Et ces deux femmes sont en effet ruinées ; et la plus âgée, mal conseillée, ayant de mauvaises fréquentations, mal au fait des risques, faible de jugement et de caractère, s’est laissée aller à croire qu’elle trouverait pour sa fille, ou sa nièce, à défaut d’un mariage très improbable, une liaison de bon ton avec un homme de cœur, qui comprendrait son rôle, et se conduirait en gentilhomme… et alors tu vas, toi, te comporter à l’égard de ces malheureuses ignoblement.
Tu vas agir de complicité avec cette mère maquerelle, à qui le tragique d’une situation comme celle de ces femmes est bien indifférent. Elle en a tellement vu d’autres ! Elle ne prend certes pas plus tes intérêts que les leurs. Mais tu es le client, si elle te sert bien, tu le resteras ;
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Elle se dit peut-être même qu’à la suite de cette épreuve qu’elle leur ménage – cette épreuve dont tu vas être l’instrument ; la mère et la fille, encore actuellement coriaces et peu utilisables, se trouveront matées d’un coup, mûries ; assez déshonorées à leurs propres yeux pour ne rien redouter qui les déshonore plus ; assez écœurées d’elles-mêmes pour faire des sujets dociles de sa troupe. Te voilà donc, toi, prêt à exécuter cette besogne de souillure, ravi de l’exécuter, et pas sur une fille du peuple, non, sur une fille sortie du monde que tu respecte le plus.
« Et puis je m’en fou » se disait-il en s’envoyant à lui-même le mot au visage, comme on se fouette avec une serviette mouillée. Qu’elles soient ceci ou cela, que mon envie soit ignoble ou pas, que celui qui dans une heure, dans trois quarts d’heure peut-être, me verrait faire me prenne pour un goujat, pour un voyou, pour un vicieux imbécile, je m’en fou, je m’en fou, je m’en fou.
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Et puis, il faudrait voir encore si ça leur suffit les petits anges ! S’il ne leur arrive pas de se précipiter comme moi en taxi, vers quelque ‘petite secousse’, ou ‘grande secousse’, dont leurs admirateurs bien-pensants et leurs amis archevêques ne sont pas invités à apprécier l’intimité charmante. D’ailleurs, eux sont inexcusables, ils devraient se contenter de leur gloire, de leurs succès, de toutes les lècheries que leur font chaque matin la presse, leur courrier, le simple son de leur nom quand ils se le prononcent à eux-même. Si en ce moment ils courent en taxi à quelque débauche clandestine, à quelque histoire de petite fille, je ne les salue pas non ; je leur dis " Vous avez encore du toupet ! Accapareurs ! "
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Ceux que je salue, ce sont les pauvres hommes comme moi, pourchassés par une détresse, et qui vont se rouler vraiment, avec toute leur peau à nu, dans ce que les marchands de vertu appellent la fange, les pauvres hommes de mon espèce, traqués par le grand froid de la désespérance qui s’est installé en eux ; ceux qui courent vraiment à un vice ; à une frénésie, à une fureur, pour ne pas courir tout de suite à la Seine. Oui , ceux là, je les salue, ce sont des camardes, des frères. C’est pour nous les histoires de petites filles ; pour nous ; de droit ; toute les chères infamies secrètes ; pour nous tous les rebroussements de nerfs au peigne de fer, à la brosse de fer.
Beaucoup de civilisations ont disparu. Quelques-unes ont laissé des traces, ou un lambeau d'héritage, en général à des héritiers indirects. Le sort des héritiers directs étant, par exemple, celui des descendants des Incas, qui mènent dans la forêt équatoriale une vie de bêtes dégradées ; ou celui des Polynésiens sommeillant auprès de vestiges grandioses, qui leur sont incompréhensibles. Rien n'empêche que notre civilisation disparaisse à son tour, et rien ne prouve qu'elle aurait des héritiers. La civilisation humaine tout entière peut s'effacer de la planète, comme tant d'autres floraisons géologiques ; l'animal humain retourner à l'état sauvage, et se raréfier peu à peu. Quand il se sera bien mis à décliner, à perdre ses techniques, à s'ENNUYER, quelque nouvelle offensive des insectes ou des microbes peut avoir raison de lui assez rapidement.
Dans l'Allemagne exsangue et tumultueuse des années 1920, le Bauhaus est plus qu'une école d'art. C'est une promesse. Une communauté dont le but est de mettre en forme l'idée de l'Homme nouveau.
En 1926, l'école s'installe à Dessau. Dans le grand bâtiment de verre et d'acier, Clara, Holger et Théo se rencontrent, créant une sorte de Jules et Jim.
À Berlin, toute proche, le temps s'assombrit. Les convictions artistiques ou politiques ne sont pas les seuls facteurs qui décident du cours d'une vie. Ce sont aussi, entre rêves d'Amérique et désirs de Russie, d'autres raisons et déraisons.
Lorsque l'école sera prise dans les vents contraires de l'Histoire, les étudiants feront leurs propres choix.
À qui, à quoi rester fidèle, lorsqu'il faut continuer ?
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