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3,59

sur 76 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Tout en retenue et en pudeur, ce livre en dit-il encore trop pour que celle qui l'a écrit ait souhaité qu'il ne soit publié qu'après sa mort? Il me semble que la raison de ce choix est ailleurs. Voir publier, et donc voir lire un livre sur sa mère n'aurat-il pas constitué l'ultime et dangereuse séparation? Ce qui est frappant dans cet ouvrage, c'est l'ambivalence, l'énoncé d' une reconnaissance éperdue conjoint avec l'aveu du désir d'ignorer le caractère démesuré de sa dette filiale. Les seules séparations qui semblent faire sens pour Jacqueline, solitaire à la fin de sa vie, sont celles qui surgirent entre elle et sa mère. Jacqueline semble avoir réalisé le voeu de Jeanne, être reconnue et célèbre , au prix peut-être d'une vie de famille voire d'une vie de couple.Sa qualité même de spécialiste de Thucydide découle d'un cadeau que lui fit sa mère ,une édition ancienne des oeuvres de ce dernier. C'est à peine si elle s'arrête à ce détail, qui cependant fera son destin.
Mais revenons au personnage-phare du livre.
Il s'agit d'un très beau portrait de femme. Privée tôt de l'appui de sa propre mère, qu'elle perdit à 12 ans, à jamais défiante à l'égard d'un père volage et adultère, Jeanne fut tôt à elle-même sa propre mère et son propre père.
Mariée en 1909 à un intellectuel normalien et agrégé, elle sera veuve dès la première année de la "Grande Guerre", et élèvera seule Jacqueline, à une époque où les femmes sont encore d'éternelles mineures.
Ce malheur fut en un sens sa chance, car pourvue d'un caractère fort et entier, être seule à s'assumer ainsi que son enfant la libéra des chaînes que les femmes portaient quel que soit leur milieu. A travers les vicissitudes,Jeanne hissa Jacqueline vers les honneurs académiques qu'elle même n'atteignit jamais, bien qu'un début littéraire remarqué lui eût permis d'acquérir le statut de Femme de Lettres.
. Après la séparation entraînée par le prestigieux mariage de sa fille, la deuxième guerre mondiale la plaça de nouveau aux commandes de la destinée de Jacqueline, qu'elle sauva des persécutions antisémites grâce à ses amitiés et à son ingéniosité, car Jacqueline était de père juif et avait épousé un juif.Cela s'appelle sauver un destin. Mais avant même cela, elle avait posé une empreinte ineffaçable sur Jacqueline.
Dotée d'un tempérament artistique et douée de ses mains, elle construisit autour de sa fille dans l' enfance et l' adolescence un décor charmant et personnel dont le charme inimitable fut aussi peut-être intimidant : en tout cas Jacqueline ne transmit pas à son tour quelque chose de cette créativité bohème dans laquelle elle avait baigné En revanche elle semble avoir porté toute sa vie en elle l'image de cette mère solaire et esseulée.
Un livre qui approche avec une grande prudence et beaucoup de délicatesse les questions qui se posent sur la force des liens unissant une mère et sa fille, leurs conséquences sur la vie de chacune. Jacqueline de Romilly n'aurait-elle pas aimé que ces questions puissent être abordées du vivant de sa mère? il est permis de le penser. Mais Jacqueline elle-même ne se le serait pas permis, comme en témoigne l'elliptique douceur de celles qu'elle écrivit, en son oeuvre posthume.
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Je pense qu'on ressent et qu'on apprécie différemment ce livre en fonction de la relation qu'on a avec sa mère... Je vis avec la mienne une relation belle et forte, faite de complicité, de confiance et de tendresse, ainsi que de pas mal de disputes et parfois de sensations d'étouffement ! Pas étonnant dans ce contexte que cette histoire d'amour entre Jacqueline de Romilly, brillante femme de lettres, et sa non moins brillante maman Jeanne me parle si fort et me touche autant.

Intelligentes, pudiques et indéfectiblement soudées, elles cheminent côte à côte et s'aiment profondément, passionnément et sans condition. Leur amour mutuel semble être la clé de voûte de leur vie à toutes deux, et une richesse incomparable. le tragique de la situation, toutefois, c'est que cette relation exclusive leur ferme les portes d'autres amours et de plein de possibles : Jeanne renonce à sa vie propre pour suivre sa fille qui se marie et ne parviendra jamais par la suite à reconstruire cet édifice d'amitiés, de travail littéraire et de vie sociale. de même, le divorce de Jacqueline de Romilly et son retour à une vie de vieille fille avec sa maman semble inéluctable...

