Je n'aime pas les récits larmoyants et c'est justement parce que l'on m'avait dit que ce n'était pas du tout le cas que je me suis autorisée à lire "
Le fils" de
Michel Rostain.
La perte d'un enfant est indescriptible, je le pense et depuis que je suis maman, je refuse d'y penser justement. Sans doute parce que c'est un peu contre nature. Les parents ne doivent pas survivre à leur descendance. L'ordre ne serait pas respecté.
Michel Rostain n'est pas un écrivain, du moins, c'est son premier roman publié. Jusqu'ici, il racontait des histoires, mais à travers la musique.
Né en 1942,
Michel Rostain est avant tout un metteur en scène d'opéra.
Il dira d'ailleurs que c'est la mélodie de la voix de son fils qui a rendu possible l'écriture de ce récit. Il a souvent eu l'impression de le sentir pas très loin de lui après sa disparition brutale, une méningite foudroyante.
En tout cas, ce premier ouvrage fut couronné par le prix Goncourt du premier roman.
Ce que vous pourrez lire en quatrième de couverture :
Avec une écriture incroyablement percutante et lucide, un père fait parler son fils Lion, foudroyé par une méningite à 20 ans, pour raconter le deuil difficile, heurté, et pourtant inéluctable.
Par la voix tendre et ironique de son fils,
Michel Rostain nous dit tout, du plus bouleversant au plus absurde, sur les jours et les semaines qui suivent la mort : emmener la couette chez le teinturier, les achats de supermarché, chaque minute du jour fatidique, le marketing des catalogues de cercueils, mais aussi ses secrets, la musique, le théâtre, l'éruption du volcan islandais… Il nous dit aussi le chaos et la solitude qui suivent l'enterrement, quand l'absence commence véritablement, et la vie qui force, pourtant, son chemin têtu jour après jour.
Ce que j'en ai pensé après l'avoir lu :
Le livre est assez court (173 pages en tout), mais c'est un beau condensé sans être indigeste.
Il y a indéniablement un style très contemporain, percutant, rythmé, presque saccadé comme si ces secousses rendaient mieux compte de la douleur. de ces chocs à répétition, on retire une chose : ils vous font comprendre que l'être cher n'est plus là et qu'il vous manque. Des piqûres de rappel amers, insidieuses.
Le narrateur est le défunt, ce jeune homme, étudiant, plein de vie, fauché par un méchant microbe en moins de 24 heures.
Il utilise un ton très actuel, assez spontané. Il observe son père et commente ses faits, ses gestes, sa tristesse. Il n'est plus là physiquement, mais on ressent bien sa présence. Je comprends mieux ce que voulait dire
Michel Rostain en évoquant sa façon d'écrire ce récit. Il sentait son fils et c'est lui en quelque sorte qui lui a permis d'écrire cet ouvrage. Il a été son secrétaire.
On va s'attacher à des petits riens.
Tous peuplent nos vies et on les laisse derrière nous quand on disparait. Nos proches les voient comme des reliques, cherchent à comprendre des éléments qui leur resteront parfois à jamais obscur. Ils culpabilisent aussi, se demandent si… Mais non, c'est impossible. Ils imaginent tout un tas de choses.
Ces petits rien sont aussi autant de petits bonheurs. Des perles de la vie qu'il faut cueillir.
Le plus surprenant, c'est que l'on ne tombe jamais dans le voyeurisme malsain alors que l'on nous donne des détails très personnels. J'imagine bien que
Michel Rostain a transformé un peu le tout, mais la base est bien réelle (hélas pour lui car c'est de son fils unique dont on parle).
Il y a même de belles touches d'humour :
"Sûr, si les cendres de Lion sont déposées là, ils vont se tirer une balle."
" Je n'ai rien à dire : un mort ça ferme sa gueule. D'ailleurs, un mort, ça n'a pas de gueule."
Elles rendent l'ouvrage tellement humain, tellement parlant.
C'est un livre qui respire, transpire la vie alors que l'on n'y parle que de mort. Mais la mort fait parti de la vie et oui, on peut vivre avec ça !