J'aime bien redécouvrir des auteurs du XXème siècle, comme Roger Vercel, car, au vu de la profusion de romans et de témoignages publiés depuis plusieurs décennies, certains auteurs risquent de tomber dans l'oubli, les plus récents comme ceux du siècle passé.
J'aime aussi l'affiche du film "Remorques" de Grémillon, avec ce couple sublime Gabin/Morgan, même si Grémillon a fortement romancé le récit de Vercel.
J'ai donc plongé dans les vagues gigantesques de l'Océan, que le personnage central, Renaud (interprété par Jean Gabin) brave pour sauver ces hommes, parfois imprudents, souvent exigeants, et qui n'attendent leur salut que d'un remorquage à hauts risques, sous les ordres du capitaine Renaud.
Renaud est un vrai baroudeur, dur, expérimenté, mais sa faille secrète, c'est le mal qui ronge sa femme, elle qui pourtant l'a longtemps accompagné dans ses missions périlleuses.
Après une dernière mission menée par le Cyclone, le remorqueur du capitaine Renaud, celui-ci va devoir affronter une autre épreuve : celle de la maladie de sa femme. Affronter une tempête en plein océan, puis une tempête en huis-clos, tels sont les deux versants du roman de Vercel : la bravoure du héros, que l'on mesure dans sa lucidité et son courage face aux éléments, mais aussi l'humanité de l'homme confronté à la maladie de sa femme, et contraint d'admettre sa faiblesse d'homme.
Un personnage très moderne que ce capitaine Renaud : la stature d'un héros et la sensibilité d'un homme, tout simplement.
Je vous recommande ce roman oublié, même si les termes liés au monde de la marine, nombreux, que Roger Vercel a soigneusement choisis, n'étant pas un marin lui-même, peuvent entraver la fluidité que l'on attend de la lecture d'un roman d'aventures
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C'est une lecture inouie ! d'une force ! c'est une "lecture tempête", un "cyclone ".
Du début à la fin on est transporté, chahuté, bouleversé.
Une merveille.
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Une fois de plus, un signal de détresse a été capté, les conditions de sauvetage ont été posées et acceptées : le remorqueur "Cyclone", capitaine André Renaud, quitte le quai de Brest où il reste amarré sous pression jour et nuit, prêt à partir au premier appel par n'importe quel temps.
Ce soir, l'ouragan rend la mer énorme, destructrice, mais malgré des avaries le "cyclone" poursuit sa route vers le cargo grec "Alexandros". Le prendre en remorque se révèle une tâche ardue, parce que le grec ne s'aide pas et largue même une partie de ses passagers, entre autres la femme du capitaine.
Une remorque casse, la seconde aussi - au large de Sein - et la troisième est maillée juste à temps pour les sauver tous du naufrage. Celle-là, le grec la rompra en vue de Brest afin de ne pas payer la note, car il a réussi à réparer pendant que le "Cyclone" peinait à le tirer d'affaire.
C'est à vous dégoûter du métier, comme la perte du vapeur anglais chargé de carbure qui explose à la sortie suivante, sans compter les ennuis à terre causés par la maladie de sa femme Yvonne, sa compagne de toujours. Pourtant quand on vient l'avertir d'un nouveau SOS, Renaud s'arrache au chevet de sa femme mourante pour répondre à l'appel - ainsi le veut l'impérieuse tradition des gens de mer que Roger Vercel peint admirablement dans ce très beau roman qui a sa place parmi les classiques.
(quatrième de couverture de l'édition de poche parue en 1973)
La chaussée de Sein.. Une chaussée, oui, une route d'écume, cahoteuse, large de quatre milles et hérissée de milliers de cailloux noirs. Et là-dedans, les entrelacs incohérents des courants et des remous, une sorte de foisonnement de l'eau, d'enchevêtrements absurdes, de retours , de repentirs.
Quand le nord redevint clair, les brisants surgirent si proches que Renaud en reçut un choc, comme de retrouver présente, au réveil, la menace d'un cauchemar. Un moutonnement furieux y courait, d'est en ouest, et les recouvrait. C'était quelque chose de prodigieusement vivant, une galopade d'avalanches, des crinières démesurées qui s'échevelaient. Les roches parfois pointaient sous l'écume comme des engins difformes crachant à d'extraordinaires hauteurs des explosions tonnantes.
L'homme avait dit encore :
J'ai fait du scaphandre avant de venir ici, et je peux vous dire comment que ça se passe en dessous... J'y ai vu une fois des crabes et des homards se battre, et comment ! pour un bonhomme... Les crabes s'étaient fourrés dans la poitrine du type. Fallait les voir sortir de dessous les côtes, pour sonner à coups de pinces les homards qui en voulaient un morceau... Etre bouffé par un beau homard, c'est tout de même plus flatteur que par les asticots... C'est pas votre avis, capitaine ?
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Pourquoi ses qualités de mer le lâchaient-elles, dès qu’il mettait le pied sur le quai ?... Que devenaient, à terre, sa patience, son indulgence à la détresse, son zèle pour aider et soutenir ?... Son métier, transporté chez lui, n’eût-il pas sauvé sa femme ?... Il pressentit soudain qu’il n’en disposait pas, et que son assistance ne pouvait atterrir ! Le sauveteur appartenait au large et ne s’éveillait que sur la passerelle ; à terre, il ne restait de lui que lui-même, un médiocre, un négligent !... La mer, quand il la quittait, reprenait l’homme qu’elle avait façonné, pour ne le rendre qu’au premier S.O.S… Tout de même, quelle tristesse de si peu se ressembler !...
(p. 228-29, Chapitre 10).
Après l'armistice, elle l'avait encore suivi aux Kerguelen, où il était allé, plusieurs années, pêcher l'huile de phoques sur un bateau à autoclaves. Elle avait été malade de dégoût, au milieu de cet abattoir marin où l'on tuait les éléphants de mer par dizaines de mille avec des merlins de boucher. Elle fuyait les chantiers ou Renaud les dépeçait, fondait leur graisse pour fabriquer des crèmes de beauté, ces crèmes dont les réclames amusaient tant le capitaine lorsqu'il y lisait que telle star n'acceptait à aucun prix de se graisser le museau avec autre chose que le l'huile de phoque...
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