Poète des princes, Prince des poètes, Ronsard est une gloire de la France. Une des plus belles plumes de la langue française, une langue compréhensible par tous, une poésie immédiate et moderne, malgré ses 5 siècles de vie. De temps en temps, lisez Ronsard, en particulier Les Amours ! Vous en sortirez émerveillés et encore plus amoureux de notre belle langue.
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Quand au temple nous serons
Agenouillés, nous ferons
Les dévots selon la guise
De ceux qui pour louer Dieu
Humbles se courbent au lieu
Le plus secret de l'église.
Mais quand au lit nous serons
Entrelacés, nous ferons
Les lascifs selon les guises
Des amants qui librement
Pratiquent folâtrement
Dans les draps cent mignardises.
Pourquoi donque, quand je veux
Ou mordre tes beaux cheveux,
Ou baiser ta bouche aimée,
Ou toucher à ton beau sein,
Contrefais-tu la nonnain
Dedans un cloître enfermée ?
Pour qui gardes-tu tes yeux
Et ton sein délicieux,
Ta joue et ta bouche belle ?
En veux-tu baiser Pluton
Là-bas, après que Charon
T'aura mise en sa nacelle ?
Après ton dernier trépas,
Grêle, tu n'auras là-bas
Qu'une bouchette blêmie ;
Et quand mort, je te verrais
Aux Ombres je n'avouerais
Que jadis tu fus m'amie.
Ton test n'aura plus de peau,
Ni ton visage si beau
N'aura veines ni artères :
Tu n'auras plus que les dents
Telles qu'on les voit dedans
Les têtes des cimeteres.
Donque, tandis que tu vis,
Change, maîtresse, d'avis,
Et ne m'épargne ta bouche :
Incontinent tu mourras,
Lors tu te repentiras
De m'avoir été farouche.
Ah, je meurs ! Ah, baise-moi !
Ah, maîtresse, approche-toi !
Tu fuis comme faon qui tremble.
Au moins souffre que ma main
S'ébatte un peu dans ton sein,
Ou plus bas, si bon te semble.
Cet amoureux dédain, ce Nenni gracieux,
Qui refusant mon bien, me réchauffent l’envie
Par leur fière douceur d’assujettir ma vie,
Où sont déjà sujets mes pensers et mes yeux,
Me font transir le cœur, quand trop impétueux
À baiser votre main le désir me convie,
Et vous, la retirant, feignez d’être marrie,
Et m’appelez, honteuse, amant présomptueux.
Mais sur tout je me plains de vos douces menaces,
De vos lettres qui sont toutes pleines d’audaces,
De moi-même, d’Amour, de vous et de votre art,
Qui si doucement farde et sucre sa harangue,
Qu’écrivant et parlant vous n’avez trait de langue,
Qui ne me soit au cœur la pointe d’un poignard.
Le temps s'en va, le temps s'en va ma Dame,
Las ! le temps non, mais nous nous en allons,
Et tôt serons étendus sous la lame,
Et des amours, desquelles nous parlons
Quand serons morts, n'en sera plus nouvelle
Donc, si vous me croyez mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne,
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
« Approche-toi, mignardelette
Mignardelette doucelette
Mon pain, ma faim, mon appétit
Pour mieux t'embrocher un petit
À peine eût dit qu'elle s'approche
Et le bon Jacquet qui l'embroche
Fist trépigner tous les boucs barbus qui l'aguettèrent
Paillards sur les chèvres montèrent
Et ce Jacquet contr'aguignant
Alloient à l'envie trépignant
Ô Bienheureuses amourettes
Ô amourettes doucellettes. »
Pierre de Ronsard – Anthologie des 'Amours' lue par Jacques Roubaud (1971)
Un cassette audio enregistrée par Jacques Roubaud après 1971 à l'attention de sa mère.