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EAN : 9780374717421
280 pages
Farrar, Straus and Giroux (20/10/2020)
4.81/5   8 notes
Résumé :
À travers le monde, entourés de livres ordinaires reliés en papier et en cuir, reposent dans certaines bibliothèques de sinistres volumes d’un genre bien particulier : les ouvrages reliés en peau humaine.

Megan Rosenbloom enquête sur les vérités historiques et scientifiques qui sous-tendent la bibliopégie anthropodermique – une pratique datant majoritairement du XIXe siècle consistant à relier les livres avec ce cuir des plus intimes. Dans cet o... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Contrairement à ce que l'on pourrait croire les véritables livres reliés en peau humaine se distinguent rarement des autres, encore moins par une apparence macabre. Car cet usage en vogue depuis la révolution française et les débuts de la médecine clinique reste éthiquement discutable, et les amateurs et bibliophiles ont du composer souvent avec une nécessaire dissimulation, en fonction des lois en vigueur mais aussi des mentalités en cours.

Car avec l'essor des écoles d'anatomie les cadavres manquent. Il est décidé d'utiliser les dépouilles des condamnés à mort, et certains médecins n'hésitent pas à se fournir auprès de pilleurs de tombes ou d'assassins. Là encore très vite la demande dépasse l'offre, d'autant que les volontaires ne se bousculent pas au portillon, et certains adeptes de l'utilitarisme lorgnent alors du côté des pauvres... Reste qu'avec cette profusion de corps à disposition les amateurs de reliure en peau humaine auront matière à assouvir leur passion secrète.

Nous débutons cette étude passionnante à souhait au Musée Mutter, qui propose une collection inédite de curiosités médicales. C'est là que l'autrice, une étudiante en "sciences de la bibliothèque", va tomber sur les premiers exemplaires qu'elle aura la chance d'observer. Dès lors son choix de carrière est fait, puisqu'il lui permet d'associer ses connaissances médicales à la gestion de ces collections spécifiques, tout en donnant libre cours à son goût pour le macabre et la recherche. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle parvient à transmettre sa passion et à saisir le lecteur par l'érudition, mais aussi la sincérité de son approche.

Cette sphère très spécifique et sulfureuse de la bibliophilie était alors souvent l'apanage des médecins collectionneurs. le fétichisme dont semble témoigner cette pratique pourtant alors courante n'est donc pas le fait de tueurs en série, mais d'érudits et d'hommes du monde. L'autrice va donc s'intéresser de près à l'histoire de ces ouvrages et proposer une technique fiable, mais légèrement invasive, pour les authentifier définitivement. Mêlant bibliothéconomie, science et histoire, son étude s'attache à trouver l'origine des peaux identifiées tout en revenant sur l'essor de cette technique. En effet cette mode va s'imposer à mesure que la médecine moderne se professionnalise.

Depuis 2015 Megan Rosenbloom participe à l'Anthropodermic Book Projet, dont l'objectif est de tester les reliures supposées en peau humaine, et d'attester d'une liste fiable et régulièrement actualisées des ouvrages ainsi authentifiés (https://anthropodermicbooks.org/). Bibliothèques et collectionneurs privés peuvent les contacter et envoyer un échantillon au laboratoire. Depuis le début du projet la moitié des reliures testées se sont avérées fausses...

Quelques références en vrac pour terminer en beauté et avoir matière à de futures prospections : Dr Boulard, Ambroise Paré et sa femme Louise Bourgois, John Stockton Hougt, "The dance of Death" de 1898, memento mori médiévaux, Paul Kersten (relieur), Johan Spurzheim, Henry Wellcome, Ruth Richardson auteur du livre "La mort, la dissection et les pauvres".
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Est-ce que les livres prétendument reliés en peau humaine le sont réellement ? Et si oui, à qui appartenait cette peau ? Comment s'est-elle retrouvée sur la reliure d'un livre ?

C'est animé par ces questions que l'autrice s'est lancée dans une quête d'abord dans les bibliothèques universitaires américaines puis un peu partout dans le monde et notamment en France !

Rapidement, il apparait qu'un grand nombre de ces livres ne sont pas réellement en peau humaine, l'allégation n'étant qu'une légende visant à augmenter la côte des livres sur le marché de l'ancien.

