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EAN : 9782818021767
P.O.L. (31/12/2014)
2.77/5   91 notes
Résumé :

C'était un des petits plaisirs ménagés par la guerre, à sa périphérie, que de pouvoir emprunter le boulevard de Sébastopol pied au plancher, à contresens et sur toute sa longueur.

En dépit de la vitesse élevée que je parvins à maintenir sans interruption, entre les parages de la gare de l'Est et la place du Châtelet, j'entendais éclater ou crisser sous mes pneus tous les menus débris que les combats avaient éparpillés : verre brisé, matériaux... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
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Les évènements.

J'imagine volontiers qu'une période de guerre larvée pourrait prendre cette forme de nos jours en France. A force de surinformation et de dilution politique, on ne sait plus qui vraiment tient la laisse du pouvoir et des factions armées trouveraient sans doute un terrain privilégié dans l'abandon du territoire. Peu importent en fait les idéologies quand la finalité serait toujours la même.

Juste avant, on avait plus à faire avec la nature ordonnée pour la consommation et le tourisme de masse qu'à la nature vierge et émouvante. Autoroutes, LGV, parkings et méga surfaces commerciales occupaient l'essentiel de l'univers paysager quotidien du plus grand nombre et il fallait une bonne dose d'héroïsme pour dénicher « un petit coin agréable et bucolique » qui n'aurait pas été choisi ou « élu » par des trip-internautes blasés et vaticinateurs.

Et donc c'est ça les évènements. D'un coup c'est la guerre ; à Paris on descend Sebasto en contre sens depuis la gare de l'est jusqu'à la porte d'Orléans et on croise des groupes armés sans s'arrêter.

Jean Rolin, quarante ans après les « chemins d'eau », nous emmène dans cette rando à chaud en quittant la N20 à Etampes. Car notre promeneur solitaire a gardé l'oeil du poète sur les paysages qu'il enregistre et analyse avec les deux théodolites qui occupent ses orbites de géomètre. Il capte toute l'attention du lecteur avec ses observations méticuleuses. Ses retranscriptions spatiales sont d'une qualité rare.L'art subtil et vrai du "paysage".

Pour avoir fait le circuit initial de Paris à Châteauneuf sur Loire, de nombreuses fois dans les années 70, je retrouve des souvenirs incroyablement précis. La traversée de Sermaise, celle d'Intville et aussi ce restaurant en bord de Loire ou j'ai déjeuné avec des amis et qui devient dans le récit des « évènements » le lieu d'un improbable assaut militaire.

Cette permanence des lieux est la seule à pouvoir réellement rassurer dans le chaos qu'est devenu le territoire... et ces chemins d'écoliers, chemins de jeunesse se faufilent sous les autoroutes ou dans le creux des villes au détour d'un Proximarket dévasté.

Qu'importe alors que les anciens esclaves des têtes de gondoles aient revêtu des treillis et des casques pour s'emmerder tout autant aux check point qui jalonnent la route de Clermont Ferrand à Marseille, qu'importe que toutes les usines de tire-bouchon aient été pillées, que les hôtels soient en ruine et les communications ratatinées, l'essentiel est de conserver un regard objectif faute d'être innocent. Très peu d'espoir évidemment.

Pour cette rentrée littéraire 2015, Jean Rolin fait beaucoup mieux que bien d'autres. Un Roman à lire et à relire tant il est prophétique.




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« Les Événements » est un roman de Jean Rolin publié en janvier 2015 par les éditions P.O.L.

Un narrateur relate sa traversée de la France, de Paris vers la côte méditerranéenne, dans le contexte d'une guerre civile. Aucune information n'est donnée sur les « événements » qui ont fait basculer notre pays dans ce conflit. Nous savons juste qu'un fragile cessez-le-feu a été obtenu après de violents affrontements et que différents groupes contrôlent des portions de territoire : troupes de l'armée régulière, milices fascistes, communistes ou islamiques. Des militaires des Nations Unies, passifs et un peu perdus, sont également déployés sur le territoire.