Dans ces histoires d'amour maman-enfant (ici ou encore dans La promesse de l'aube), je suis toujours partagée. D'un côté, c'est une chance immense de partir dans la vie gonflé de cet amour inconditionnel (et je parle d'expérience). de l'autre, ça reste quand même un fil à la patte, on ne peut pas être complètement libre de ses choix quand une maman nous aime comme ça...

En tout cas, vous l'aurez compris, je me reconnais beaucoup dans cette histoire, y compris dans les qualités de Jeanne comparées à celles de ma mère, et j'ai donc beaucoup apprécié cette lecture ! Pour celles et ceux qui ont une relation plus simple et équilibrée avec leur mère, je pense qu'ils verront avant tout dans le livre une belle et puissante histoire d'amour maternel, et peut-être le rappel des choix difficiles et générateurs de culpabilité que la vie nous impose parfois. de quoi vibrer et réfléchir pour tout le monde, en fait !
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Delphine de Vigan l'a si bien écrit dans "Rien ne s'oppose à la nuit" : "Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l'écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre. Aujourd'hui je sais aussi qu'elle illustre, comme tant d'autres familles, le pouvoir de destruction du verbe, et celui du silence.", une phrase qui m'avait renvoyée dans ma propre famille et son histoire.
Il en a été de même ici dès les premières phrases du livre de Jacqueline de Romilly consacrée à sa mère, Jeanne.
Cette entrée en matière dès les premières pages m'a interpellée, mais finalement, comme avec le roman de Delphine de Vigan, j'ai fini par prendre du recul et, dernier point commun et référence que je ferais à ce roman, là aussi l'auteur parle de sa mère en l'appelant par son prénom, à mon sens une façon de prendre du recul sur les événements et de ne pas laisser sa plume prendre le pas sur les sentiments.

Jacqueline de Romilly a écrit une véritable ode à sa mère, un grand cri d'amour, et, sans avoir lu ses oeuvres hellénistes, je me dis que si elles sont écrites avec autant de passion et d'amour elles doivent être d'une profonde richesse.
C'est avec précision sans toutefois pouvoir être parfaitement exacte que Jacqueline de Romilly parle de sa mère et retrace son parcours.
Jeanne était une femme en avance sur son temps, ouverte d'esprit et sans crainte de choquer les gens bien pensants : "Jeanne au bracelet d'argent était, je le sais, beaucoup plus rebelle, et audacieuse, et passionnée, que ne sont nos filles en blue-jeans.".
A la lecture de ce roman, j'ai éprouvé une forme d'admiration pour cette femme qui se sera mariée une seule fois dans sa vie, aura connu la vie et le bonheur conjugal que quelques courtes années avant que son mari ne soit tué durant la Première Guerre Mondiale, se sera consacrée à sa fille dans une forme d'amour et d'exclusivité rare et que seul l'amour maternel peut expliquer, tout en travaillant et devenant une écrivain reconnue, en tout cas pendant un temps.
Une femme de caractère mais également une belle personne qui a, sa vie durant, tenu à honorer le sens qu'elle donnait au mot "amour" et est toujours restée tournée vers les autres, rompant ainsi l'impression bourgeoise qu'elle dégageait au premier abord : "Indépendante et fière, elle cessait par là même de se confondre avec les bourgeois. Intelligente, elle comprenait les autres et ils le sentaient.".
Jeanne était de ces personnes qui aiment et donnent sans compter, sans rien attendre en retour, et qui savent prendre la vie comme elle vient, ironisant dans les moments difficiles et arrivant ainsi toujours à relativiser les événements, à les rendre plus agréables pour les autres.
Ainsi, c'est tout naturellement qu'elle se dévoue pendant la Seconde Guerre Mondiale à sa fille et à son gendre, forcés de se cacher pour échapper aux rafles de Juifs.
A la lecture de ce roman, je me dis que la vie devait être bien douce aux côtés d'une personne comme Jeanne, et qu'elle fait partie de ces personnes qui auraient mérité d'être connues et reconnues, mais par-dessus tout, de ces personnes qu'il est si facile d'aimer et d'apprécier : "On aimait Jeanne, je crois, pour sa fragilité, pour son courage. On l'aimait pour ce qui survivait en elle de la Jeanne pleine d'histoires, comprenant tout à demi-mot, confiante et ironique, et soucieuse encore de plaire. Mais on l'aimait aussi pour le reflet de cette tendresse sans mesure qu'elle ne cachait pas de me porter. On était gentil pour elle à cause de moi, mais aussi pour moi à cause d'elle.".

