Prevoyant une semaine à Bruxelles prochainement et dans le désir de ne pas me contenter d'admirer l'anatomie du Mannekenpis, je suis partie à la découverte de Brueghel sous la plume de D.Rolin. Double très belle découverte:celle de la vie du peintre et celle de l'auteure.La postface du roman est enrichissante et vient confirmer que les éléments du récit reposent sur un sérieux travail historique ce qui m'était indispensable au vue de l'objectif de mieux comprendre les tableaux que je contemplerai !
Plus que la technique du peintre c'est à sa vie que nous accédons et même surtout à sa vie intérieure.
Depuis son enfance jusqu'à sa mort,Brueghel sera galvanisé par la souffrance, qu'elle soit physique ou psychique.Très vite, il va obtenir la certitude que sa voie est celle du dessin(puis de la peinture) et que sa souffrance,comme celle du monde sera l'énergie de sa créativité.Le rejet vêcu dans son enfance semble à l'origine de sa personnalité pas franchement sympathique de part son côté égocentré, mais passionnante par sa complexité.Il veut maîtriser,decider, n'en faire qu'à son idée comme si c'était le seul moyen de devenir acteur plutôt que victime de la mise à l'écart et de la brutalité du monde,y compris celle de l'oppresseurdu pays,les espagnols.Pourtant cette mise à l'écart dont il a été l'objet enfant ne résume pas son parcours.Contrairement à de nombreux artistes,il sera vite protégé et soutenu,intégré au monde bourgeois;mais ni cette reconnaissance ni l'amour ne suffiront à le réconcilier avec les hommes.La mort et la souffrance sont omni présentes dans ses oeuvres ainsi que la folie qui le révulse autant qu'elle l'attire.Il est un fervent admirateur de Jérôme Bosch dont la peinture traduit cette folie des hommes mais aussi l'enfer qu'ils portent en eux.Brueghel fonctionne par binôme: mort/création; reel/folie; désir/sanction;vérité/mensonge.
A travers la vie de cet illustre flamand, D.Rolin nous permet d'autres rencontres artistiques:les Coecker,Martin de Vos, les peintres italiens...mais ce qui a été pour moi un plus indéniable c'est son analyse psychologique du peintre et la fresque, j'ai envie de dire "le tableau" historique qui accompagne le portrait.
Très belle lecture que je recommande.
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On peut fort bien être un homme à part entière sans être humain, et décidément c'était mon cas. L'homme enfermé au fond de moi emportait tout, disposait de mes capacités, m'imposait froidement la permanente aventure de cruauté qu'exigeait ma peinture.
Chaque souvenir est une espèce de lac parfaitement fini, bien isolé à l'intérieur d'un espace immense que l'on est bien obligé de nommer le Temps. Entre les lacs en question s'étale un vide brumeux et doux, ni chaud ni froid, apparemment dénué d'intérêt mais qui, bientôt, se révèle d'une importance capitale.
Mon enfance avait été tuée la veille à cause d'un mensonge qui était peut-être la vérité.Mais voilà:j'étais capable désormais de penser à ces choses non seulement sans tristesse mais avec une force assurée,une force que j'aurais pu qualifier de rouge s'il avait permis d'appliquer une couleur sur un sentiment.
Moi, Pieter Brueghel, je veux peindre encore. Mes bras sont remplis de tableaux futurs. Des couleurs ruissellent sous ma peau, dans l'épaisseur de mes nerfs.
Pieter Brueghel, ton esprit est celui d'un malade mental.Veux -tu savoir pourquoi?Parce que tu refuses la beauté,la tendresse humaine.
Ah vous écrivez : émission du 02 septembre 1977
Trois écrivains au sommaire de ce magazine littéraire de
Bernard PIVOT:
Georges CONCHON pour "
Le sucre"
Dominique ROLIN pour "Dulle griet"
Alexandre ASTRUC pour "Le
serpent jaune"