Le lecteur sait très peu de choses sur le narrateur, si ce n'est qu'il n'appartient à aucun camp. Il ignore également ce qui motive cette traversée puis prend conscience qu'aucun prétexte n'est nécessaire. le récit est un voyage dans un pays en guerre, où les scènes de désolation contrastent avec des paysages bucoliques. On a parfois le sentiment de suivre une excursion touristique. L'auteur alourdit le texte de descriptions géographiques qui, bien qu'écrites avec talent, donnent l'impression de lire une carte routière ou un guide du routard. J'ai été désemparé par le comportement du narrateur : sa compagne se fait enlever... Celui-ci reste en extase devant un parterre de jolies fleurs. Parfois, un commentateur prend le récit en main - on passe alors de la première à la troisième personne - et en profite pour éluder certains moments du voyage. Une partie du trajet entre le centre et le sud de la France n'est pas relatée ; le narrateur, une fois arrivé dans une poche de résistance tenue par les communistes pour y chercher son fils hypothétique stoppe sa quête pour se promener dans le théâtre des opérations ; la compagne kidnappée réapparaît soudainement, on ignore tout des conditions de sa libération… le fil du récit ne suit aucune logique. Les événements, que ce soient ceux de l'histoire ou ceux du conflit, restent en arrière-plan. Seule compte la représentation d'un pays. le narrateur glisse sur les scènes de guerre, de destruction, de famine mais prend le temps de contempler une nature et le cours des saisons. Les magnifiques descriptions des paysages de notre pays dans leur variété (Paris, des zones urbaines ou industrielles, la forêt, la Beauce, le Massif central, les Bouches-du-Rhône) constituent le coeur du récit.

