et les restaurants, les trains et les gares, les salles d'attente et les chambres d'hôtel, ah ! j'aurais mené mon monologue intérieur dans tous les hôtels de France, zone sud et zone nord, commis voyageur en terrorisme. La Résistance, le terrorisme comme disent les journaux, est essentiellement une longue promenade solitaire avec toutes sortes de pensées, de souvenirs, de projets, d'amours secrètes et de rages étouffées, qu'on remâche sempiternellement, entre les rendez-vous d'une minute, entre deux signaux, entre deux messages attendus huit jours et qu'il faut aussitôt brûler, entre deux amis fusillés, entre les yeux des flics qui vous guettent, entre chaque station de l'interminable itinéraire qui mène - malheur à moi s'il n'y mène pas -, qui mène au grand jour de sang où seront lavées toutes les hontes".

Pour autant, il y a de belles histoires d'amitié, et de belles fidélités - aux camarades, à l'idéal - dans Drôle de jeu. de belles discussions aussi, comme entre Marat et Annie, cachés dans un champ bressan en attendant le sabotage d'un train. Entre les références intellectuelles, littéraires, et culturelles, on en découvre un peu plus sur l'auteur.

Au final un roman touchant, avec en fond des questions lancinantes et essentielles, au travers d'une méditation profonde sur la vie, la mort, les femmes, la liberté. Un auteur rare, et un livre très libre et précieux.
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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Roger Vailland, écrivain français (1907-1965) fondateur d'une revue surréaliste (Le Grand Jeu), il s'affirma dans ses romans (Drôle de jeu, La Loi) et son théâtre comme un moraliste ironique. Son roman Drôle de jeu paru en 1945 a reçu le Prix Interallié la même année.
Le bouquin se déroule dans le Paris de l'occupation et nous décrit la vie quotidienne d'un tout petit groupe de jeunes résistants. Marat, pseudonyme de François Lamballe, 36 ans, le narrateur et chef de groupe, Rodrigue un romantique de 21 ans et Frédéric un quasi gamin, « il est puceau ». Côté féminin, Chloé et Annie, mais dans leur mouvance il y a aussi Mathilde « une grande brune un peu mûre », une ex de Marat, jolie femme vénéneuse aux relations troubles avec des officiers allemands et des collabos, qui amènera le drame.
Roger Vailland, résistant lui-même, connaît parfaitement les arcanes de cette vie dans l'ombre, les rendez-vous secrets, le cloisonnement entre les membres d'un groupe pour en assurer la sécurité maximum, les messages et les rapports transmis aux instances supérieures, les pseudonymes et les logements anonymes, toute une culture du secret et de la clandestinité.
Paris est occupé, la population souffre des restrictions alimentaires, mais des adresses connues des initiés seuls permettent de dîner aussi bien ou presque qu'avant guerre si on en a les moyens, s'y croisent mouchards, femmes vénales, occupants et résistants. Marat, sorte de dandy libertin toujours à l'aise, s'y faufile avec souplesse et y mène comme les autres, un drôle de jeu où se mêlent cyniquement la mort et la séduction amoureuse.
Le roman est divisé en cinq chapitres, cinq journées non consécutives. le rythme est enlevé, il est même léger si on considère le sujet, la lecture rapide. Aux évènements de la journée racontés par Marat, s'intercalent ses pensées ou des extraits de son journal, l'occasion pour Vailland de distiller des réflexions politiques (« le révolutionnaire est celui qui ne se résigne pas au malheur de l'homme ») ou psychologiques et surtout des méditations sur les grands thèmes de nos existences, la vie/la mort, l'amour.
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Roman rédigé durant la guerre, musée, par certains aspects, de l'écriture de l'époque, cette oeuvre qui se veut avant tout conceptuelle m'a profondément ennuyé, justement à cause de la prédominance des concepts par rapport à l'histoire.

Le parallèle entre le Marat passé (Lamballe) et le Marat présent est bien foutu. La réflexion mentor/élève également, qui va jusqu'à la nécessité, pour être libre, de dépasser ce statut d'élève ; car on vit dans une société où on est "paternalisé". Pour ce qui est de la nécessité pour une personne de vivre en accord avec son temps, le coeur du sujet, l'auteur l'expose assez bien avec trois catégories de personnages : ceux qui arrivent à vivre en accord avec leur époque (Marat, Rodrigue), ceux qui n'y arrivent pas (Frédéric), et tous les entre deux.

Mais je le répète, je n'ai pas aimé. Il faut dire que le contexte en soi ne me séduit guère de base et si Vailland aime qu'un texte littéraire soit "maigre" stylistiquement parlant j'ai trouvé ce principe un peu trop poussé. Même si j'ai un minimum apprécié le traitement des temps.

Bref, ce n'est pas vraiment le genre de livre que je conseillerais, à moins d'aimer cette période (et encore, ce serait nier que le but premier sont avant tout les réflexions de Vailland ; comme l'auteur l'indique, ce n'est pas un roman sur la Résistance ou sur la guerre).

