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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Qu'a écrit Joseph Roth dans ce dernier roman, alors qu'il s'acheminait vers la mort? Il a écrit les morts de la vie, probablement celles de sa vie.
Il a écrit la jeunesse viennoise insouciante, soudain appelée à monter au front et qui s'y engage avec allant.
Ce sera la mort des milliers de camarades et celle d'un empire, d'un monde. Pour ceux qui y étaient attachés, la nostalgie était irrépressible. Ce fut le cas aussi pour Stefan Zweig, dans le monde d'hier.
Le couple formé à la hâte à la veille des combats est intermittent, et au lendemain de la guerre les femmes ne sont plus les mêmes, même si leur vie professionnelle et leurs amours féminines ont aussi leurs déboires. Quel contraste avec les principes moraux de la "Belle" époque!
La seule naissance est celle d'un fils.
Entretemps, il y eut la captivité, à laquelle l'amitié a eu du mal à résister.
Et enfin, la mort de la mère, la nuit même où les nazis prennent le pouvoir. le monde entre dans la mort.
Un chapelet de pertes. Mais le livre n'est pas larmoyant, ce n'est pas le genre de l'auteur. L'écriture est à la fois simple et raffinée, agréable malgré la puissante nostalgie qui s'en dégage, et non exempte d'auto-dérision.
Le pouvoir d'évocation de l'auteur ressuscite une période dont il est difficile d'être nostalgique mais qui est pleine de richesses.
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La Crypte des capucins est un roman à mettre en parallèle de la Marche de Radetzsky. Les deux livres de Joseph Roth ont en commun de rapporter la description d'une époque antérieure à la Grande guerre, celle du vieil empire austro-hongrois. Les personnages principaux, les von Trotta, sont d'ailleurs de la même famille.

Contrairement à la Marche de Radetzky qui se veut une description du fonctionnement de l'empire, la Crypte des capucins est beaucoup plus nostalgique. Joseph Roth nous livre un témoignage qui se veut un testament. Il écrit le roman alors que ce qui reste de cet empire millénaire, l'Autriche, devient une région de l'Allemagne Nazi.

C'est un livre emprunt de tristesse qui laisse l'auteur exprimer son amertume et le regret du passé, perdu qu'il est parmi tous les bouleversements de l'Entre-deux-guerres. Comme son personnage, Roth est un mort parmi les vivants, « Je me trouvais exilé du circuit des vivants ! […] j'étais exterritorialisé de la terre des vivants [p.186] ».