J'ai un avis mitigé sur ce roman. Je suis à la fois déçu et admiratif. J'avais éprouvé les mêmes divergences pour « le ravissement de Britney Spears ». L'écriture est magnifique, le roman est très bien construit mais je me suis égaré lors des descriptions successives des départementales et nationales et réjoui d'avoir terminé ce livre, malgré sa brièveté.
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Jean Philippe Rolin, né en 1949 à Boulogne-Billancourt, est un écrivain et journaliste français. Etudiant, Jean Rolin s'investit dans la tendance maoïste de mai 68. Au début des années 1970, il intervient comme représentant de la Gauche prolétarienne à Saint-Nazaire. Journaliste, il a surtout effectué des reportages, entre autres pour Libération, Le Figaro, L'Événement du jeudi et GEO. Écrivain, il est l'auteur de récits de voyage, de chroniques, de souvenirs, de romans et de nouvelles. Paru en 2015, son roman Les Evènements vient d'être réédité en poche.
La France est en guerre civile. Pour venir en aide à un ami qui serait malade, le narrateur doit quitter Paris, au volant d'un véhicule déglingué, et rouler vers le sud. En chemin, toutes sortes de difficultés vont surgir, imputables aux différents groupes armés qui se disputent le territoire, ou aux casques bleus qui s'efforcent mollement de les séparer.
Encore un de ces romans qui me laissent perplexe à la lecture et bouche bée quand je le referme, car honnêtement, je ne le comprend pas. Certes, je l'ai lu jusqu'au bout sans envisager de l'abandonner en route mais seulement parce qu'il est très court. Un roman sans histoire réellement construite et sans fond (message) apparent, ce n'est pas ma tasse de thé.
Nous suivons donc un narrateur (on ne sait qui) partant de Paris avec des médocs (on ne sait pour quel traitement) devant être remis en mains propres à Brennecke, un vieil ami de jeunesse, qui aurait (peut-être) été son amant d'alors, en tout cas, ils formaient avec une certaine Victoria un trio amoureux pas très clair. Cet ami est chef d'un groupe armé, un de ceux (de droite, de gauche ou islamistes ou encore chrétiens) qui se combattent à travers la France, sous le contrôle franchement mou des casques bleus de l'ONU (des finlandais et des ghanéens). le narrateur donnera ses médicaments à son ancien pote, il recroisera le chemin de Victoria qui lui avoue avoir un fils de seize ans disparu (rejeton qui pourrait être du narrateur ou bien de Brennecke) et qu'elle aimerait qu'il l'aide à le retrouver, du coup ils partent tous les deux vers le Sud, elle se fait enlever (on ne sait par qui), il arrive à Port-de-Bouc, retrouve Victoria en possession d'une valise pleine de fric (venant d'on ne sait où) mais pas le fils (qui n'a jamais existé) et ils se préparent à l'exil vers les Baléares ! Fin de l'histoire, n'oubliez pas de fermer la porte en sortant !
Le texte est fait, le plus souvent, de phrases assez longues avec un excès de détails topographiques ou autres qui n'ont aucun intérêt particulier mais franchement agaçants quand on les oppose au manque d'indications claires concernant la narration proprement dite. Une histoire complètement floue dans des décors extrêmement précis ! La virée, de Paris à la Méditerranée s'apparente à un documentaire de France3 genre Des racines et des ailes, un peu gâché par le fait que nous sommes en guerre (molle, si on se fie à la lecture). le ton varie de l'humour pince-sans-rire (« Puis par des rues que je n'eus guère le loisir d'identifier, dans la position que j'occupais au milieu de la banquette arrière, les mains menottées dans le dos et la tête sur les genoux… » [L'humour, c'est que tout du long du roman, Rolin nous soule avec les noms des rues, boulevards et places qu'il emprunte !]) à l'ironie critique, seul point positif de cet étrange bouquin.
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J'ai lu les critiques babéliennes sur "Les évènements". La plupart sont très subtiles , d'autres un peu moins ( on peut les comprendre car la mienne fera certainement partie du lot vu l'expectative dans laquelle m'a laissé ce livre...) , mais beaucoup posent la question du "sens" , du message qu'aura voulu distiller Jean Rolin. Et si tout cela n'était que galéjade ? Et si Jean Rolin s' était tout simplement dit :" écrivons un truc qui fera gamberger les lecteurs et les critiques , certains y verront la préfiguration de la guerre civile qui menace la France, d'autres y mettront leurs fantasmes populistes, d'autres croiront y voir une influence houellebecquienne.....etc.
