AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de SPQR


Philip Roth met en scène dans ce roman son alter-ego, Nathan Zuckerman, et son entourage, dans leur quête d'une vie autre. Chacun des personnages va tenter de bouleverser son existence par une décision radicale. Roth explore la promesse infinie des possibilités qui s'ouvrent à Henry, frère de Nathan, Maria, la « femme » de ce dernier, et à son alter-ego. Entre une opération cardiaque, à risque mais permettant à Henry de retrouver sa virilité, ou bien la fuite de celui-ci dans une colonie de Cisjordanie, ou encore le divorce de Maria d'avec son précédent mari, son mariage avec Nathan, ou le retour vers ce mari, etc.

Mais ne nous y trompons pas, car ce livre est encore autre chose qu'un « simple » roman, tant les histoires de ces personnages se croisent, s'imbriquent, se fondent les unes dans les autres. Roth a ce chic pour brouiller les frontières entre imagination et réalité, et la part autobiographique dans ce roman reste du domaine de l'indécidable. Il l'écrit lui-même, par l'intermédiaire de Nathan Zuckerman : « Je n'avais pas posté cette lettre et ne le ferait pas […] Je l'intégrai donc à mes notes, dans cet entrepôt en expansion permanente qui alimente mon usine à récits, où il n'y a pas de démarcation claire entre le fait réel qui finit par nourrir l'imagination et l'imaginaire traité comme un fait réel – la mémoire s'y mêle au fantasme, tout comme dans le cerveau. »

Roth possède cette subtilité rare qui lui permet de construire un récit où l'écriture est mise en abîme, et où l'on plonge dans des abysses de réflexion. Car il ne s'agit pas d'un essai non plus, et l'histoire de ses personnages reste passionnante. Les relations familiales y sont auscultées avec intelligence (de belles trouvailles dans les dialogues qui mettent en relief les non-dits, c'est-à-dire ce que les personnages auraient pu se dire mais ne se disent pas), et l'identité juive questionnée jusqu'à la folie (Nathan Zuckerman est inoubliable dans son rôle de Juif inquiet, « intranquille », parce que, justement, il n'est pas tout à fait Juif).

Si vous aimez la littérature américaine, « La contrevie » est pour vous. Tout y est maîtrisé, réfléchit et intéressant, dans le fond comme dans la forme. Il fait partie de ces livres auxquels on revient avec plaisir et qu'on regrette de quitter lorsqu'une contrainte extérieure nous force à en interrompre la lecture. Un régal.
Commenter  J’apprécie          286



Ont apprécié cette critique (23)voir plus




{* *}