J'apprends à garder le silence, à penser pour moi seule, à ne plus partager. Je fais semblant, aussi. Je comprends que grandir, c'est apprendre à mentir.
La foi, entre les mains d'un homme comme toi, c'est une arme de poing. Une arme blanche. Elle fait infiniment plus de mal que de bien.
Il faut aimer Dieu, Le servir en tous lieux. Il est amour, il faut être amour comme Lui.
Dieu est infiniment miséricordieux : on peut faire la guerre, envoyer la famine à tous les petits Nègres ou les petits Chinois - qui sont quand même les enfants du Seigneur, dans une moindre mesure -, on peut dire du mal de sa voisine, taper sur son épouse à coups de ceinturon comme M. Brachard (qui est un bon chrétien par ailleurs), Dieu comprend ça, et le pardonne.
Mais si je ne crois pas assez fort en Lui, Il le saura.
Il est bon : Il me punira.
Et ça, je ne le comprends pas.
(p. 37)
Quand tu dis que Fabien est idiot, ça fait pleurer maman.
Faire pleurer maman, est-ce que c'est un péché ? Est-ce que c'est un péché, quand tu lui dis :
- Ma pauvre Jeanne, tu sais bien que c'est un idiot, un dégénéré ! Quand vas-tu l'admettre, à la fin ? Un jour, nous serons obligés de le mettre dans un centre.
Le centre, c'est la même chose que le milieu.
M. Willerbach dit toujours que dans la vie, il faut savoir trouver le juste milieu.
Et quand la maîtresse parle de moi avec la directrice, elle répète, au-dessus de ma tête :
- Pauvre petite, c'est compliqué, quand on voit son milieu familial.
On va mettre Fabien dans un centre, c'est à dire au milieu, c'est à dire entre nous.
On fera une ronde, on le protégera de tout. C'est mon petit frère et je l'aime.
On va le mettre dans un juste milieu.
Familial.
(p. 58-59)
Tu as réponse à tout, mais tu n’expliques rien.
La charité Chrétienne, c'est répondre " courage !" à quelqu'un qui vient chercher secours.
Et puis à fermer sa porte, à double tour.
tu es mon père et je te crains : il faut , on doit, on ne peut pas
religion de l'interdit
Tu ne nous éduques pas, tu nous dresses.
Tu ne nous élèves pas, Tu nous rabaisses
Je suis petite et dieu est grand.
Maman parle de moins en moins
Elle a ................
Je suis une enfant. Je te crains.
Plus grave : je te crois.
Tout ce que tu me dis est la vérité vraie, si dénuée d’espoir, si souvent déplaisante. Je n’aime pas la vie comme tu la présentes
Est-ce que tu as volé cette nuit là ? Je suis sûre que non. Tu en serais mortellement blessé, si l’on pouvait te prendre en faute. Tu es de ces hommes prétentieux et honnêtes qui restent dans le droit chemin tout autant par haine du mal que par crainte du jugement que l’on pourrait porter sur eux.
Es-tu vraiment mon père ? Oh oui, tu l'es certainement. J'ai beau rêver parfois d'être une enfant trouvée, laissée là par un cirque, je ne peux pas me mystifier moi-même.
Nous avons en commun cette peau blanche, ces yeux pâles. Ces mains aux doigts très longs, bleutés, aux phalanges creusées qui se renflent aux jointures, et aux ongles carrés. Ce dos un peu voûté, ces épaules étrécies.
Nous partageons ces quelques ressemblances qui font de mon reflet mon premier ennemi.