En fait c'est à un rêve que m'a fait penser ce livre (pas vraiment un cauchemar car on n' y trouve pas d' exactions propres aux guerres civiles). Il y a un décor absolument réel, hyperréaliste , tout est décalqué d'une visite sur Google Map : les numéros des départementales, les usines en activité ou pas (Painsol à Salbris) , le nom des avenues.... une France étonnamment figée et passéiste . Sur ce décor de carte postale s'agitent quelques individus mus par d'obscures raisons et dont on peut penser qu'ils n'en sont que les marionnettes . Ces protagonistes de la guerre civile en singent les postures et les effets. Jusqu'à reprendre les sigles de l'Espagne républicaine (le SIM de sinistre mémoire) . Et pour faire encore plus "guerre civile" l'auteur en rajoute un peu en distillant ça et là des mots "clefs" qui feront "vrais " et s'immisceront dans le cerveau du lecteur : la FINUF (Force d'Intervention des Nations Unies en France) , le nom des protagonistes : Brennecke pour le chef des rebelles, Slobo pour le chauffeur du narrateur...les chars T 55 récupérés en ex-Yougoslavie , l'Antonov crashé en bout de piste..... Et pour compliquer l'interprétation que de bonnes âmes cartésiennes (j'en suis...) aimeraient faire de ce roman , trois chapitres sont écrits par un personnage extérieur au drame . J' en ai déduit que ce personnage s'appelle Jean Rolin et qu'il s'amuse, tel un petit diable au dessus de la boite , à tirer les ficelles des acteurs d'une pièce de théâtre éternelle depuis l'origine du monde : "Comment distraire l'homme de son ennui en temps de paix sinon en lui faisant la guerre" ?
Pendant ce temps là les saisons, la nature,les animaux, le reste du monde quoi , continuent à "persévérer dans leur être" .Indifférence coupable aux yeux de l'Homme qui se croit l'alpha et l'oméga de la Création...C'est à peu près ce que j'ai cru retenir de la lecture des Evènements, qui n'en sont pas à l'échelle de l'éternité.
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C'est la guerre en France. dans une époque post-houllebecquienne, des affrontements entre communautaires du Hezbollah, identitaires et loyalistes déchus sont arbitrés par l'ONU. le narrateur traverse la France, avec exactement les mêmes péripéties que celles narrées pendant la seconde guerre mondiale, ou la guerre du Liban. Oui, mais on est en France, aujourd'hui. L'auteur met en exergue l'ordinaire possibilité de ces 'Evènements' en donnant une atmosphère paysagiste au récit. A côté d'une voiture déchiquetée, un champs de coquelicot. Il en résulte une profonde réflexion sur l'ordinaire d'un affrontement presque tribal, et surtout un excellent livre, dans la mouvance d'Ormuz et de l'Explosion de la Durite, très influencé, à mon sens par le Nouveau Roman.
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critiques presse (16)
LaPresse
02 mars 2015
Paris en état de siège, des bords de route jonchés de cadavres, des milices combattant pour des parcelles de territoire, Marseille à feu et à sang: voici le décor apocalyptique du nouveau roman de Jean Rolin.
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Lexpress
17 février 2015
La langue de Jean Rolin, fine, précise, enveloppe le récit d'un drapé délicat et poétique. Si ce n'est cette surabondance de détails géographiques qui parasite la lecture et réussit parfois à nous faire perdre le fil.
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Lexpress
12 février 2015
Les premières lignes du livre annoncent un roman intense et vibrant. On se dit que le narrateur est un homme impulsif, avide de plaisirs divers. Ce n'est qu'une première impression car la suite va plutôt donner lieu à un voyage étrange, vécu au travers d'un anti-héros ni tout à fait lâche ni tout à fait intègre.
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Lexpress
10 février 2015
Franchement, c'est un tour de force et c'est écrit avec grand talent. Ceci dit, je ne suis pas une adepte de la géographie, de la topographie encore moins. Je suis restée en plan, dans un lieu inconnu, au bord d'une route indéterminée.
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Lexpress
09 février 2015
Je ne sais quoi vous dire ou me dire:il y a beaucoup de vent. Et si toutes les autres nombreuses œuvres de ce Monsieur sont du même goût, j'ai bien fait de n'en avoir lu aucune.
Car tout cela sert à quoi?Le narrateur - qui ne s'est pas présenté - ne nous le dit pas. Et je ne l'ai pas découvert.
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Bibliobs
02 février 2015
Cette ultra-contemporaine chanson de Rolin sonne beaucoup plus comme une mise en garde que comme un catalogue de prévisions. Aucun topo didactique pour nous éclairer sur le hors-champ, aucun scénario de politique-fiction élaboré comme chez Houellebecq. Au contraire, un principe d’incertitude généralisé, qui guide l’écriture à chacun de ses niveaux.
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Liberation
27 janvier 2015
Tout est amorti dans les Evénements, y compris l’impact des balles. Le livre semble suspendu entre deux eaux, énonçant un mode d’existence, une manière d’être en guerre (et de s’en détacher) empreinte de mélancolie.