Mais cela signifie que certains sont réellement en peau humaine. Alors, pour redonner un nom et une histoire à ces anonymes, elle a enquêté. Remontant le fil des différents propriétaires, des similitudes apparaissent, et avec elles, de nouvelles questions.

Une enquête éclairante sur notre histoire récente et notre rapport à l'éthique !
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
La Révolution française provoqua d'autres révolutions concomitantes, y compris dans les bibliothèques. La Bibliothèque royale, devenue publique et nationale, vit ses collections augmenter avec l'arrivée de collections entières confisquées à l’aristocratie, au clergé et lors de la conquête de pays étrangers. Les livres anciens étaient de plus en plus souvent considérés comme des objets à la mode, à collectionner en fonction de leurs caractéristiques physiques et non plus simplement de leur contenu. La Bibliothèque nationale commença à amasser autant d'incunables que possible, attisant l'intérêt pour la collection de livres en fonction de leur âge et de leur mode de production, indépendamment du sujet du texte. Cette modification de la valorisation de la matérialité du livre allait avoir des conséquences durables sur les collections de bibliothèques publiques et privées. (p. 47)
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Le comité restreint pour l'anatomie était rempli de disciples du philosophe père de l'utilitarisme Jeremy Bentham, qui croyait si ardemment en l'utilité des cadavres qu'il avait insisté pour qu'à sa propre mort il soit disséqué par des anatomistes, puis embaumé. Aujourd'hui encore (du moins lorsqu'il n'est pas en tournée), son corps assis accueille les étudiants de l'University College de Londres. Un benthamien français plaida même avec passion en faveur de l'utilisation de toutes les parties de son corps - y compris sa peau, qui couvrirait le fauteuil du président du comité, Henry Warburton. Les comptes rendus du comité révèlent que les benthamiens avaient pour ambition de remplacer le recours aux seuls corps des meurtriers par une ressource bien plus répandue ; celle des pauvres en général. (pp. 135-136)
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Artisan respecté pour son savoir-faire, Kersten travaillait le cuir d'une manière expressionniste qui fut plus tard imitée par ses collègues. Il avait un franc-parler à toute épreuve, ce qui lui valut parfois d'être en conflit avec la vieille garde de la reliure et lui causa également des problèmes politiques. Il s'insurgea face aux conséquences du nazisme sur la licence artistique et la qualité en matière de reliure ; en 1931, il déplora le fait que les nazis aient obligé l'association allemande de relieurs professionnels Jacob-Krauss-Bund à fermer, ses difficultés financières ayant été décuplées par le fait que les nazis avaient affirmé que le domaine de la reliure était dominé par les juifs. Kersten était marié à une à une juive et convaincu que les discriminations antisémites de Hitler séduisaient surtout les allemands "politiquement immatures". Les nazis lancèrent une campagne de diffamation, affirmant que Paul Kersten était juif lui aussi. Sa femme se suicida en 1943, et lui aussi mourut la même année. (p. 161)
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De tous les livres supposés anthropodermiques provenant de la période révolutionnaire, celui-ci me semblait avoir le plus de possibilités d'être authentique. Mais ce n'était là qu'une intuition, sans aucun fondement jusqu'à ce que le livre soit testé. L'époque en question était assurément sanguinaire et propre aux bouleversements, mais était-elle à ce point turbulente pour que la pratique de la reliure en peau humaine ait pu prospérer au cœur du chaos ? (p. 47)
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Au XIXe siècle, les fournisseurs européens de papier chiffon ne parvenaient plus à satisfaire la demande de l'industrie de la presse étatsunienne en pleine expansion ; et alors que les prix du papier explosait, un géologue, ,le Dr Isaiah Deck, commença à imaginer des alternatives au papier - dont l'exemple le plus remarquable était d'utiliser les tonnes de bandelettes prises sur les momies égyptiennes dont on pillait alors les tombes. On pourrait considérer ce projet excentrique comme une pure folie qui n'aurait jamais dû voir le jour, mais ce serait sans compter cette note dans l'édition du 31 juillet 1865 du Syracuse Daily Standart : "Notre quotidien est désormais imprimé sur du papier fabriqué à partir de chiffons importés directement depuis le pays de pharaons, sur les rives du Nil.". (p. 87)
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