Petite anecdote, cette "fiction" sous couvert de vrais pseudonymes de résistants (qu'il nomme des coïncidences, bien entendu) n'est pas entièrement fictionnel. Marat n'est rien d'autre que l'auteur lui-même, ce qui explique sans doute ce côté un peu idéalisé du personnage.
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C'est très intéressant pour plusieurs raisons.
Ce livre écrit pendant la seconde guerre mondiale décrit de l'intérieur la vie de résistants, les rapports dans un groupe de résistants. J'ai retrouvé l'ambiance de "l'armée des ombres" et c'est toujours prenant.
Autre point positif, l'auteur analyse les raisons qui dans les années 30 ont engendré ce conflit.
Par contre, j'ai trouvé quelques passages trop détaillés, trop lents.
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Un réel plaisir de lecture ,même si cela est un peu lointain.....
Faire une seconde lecture pour confirmer .
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Ceux qui ne croient pas à l'immortalité de l'âme sont enclins à chercher le bonheur sur cette terre . Ils réclament leur part de biens matériels , ils exigent des augmentations de salaires , ils vont jusqu'à faire grève pour les obtenir . Les curés au contraire enseignent que le paradis est dans l'autre monde et que son entrée est réservée aux pauvres qui se seront montrés bien dociles ; malheureux riches qui se ferment la porte du ciel ........ c'est pourquoi les patrons entretiennent les curés ....
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Je n’avais pas encore compris que l’amour pût rendre fou…
__-Comme toutes les idées fixes, ni plus ni moins…. /…je ne nomme pas amour l’obsession que provoquent, chez certains hommes, des femmes qu’ils n’ont jamais possédées. Cette sorte d’amour, bien qu’il puisse avoir à sa toute première origine un vif mouvement de désir, ne met finalement en branle que le cerveau et ce qu’on appelle le cœur, c’est-à-dire l’ensemble des émotions qui se manifestent, comme tu l’as si bien remarqué, au niveau du plexus solaire. C’est même le cerveau qui finit par tenir toute la scène-chez ceux qui ont l’habitude de s’en servir. Tout ce que Stendhal dit de la « cristallisation » s’y applique fort bien : c’est l’amour-idée fixe ; il relève de la psychologie des passions et dans les cas extrêmes de la pathologie mentale.
Ce n’est pas à mon sens le véritable amour. Celui-ci implique le corps à corps. C’est une grande aventure à laquelle participe l’homme tout entier : tête, cœur et ventre. Il n’est rien de soi-même qui n’y soit engagé.
Il n’y a que les chrétiens pour avoir imaginé l’amour platonique. C’est que le christianisme a divisé l’homme, opposant l’âme noble au corps vil. L’homme total aimera dans sa chair et son âme enfin réunies, inséparables, consubstantielles.
Pour la plupart des romanciers, l’aventure est terminée lorsque les deux antagonistes parviennent enfin à coucher ensemble : ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Pour moi, c’est à ce moment-là qu’elle commence. L’épreuve de vérité du nu à nue est nécessaire pour distinguer l’amour vrai des extravagances de l’imagination ; celle-ci tourne souvent à vide, comme un moteur au banc d’essai ; j’aime qu’elle soit embrayée, que l’homme soit complètement incarné, qu’il soit un homme total… /…
Je ne conçois pas un amour qui ne soit pas partagé. Si l’un des deux se refuse à l’aventure, l’amour ne se produit pas-par définition. L’amour est ce qui se passe entre deux êtres qui s’aiment : comme ils s’approchent, se fuient, se rapprochent, se déchirent, se brûlent, parviennent ou échouent à faire un couple, et ce qu’il advient de ce couple. Cet amour-là atteint les régions les plus profondes de l’être, celles où se déroulent les cataclysmes physiologiques, le royaume souterrain des grandes maladies et des profondes extases. .. /…
Les hommes qui aiment profondément les filles sont les plus capables de réussir les grandes amours.
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Oui, tout ce jeu que vous faites semblant, les uns et les autres, de prendre au sérieux… Car enfin, vous jouez… j’imagine que vous, vous êtes assez cynique pour l’avouer… en petit comité… le curé joue au chef de bande : le Roi des Montagnes, Edmond About lui a tourné la tête, il choisit mal ses auteurs… poser des bombes au clair de lune, faire dérailler un train, c’est évidemment un jeu passionnant… même pour un curé. Frédéric s’excite d’une autre manière : il joue à la Révolution, c’est lui l’Incorruptible, il s’imagine Robespierre comme les gosses s’imaginent chauffeurs de locomotives ; en fin de compte il joue au même jeu que le curé, tous les jeux de garçons se ressemblent, il s’agit de bousiller le canapé du salon, le train de von X… ou le monde bourgeois.
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Oui, tout ce jeu que vous faites semblant, les uns et les autres, de prendre au sérieux… Car enfin, vous jouez… j’imagine que vous, vous êtes assez cynique pour l’avouer… en petit comité… le curé joue au chef de bande : le Roi des Montagnes, Edmond About lui a tourné la tête, il choisit mal ses auteurs… poser des bombes au clair de lune, faire dérailler un train, c’est évidemment un jeu passionnant… même pour un curé. Frédéric s’excite d’une autre manière : il joue à la Révolution, c’est lui l’Incorruptible, il s’imagine Robespierre comme les gosses s’imaginent chauffeurs de locomotives ; en fin de compte il joue au même jeu que le curé, tous les jeux de garçons se ressemblent, il s’agit de bousiller le canapé du salon, le train de von X… ou le monde bourgeois
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Tout ce que vous venez de dire - si joliment - ne prouve qu'une chose, c'est qu'à l'origine la "Résistance" n'a répondu à aucun besoin profond, n'a été qu'un jeu...pour vous...et sans doute pour pas mal de petits-bourgeois et bourgeoises de France.
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