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Lexpress
23 janvier 2015
Lumineux par son style, déroutant par sa construction, laissez-vous embarquer dans ce road trip invraisemblable et capricieux.
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Lexpress
22 janvier 2015
Mais le problème de ce livre à la fois précis (que de descriptions de faune et de flore ! On se croirait dans Le Tour de la France par deux enfants) et brumeux est : quel intérêt ? Si son but tout du long était de converger vers la page 180 et la pensée profonde de l'auteur sur ce qu'est la guerre et qui tient en cinq lignes, c'est peu.
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Lexpress
22 janvier 2015
Avec du recul le livre peut s'avérer sinon envoûtant, du moins déroutant, malgré une fin aussi expéditive qu'inattendue. Me reste un sentiment mitigé que j'ai déjà éprouvé pour "Le ravissement de Britney Spears" ou "Un chien après la mort". Mais l'étonnement reste intact.
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Lexpress
22 janvier 2015
Cette traversée de la France, qui tient plus de la parodie que du récit de guerre tragique, est propre au style souvent teinté d'ironie de Jean Rolin. Un style qu'on aime ou qu'on n'aime pas, mais ici tellement dénué d'émotions, et de dialogues, qu'on croirait lire une longue didascalie.
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Lexpress
22 janvier 2015
Je me suis ennuyée profondément de la première à la dernière ligne et suis très frustrée qu'aucune réflexion sur notre monde actuel, sur les répercussions physiques et psychologiques d'une possible guerre, ne surgisse de cette lecture, vaine.
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Lexpress
22 janvier 2015
A vouloir trop forcer sur le détachement et la distanciation vis-à-vis de son narrateur et des événements, c'est ceux du lecteur que Jean Rolin finit par susciter. A la surprise et l'appétence suscitées par les premières pages du récit succède trop vite l'impression de vacuité dégagée par sa lecture.
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Culturebox
21 janvier 2015
Le roman est porté par une belle écriture, mais laisse le lecteur un peu désemparé par son absence de point de vue (à moins que cette absence de point de vue ne soit justement un point de vue...).
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Lexpress
12 janvier 2015
L'écriture est précieuse à force de pointillisme et l'understatement est la règle, comme si l'usage d'un ton décent permettait de décrire l'horreur du monde en s'esclaffant. Oui, Les Evénements est le roman le plus drôle et le plus tragique de la rentrée.
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Telerama
24 décembre 2014
Les allégories rêveuses de Jean Rolin ont cette singularité d'être tracées d'un trait minutieux, pour ne pas dire hyperréaliste. S'il demeure volontairement imprécis sur le déclenchement et les arrière-plans idéologiques de cette guerre civile franco-française, c'est avec exactitude qu'il en décrit les opérations et les effets.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Ainsi le narrateur, dans les mouvements désordonnées qu'il décrit à l'intérieur de la poche, soi-disant à la recherche du fils, bien qu'il donne parfois l'impression de ne pas s'en soucier plus que ça, ainsi le narrateur est-il de retour à son point de départ et (...) s'est fait au moins deux réflexions, l'une et l'autre de portée générale, au sujet de la guerre. Premièrement, que le coeur de celle-ci, indépendamment de l'ampleur des combats ou de leur intensité, peut être envisagé comme un certain volume d'air à l'intérieur duquel des morceaux de métal, de poids et de formes variables, volent en tous sens à la recherche de chairs à déchiqueter et d'os à rompre. Deuxièmement, que là où la densité de tels fragments, si on essaie de se la représenter, devient mentalement acceptable - par exemple , là où peuvent exploser de temps à autre une roquette ou un obus de mortier, mais où il n'en tombe pas à tout instant-, même si elle continue d'entraîner un risque vital bien supérieur à celui que l'on serait prêt à affronter en temps de paix, l'activité humaine se poursuit, ou reprend, presque comme si de rien n'était.
On observe que des gens, souvent des personnes âgées, cultivent leur petit jardin (...) que d'autres vendent de tels produits - fruits, légumes, oeufs de poule ou fleurs coupées - à même le trottoir ainsi que des produits ne nécessitant qu'une activité limitée de transformation, tels que des tartes, des pizzas ou des sorbets de fabrication domestique, et que certains, poussant le bouchon un peu plus loin, promènent leur chien, jouent de la flûte ou font de la gymnastique aux échos peu lointaine des échanges de tirs.