C'est dans un style simple mais pudique que Jacqueline de Romilly livre dans "Jeanne" le portrait de sa mère, une femme battante, courageuse et infatigable, qui permet également au lecteur de voir au-delà de ce portrait celui de Jacqueline de Romilly, une femme dont j'ai désormais envie de découvrir l'oeuvre helléniste, tout comme les romans et les pièces de sa mère.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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Récemment, Christine Orban, Sophie Fontanel et bien d'autres nous parlaient de leur mère, parfois absente ou étouffante, Jacqueline de Romilly, dans ce roman autobiographique délibérément paru (par pudeur) postmortem ( l'auteur venant de décéder à l'âge de 97 ans) campe, elle, un portrait élogieux de "Jeanne" , sa mère adorée, celle qui a aimé sa fille unique d'un amour inconditionnel.
Pour décrire "Jeanne au bracelet", surnom donné par ce bracelet d'argent arboré sur une photo par celle qui, d'origine modeste, aimait se déguiser, les adjectifs ne manquent pas:rieuse,enjouée,honnête,droite,dévouée,exigeante,sentimentale,travailleuse,talentueuse,élégante,à la mode,aimante, mais aussi parfois solitaire, mélancolique, vulnérable comme effrayée par le bonheur.
Jacqueline de Romilly, nous livre ici ses souvenirs d'enfance(parfois embellis mais toujours fidèles) mais aussi sa vie et celle de sa mère, une vie longtemps commune, fusionnelle après la mort de son père au front de la guerre de 14,une vie voulue par l'une et concédée par l'autre qui sera toujours "ma petite fille". Une complicité de chaque instant , comme lorsqu'elles regardent de leur fenêtre l'unique acacia ployer sous les fleurs,se métamorphoser au fil des saisons avec son ciel, son ciel et son soleil, un soleil où elles pénètrent ensemble.
Après avoir connu des succés littéraires (publications chez Grasset),Jeanne Malvoisin, qui dans sa jeunesse ouvrait des yeux ravis sur les promesses du monde,vivra dans l'ombre de sa fille, brillante hélléniste qui deviendra l'académicienne connue et reconnue, poussée au maximum de ses possibilités(ne lui a t elle pas offert les 7 volumes en grec-latin de Thucydide pour réviser son grec durant les vacances) et l'accompagnera dans ses multiples déplacements ou conférence après la séparation d'avec son époux. On lui connait une seule liaison en 1930 avec un musicien charmant surnommé "le brigand" que la guerre interrompra.
Une fille qui a poussé l'identification jusqu'à épouser un juif comme son père ( aimé par Jeanne catholique d'un amour passionné et choisi par provocation) ce qui lui vaudra durant l'occupation d'être interdite d'enseigner le grec.
Donc un excellent livre, un regard tendre,un hommage pudique empreint toutefois de culpabilité (qu'il est donc dur d'être tout pour un être cher, c'est parfois quelque peu étouffant et passible d'ingratitude) et tout un pan d'histoire puisqu'il s'étend sur le siècle entier.
Un livre à rapprocher de celui d'Albert Cohen (Le livre de ma mère) où la mère n'a vécu que pour son fils et où le fils pleure sa mère disparue tout en se reprochant son ingratitude.
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Jacqueline de Romilly nous raconte l'histoire touchante de "Jeanne au bracelet d'argent", sa mère. Jeanne n'a pas été épargnée par la vie mais elle a toujours su garder la tête haute et un amour inconditionnel pour sa fille jusqu'au sacrifice. Tout le livre est emprunt de la tendresse et de l'affection qui liaient les deux femmes. Un très bel hommage.
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Jacqueline de Romilly nous raconte l'histoire de sa mère, Jeanne. Jeanne est une femme extraordinaire qui sera tour à tour secrétaire, écrivain, auteur de textes pour la radio et surtout une mère exemplaire pour sa fille.
(Cliquez sur le lien pour lire la suite)
Lien : http://aufildeslivres.over-b..
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