La dernière Masse Critique de Babelio, celle du mois de juin, sous le signe de la non-fiction m'a permis de découvrir le dernier titre de
Nicolas Ross, historien spécialiste de l'histoire russe,
Entre Hitler et Staline publié ce 4 février 2021 aux Editions des Syrtes. Il dirige d'ailleurs au sein de la maison d'édition suisse la collection Mémoire de l'émigration blanche. Comme le titre ne le laisse pas forcément percevoir, l'auteur traite de cette diaspora russe qui a fui l'union soviétique avec pour moteur principal le rejet en masse du bolchévisme en cette première moitié de XXe siècle, parmi laquelle on comptait ces russes blancs, et unis par ces liens indéfectibles qu'étaient l'Eglise Orthodoxe et l'amour de la Patrie.
L'ouvrage est d'une exhaustivité redoutable, noms et patronymes, acronymes - explicités en fin d'ouvrage - s'y bousculent, les chapitres sont longs mais, à chaque fois, l'auteur les clot par une heureuse synthèse, qui retrace les grandes lignes de son propos. J'ai tenu à lire ce titre car j'étais intrigué par ce mouvement migratoire motivé globalement par cet aversion du bolchevisme. L'étude est pourvue de neuf chapitres très complets qui revisitent les causes et le déroulement de ces expatriations, le destin de ces Russes qui ont fini se disséminer en Europe pendant la Grande Guerre Patriote, ou ils trouvèrent particulièrement refuge en France, Allemagne, Pologne et Yougoslavie. Ces chapitres eux-mêmes sont riches en témoignages et, cerise sur le gateau, le livre est doté en son milieu d'un encart qui comporte des photos en noir et blanc des protagonistes.
Cet ouvrage très dense peut décourager par la multiplicité des pistes et des destins qu'il propose de suivre, de ces noms qui ont suscité les grandes lignes de l'histoire de cette diaspora. Mais c'est essentiel pour comprendre les mouvements en jeu qui l'ont traversé, les états d'esprits qui ont fait d'elle tantôt une communauté unie, tantôt prise entre la loyauté à sa nation d'origine et la déplaisance qu'a suscité en eux l'avènement de la révolution Rouge et le despotisme du tyran géorgien Car si le rejet de l'autorité a été presque unanime chez ces citoyens exilés, la rupture du pacte germano-soviétique a suscité également des prises de position différentes, ou certains étaient prêts à tout stratégiquement parlant, même à se rallier au nazisme hitlérien, pour chasser Staline de son trône. D'autres incapables de trahir le pays qui était encore le leur ont en définitive rejoint l'union soviétique. D'autres encore plus clairvoyant comprirent vite que les Allemands étaient dans l'incapacité d'envahir un territoire aussi grand et rude qu'était le leur. D'autres se sont trouvés des accointances particulières avec la politique du Führer et ne se sont pas fait prier pour rallier sa cause. Et d'autres, et c'est notamment un de mes chapitres préféré, ont rejoint la résistance française et ont combattu pour défendre leur pays d'accueil.
Ce titre à visée purement historique permet d'avoir une vision d'ensemble diachronique sur les mouvements de l'immigration russe en Europe à la veille, durant et au lendemain de la seconde guerre mondiale, et l'appréhension d'une diaspora qui est tout sauf homogène, unie par une langue, une religion, et surtout un attachement quasiment filial au pays d'origine. Il permet également d'appréhender l'histoire de notre pays sous un jour nettement moins connu, notamment sur ces points névralgiques qui ont abrité les communautés (Le Creusot, par exemple), leur implication aux côtés des résistants français - un héroïsme que l'on prend soin de passer sous silence dans nos livres scolaires.
Ce livre compte près de quatre cents pages, comme je l'ai reçu dans le cadre de la Masse Critique mensuelle de Babelio, il a fallu le lire avec une relative célérité. de fait, je n'ai pas pu prendre mon temps comme je l'aurais voulu, et surtout comme il aurait fallu étant donné la somme de données que
Nicolas Ross a réussi a assemblé au fil de ses recherches, qui doivent compter quelques années de travail acharné. Mais, je me le répète, les chapitres sont rédigés de manière telle à ce qu'ils peuvent se lire indépendamment les uns des autres, ce que je m'engage à faire à l'avenir d'autant que je suis passée un peu vite sur les noms des figures importantes. Dernier point qui pointe comme un regret, puisque
Nicolas Ross fait souvent allusion à la richesse de la vie culturelle et religieuse de ces communautés russes à l'étranger, j'aurais aimé avoir quelques lignes en plus sur tous ces artistes soviétiques qui ont fui le stalinisme, car à part quelques lignes à en introduction, il n'y a guère d'autres références à ceux qui ont pourtant bâti une oeuvre à l'âme profondément russe en exil volontaire ou forcé.
Subjectivement, un peu égoïstement peut-être parce que Paris fut à un moment de l'histoire la capitale de l'émigration russe, j'ai été touchée par les divers passages à la diaspora venue s'installer en France, qui avant les vagues d'immigrations des années 1950, 60, avait déjà été bien mal accueillie par les Français et par cet écart qui se creusa entre la génération immigrante et celle née sur le territoire français. Ce n'est pas chose aisée de rédiger quelques mots sur un livre d'histoire tel que celui-ci sans tomber dans la synthèse pure du travail de l'auteur, et au vu du volume des informations que
Nicolas Ross partage, il faut bien faire un tri totalement subjectif, finalement. Merci aux Éditions des Syrtes pour cette instructive et enrichissante lecture même si exigeante, merci à Babelio pour m'avoir sélectionnée.
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