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Et n’est-ce pas un meuglement déchirant, exprimant toute la détresse de l’abandon, que le narrateur vient d’entendre, s’élevant des bois nus qui couvrent les deux versants de la vallée ? Mais il est trop préoccupé par son avenir immédiat pour se soucier durablement de la solitude du bétail. Et puis de quel secours pourrait-il être à un veau, lui qui n’a pas été capable, depuis qu’il a pris la route, de prêter assistance à un seul de ses semblables ? Il lui revient en mémoire une fable japonaise (ou chinoise ?) dans laquelle un moine errant, entendant un enfant vagir dans les roseaux qui bordent un étang, cède d’abord à la tentation de lui porter secours, avant de se reprendre et de passer son chemin. Car s’il ne sait pas, le moine errant, ce qui est bon pour lui-même, comment pourrait-il savoir ce qui l’est pour l’enfant, et s’il ne lui convient pas de se noyer ?
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Au moins dans un premier temps, la vue que l’on découvrait de la fenêtre, au troisième étage de l’hôtel Première Classe, sur le champ de maïs, la station-service et le parking du Kanibalus, la façade scandée de grêles colonnes de l’hôtel Parthénon, et au loin sur les toits du Léon de Bruxelles (tuiles vertes) ou du Buffalo Grill (tuiles rouges), cette vue avait dû lui [à l’officier ghanéen] paraître assez exotique, tandis que, quant à moi, et quand bien même on en aurait retiré les curés morts, comme cela se ferait nécessairement un jour ou l’autre, je la trouvais principalement déprimante.
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À la sortie d'Etampes dans la direction de Sermaises, une partie délaissée de la chaussée forme sur le côté de la départementale 721 une sorte de bras mort, ou de méandre coupé, séparé de la route par une banquette herbue plantée de quelques arbres. Dans des circonstances normales, ce bras mort est utilisé de loin en loin comme parking, le plus souvent par des chauffeurs-routiers désireux de se reposer. Le 16 août 2013, par exemple, au début de l'après-midi, on y remarquait un poids-lourd immobilisé, moteur coupé, dont le chauffeur était probablement en train de faire la sieste. En bordure de ce parking, là où il confine aux surfaces cultivées, on notait aussi la présence d'un cadavres de martinet, celui-ci comme momifié, mais encore aisément reconnaissable à la forme en faucille de ses ailes noires. A la suite d'un printemps exceptionnellement pluvieux, cette année-là, et donc peu propice à la chasse au vol des insectes, hirondelles et martinets avaient été nombreux à mourir de faim. Non loin de l'oiseau mort gisait une chaussure de sport dépareillée, dont il s'avérait, quand on la soumettait à un examen attentif, qu'elle était presque neuve, et en parfait état, comme si ça séparation d'avec le pied qu'elle avait dû chausser résultait d'un accident plutôt que d'un geste délibéré (car nul n'envisage à la légère de se séparer d'une chaussure de sport presque neuve).
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C’était un des petits plaisirs ménagés par la guerre, à sa périphérie, que de pouvoir emprunter le boulevard de Sébastopol pied au plancher, à contre-sens et sur toute sa longueur. En dépit de la vitesse élevée que je parvins à maintenir sans interruption, entre les parages de la gare de l’Est et la place du Châtelet, j’entendais éclater ou crisser sous mes pneus tous les menus débris que les combats avaient éparpillés : verre brisé, matériaux de construction hachés en petits morceaux, branchettes de platane, boîtes de bière ou étuis de munitions. Ici et là se voyaient également quelques voitures détruites, parmi d’autres dégâts plus massifs. Sur le terre-plein central de la place du Châtelet, à côté de la fontaine, des militaires en treillis, mais désarmés, en application des clauses du cessez-le-feu, montaient la garde, ou plutôt allaient et venaient, autour de l’épave calcinée d’un véhicule blindé de transport de troupes. D’autres militaires, qui me firent signe de passer, avaient établi un barrage filtrant en travers du boulevard du Palais, puis, de nouveau, à l’entrée du boulevard Saint-Michel. Plus loin, devant le lycée Saint-Louis, dont le bâtiment central était éventré sur près de la moitié de sa hauteur, des gravats et du mobilier scolaire étaient amoncelés, à demi consumés et parcourus encore par quelques flammèches. Au niveau du carrefour de Port-Royal – où la guerre n’était représentée que par cette statue du maréchal Ney qui le montre le sabre érigé, coiffé de son bicorne et conduisant une charge virtuelle -, j’ai dû ralentir pour éviter un chien, tout d’abord, puis les deux types qui s’étaient lancés à sa poursuite, et dont l’un, le plus rapproché de l’animal, brandissait ce qui me parut être une broche de rôtissoire.
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