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Critique de Woland


Den som blinker er bange for døden
Traduction : Elena Balzamo

ISBN : 9782922868623


Ici, c'est du bref, de petites scènes mises bout à bout, les fragments brisés de l'enfance d'un petit garçon mi-danois, mi-allemand et, à travers elle, de son entourage familial. Une famille resserrée, blottie sur elle-même pour se protéger de toute souffrance superflue, dont le seul crime est d'être mixte, le père, agent, puis directeur-adjoint d'une compagnie d'assurance danoise ayant osé, au beau milieu des années soixante - soit tout de même plus de douze ans après la fin de la Seconde guerre mondiale - tomber amoureux d'une Allemande qui avait fui les troupes russes pour se réfugier à l'Ouest avec toute sa famille. La jeune femme a évidemment suivi son époux au Danemark mais, à Nykøbing, ville du Seeland, la plus importante des îles du pays, elle ne parvient pas à se faire accepter et restera à jamais "la Nazie", elle qui, pourtant, sous le joug hitlérien, avait vu ses amis opposants au régime finirent sous la hache du bourreau pour les femmes et pendus à des crocs de boucher pour les hommes.

L'ensemble mêle l'ironie et même le cocasse à une tristesse qui accable et à une amertume qui terrifie. Tout cela oscille entre le glauque brutal d'un écorché vif et une gaieté absurde, nerveuse, comparable à celle qui s'abat parfois sur les assistants lors d'une cérémonie funèbre. Pour atteindre le but qu'il s'est fixé, faire revivre cette mère qu'il n'a pas pu protéger de la sottise humaine et aussi lui rendre un hommage posthume, Knud Romer rit et nous fait rire avant de nous plonger d'un seul coup, dans les dernières pages de son livre, lorsque la Mort s'impose, dans les derniers remous, pleins de rage et de tumulte, qui ne veulent pas encore s'avouer vaincus, de ce qui fut bel et bien la tragédie d'une vie faussée, manquée, ratée.

On se rappellera longtemps le naturel avec lequel l'auteur intercale l'allemand résolument parlé par sa mère au sein d'un texte essentiellement rédigé en danois ainsi que les cigarillos et les bouteilles de vodka qui aidèrent vaille que vaille Mme Romer (à laquelle sa belle-famille avait d'ailleurs interdit de prendre le nom de son mari) à survivre - puis à mourir. Tout ici n'est que cruauté indicible, la cruauté banale du quotidien qui use, par laquelle tout un groupe humain refuse d'intégrer une femme par ailleurs trop fière pour rétablir la vérité sur son passé.

Au milieu de cette tourmente qui ne s'avoue pas, entre un père maniaque de l'ordre et de la sécurité qui se replie sur lui-même, une mère qui, victime de l'injustice de l'ignorance, campe fermement sur ses positions et, çà et là, les visites à une parenté allemande dont les bizarreries contribuent à le déséquilibrer encore un peu plus, le petit Knud voit tout, entend tout, subit tout et surtout comprend tout alors que ce qui aurait dû être l'enfance d'un petit garçon comme les autres se dévide irrésistiblement jusqu'à ne plus représenter qu'un écho plein de tristesse et de mélancolie se perdant dans le lointain des souvenirs ...

A découvrir. ;o)
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