Poignant d'émotions. Ode à la liberté, au courage, et à l'amour filial.
De la puissance de la poésie pour résister, instiller l'espoir et évader l'esprit.
C'est au bout de vingt-quatre années que Pablo, à quarante ans, s'en retourne à San Marcos, comme un chemin de croix qui s'impose à lui …
«C'est vrai que je te ressemble. Mêmes peurs et mêmes colères. Même tranquille obstination. Il m'a fallu du temps, tu vois, mais je suis revenu. Je suis là. Pour moi. Pour toi. Pour ma fille Julia. Temps rebroussé. Pèlerinage ».
Et les souvenirs vont affluer ; car aujourd'hui redevenu un collège, San Marcos fut à l'époque une sinistre prison.
Ce lieu, qui autrefois fut celui de la douleur, fait ressurgir le passé dans la mémoire de Pablo … le temps où son père, victime de la dictature s'abattant sur ce pays d'Amérique du Sud, fut emprisonné dans ses geôles de tortures, cet endroit où règnent l'effroi et l'abjection.
La pensée voyage…et Pablo revient sur ces années d'oppression…
San Marcos… Ses quatre soupiraux, au ras du sol. Comme quatre bouches d'ombre et d'enfer.
Derrière ces barreaux, bourreaux à l'oeuvre, supplices et supplications, des hommes souffrent, des hommes meurent.
Son père était de ceux-là. Arrêté sous ses yeux d'adolescent, brutalisé, coupable d'éditer de la poésie « révolutionnaire ». Et en ce temps-là, exit la liberté d'opinion, la justice et l'espoir. Censurés.
« Je m'en veux de n'avoir rien compris ».
Car alors, ce jeune fils ne comprenait pas la poésie, il restait hermétique à ses mots, et l'arrestation brutale du père va lui ouvrir les yeux. Il va prendre conscience de la valeur de ces textes, de leur force et de leur portée.
De leur lumière, de leur rayonnement. « Les mots, ta seule ultime liberté ».
« Demain, mon fils, tout sera différent ! »
Présage d'espérance … Chant d'espoir faussé par la peur, annihilé par la haine, l'absurdité et l'intolérance.
Quand il faut se battre pour vivre libre et mourir libre, le combat a différents visages. Et, Pablo le découvrira.
Dans ce très beau et court roman, on lit l'acharnement de la dictature contre la liberté d'opinion et la liberté d'expression, la haine, la peur, on y trouve surtout le courage, le combat, la résistance, et l'amour filial.
Un condensé d'intensité, remarquable.
« Je te craignais lâche, tu m'apprends un autre courage. Moins ostensible. Mais peut-être plus exigeant ».
En fin d'ouvrage, les références des magnifiques extraits de poèmes disséminés tout au long du récit.
Ce roman reçut le Prix Lire au collège 2005, Grenoble, et le Prix Sorcières 2006.
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Roman jeunesse mais aussi pour adultes sur la force des mots, les fonctions de la poésie combat et soutien.
Agé de 40 ans, Pablo revient sur les lieux où son père était emprisonné. Quand Pablo avait 16 ans, il a vu l'arrestation de son père dans une dictature militaire d'Amérique latine jamais citée (Chili ou Argentine). Il a alors compris son combat non violent, l'importance qu'il accordait aux mots. Il soutient son père en lui récitant des poèmes près du quatrième soupirail donnant sur la cellule dans laquelle son père vit ses derniers jours. Le récit évoque en particulier le fameux poème de Henley "Invictus" qui a soutenu un autre prisonnier réel et célèbre celui-là Mandela et ses célèbres vers.
"Je suis maître de mon destin et capitaine de mon âme"
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L’œil capturé par ce mince filet de sang noir, ce torrent d’encre calme que buvait lentement le désert du cahier. Mes larmes, il n’aurait jamais pu les boire.
- Violence contre violence. Sang versé pour sang répondu. Inflation des douleurs, des peurs, de l'injustice. A quoi tu crois que l'on peut aboutir, comme ça ? Tu penses que ça fait grandir l'humanité, ce genre de choses ?
- En tout cas, il se bat, lui !
Sous-entendu : lui, au moins. Il ne se contente pas d'imprimer des mots sur des feuilles. Il flingue, il sacrifie, il s'agit. C'est un homme, un vrai. Il en a.
.....
- Je ne veux pas le bonheur ailleurs, je le veux ici. Je suis né dans ce pays, Pablo. Et c'est là que je veux mourir. Mais je voudrais pouvoir y mourir libre. C'est pour ça que je lutte.
Lutter ? Tu parles ! C'est pas pour toi, des mots pareils ! Laisse-les à ceux ui les méritent, aux héros, aux vrais. Aux Julio Brezal.
Le jour où ma vie se déchire, le jour maudit où je te perds, tu es debout sur le seuil. Ta seule arme, c'est un livre. Tu pouvais prendre le fusil dans la réserve, tu ne l'as pas fait? Tu pouvais t'enfuir avant la tornade. Quitter le pays, avec moi, lorsqu'il était encore temps. Tu es resté. Tu fais face. Je te craignais lâche, tu m'apprends un autre courage. Moins ostensible. Mais peut-être plus exigeant. Dans le bruit du moteur qui s'éloigne, je t'en veux de tes choix qui nous ont séparés. Je m'en veux de n'avoir rien compris.
Tu es un héros, toi aussi.
Je ne veux pas le bonheur ailleurs, je le veux ici. Je suis né dans ce pays, Pablo. Et c'est là que je veux mourir. Mais je voudrais pouvoir y mourir libre. C'est pour ça que je lutte.
Lutter ? Tu parles ! C'est pas pour toi, des mots pareils ! Laisse-les à ceux ui les méritent, aux héros, aux vrais. Aux Julio Brezal.
Le jour où ma vie se déchire, le jour maudit où je te perds, tu es debout sur le seuil. Ta seule arme, c'est un livre. Tu pouvais prendre le fusil dans la réserve, tu ne l'as pas fait? Tu pouvais t'enfuir avant la tornade. Quitter le pays, avec moi, lorsqu'il était encore temps. Tu es resté. Tu fais face. Je te craignais lâche, tu m'apprends un autre courage. Moins ostensible. Mais peut-être plus exigeant. Dans le bruit du moteur qui s'éloigne, je t'en veux de tes choix qui nous ont séparés. Je m'en veux de n'avoir rien compris.
Tu es un héros, toi aussi.
Ces jours là, je les ai parcourus sur la pointe des pieds, pour me faire oublier de la vie. Je me tenais dans le creux de silence, le souffle transparent, tout entier désireux de ne pas être là. J'évitais de penser au passé. Les souvenirs heureux me faisaient peur. Ils avaient des semelles d'ombre, revenaient en traînant après eux cette horreur.(...). Je pensais à toi et à ton idéalisme. Tes guerres de papier, si fragiles à partir en fumée.
Voilà la vraie raison de mon retour ici. Savoir sur quoi ma vie se fonde. Revenir, pour un jour seulement, dans ce lieu de fracture, sur la ligne incertaine du partage des eaux.
D'un côté mon enfance, l'âge de la confiance, où tout semblait possible.
De l'autre, ma vie d'adulte, où la raison bride la foi, dépouille les miracles.
Entre, quelques semaines de ma vie à seize ans. Si peu de temps, pour trouver ma mesure, perdre à jamais ce qui était ma vie. Changer le duvet pour la plume. Et grandir.
Film de Jean Becker et Jean-Loup Dabadie avec Gérard Depardieu, Gisèle Casadesus et Patrick Bouchitey, 2010.
Adaptation du roman de Marie-Sabine Roger.