Il ne verra pas la suite des événements historiques puisqu'il décède en 1939. Aurait-il pu imaginer pire ? Il ne le saura jamais.
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Suite éventuelle de la marche de Radetzky, on suit maintenant une nouvelle branche Trotta qui a réussi à s'extraire de sa condition de simple paysan slovène pour faire partie de la bourgeoisie viennoise vivant de ses rentes à l'aube de la première guerre mondiale. On suivra sa chute jusqu'à sa déchéance à l'avènement de l'Anschluss où il viendra dans une nuit au silence déchiré par les multiples détonations du coup d'état se ressourcer sur le sarcophage du dernier empereur François-Joseph dans la crypte des capucins.
Roman d'à peine 200 pages écrit à la première personne, le récit peut concevoir comme un écho sans fin laissé par la chute de l'empire : l'Autriche et sa capitale Vienne, n'étant que le déversoir des forces et des richesses provenant des nations multiples au sein de ses frontières, se retrouvent après-guerre privées de leur fluide irriguant les riches avenues jusqu'aux allées du Prater et déperissent inexorablement comme la famille Trotta dont le sang dépérit jusqu'à la quasi disparition de ses membres.
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Il va de soi que je rentrai d'abord chez moi, chez ma mère. Visiblement elle ne s'attendait plus qu'à peine à me revoir encore, mais elle feignit de m'avoir attendu. C'est là l'un des secrets des mamans. Elles ne renoncent jamais à l'idée de revoir leurs enfants. Pas plus ceux qu'on tient pour morts que ceux qui le sont réellement. Et s'il était possible qu'un enfant ressuscitât sous les yeux de sa mère, elle le prendrait dans ses bras tout naturellement, non pas comme revenant de l'autre monde mais d'un pays perdu de ce monde-ci. Une maman espère toujours le retour de son fils, peu importe qu'il soit parti pour une contrée lointaine, ou proche, ou pour l'au-delà.
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C'est un véritable roman, achevé, formant un tout en soi mais s'intégrant aussi parfaitement dans le sillage de "La marche de Radetzky". On retrouve ici, à travers l'écriture merveilleuse de Roth (qu'on apprécie à travers une traduction admirable), la famille Trotta vivant ses propres déboires dans le cadre de l'éclatement de l'empire austro-hongrois. le protagoniste, François Ferdinand Trotta, passe, pendant la guerre de 14-18, d'une vie de bourgeois insouciant de Vienne à celle d'un prisonnier dans un camp de Sibérie. le roman n'est pas tant sur cet épisode à peine abordé que sur la différence entre la Vienne d'avant et celle d'après la guerre. La crypte des capucins, qui donne son titre au roman n'est évoquée qu'incidemment dans le roman. Lieu de sépulture de la dynastie des Habsbourg, c'est le dernier vestige et le symbole de l'ancien empire grandiose et multiculturel qui, en s'effondrant, laisse place à la montée de l'orde nouveau. Dans ce roman transparaissent clairement en filigrane les idées de l'auteur, sa nostalgie d'une époque révolue et son pessimisme quant à l'avenir.
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« … tout cela, c'était « mon pays », quelque chose de plus fort qu'une patrie pure et simple, quelque chose de vaste et de divers, mais néanmoins de familier : mon pays ». Ainsi s'exprime François-Ferdinand Trotta dans La crypte des capucins. Ecrit par Joseph Roth en 1938, dans son exil parisien, et un an avant sa mort, ce livre donne la parole au narrateur, qui nous raconte ce que fut sa vie de 1914 à 1938, dans les décombres de l'Autriche-Hongrie.

Journaliste et écrivain autrichien, né en Galicie dans une famille juive allemande, Joseph Roth fait partie des auteurs majeurs de langue allemande, et c'est donc avec plaisir que je l'inclus pour la première fois dans notre série Les feuilles allemandes. Ses premières sympathies vont d'abord aux idées sociales, mais après la chute de l'Autriche-Hongrie, on assiste à une sorte d'idéalisation de l'Empire déchu dans ses oeuvres. Dans « La marche de Radetzki », une branche de la famille Trotta est anoblie après que l'un de ses membres eut sauvé l'empereur François-Joseph de la mort à Solferino. Même si ce roman décrit le déclin de cette famille et surtout celui de l'Empire, il débute néanmoins par un fait d'armes valeureux, et son titre évoque la marche triomphante écrite par Johann Strauss père pour célébrer la victoire du maréchal éponyme contre les Piémontais en 1848 (pour le plaisir, je vous invite à écouter ce morceau joué lors du traditionnel Concert du Nouvel, sous la baguette de Georges Prêtre, en 2010).

Dans « La crypte des capucins » (dont le seul titre évoque le lieu où reposent les défunts de la famille Habsbourg), la tonalité est d'emblée tout autre. François-Ferdinand Trotta est un parent de la branche Trotta anoblie (son grand-père était le frère du « héros de Solferino »). Il est certes encore un jeune homme plein d'allant, quand il débute son récit en 1914, à la veille de la mobilisation, dans l'insouciance qui était la sienne à l'époque.

Bourgeois, ouvert d'esprit, il est aussi à l'aise avec ses camarades qu'avec les gens du peuple, à l'image de ce cousin, Joseph Branco Trotta, paysan qui parcourt les terres de la Monarchie pour vendre ses marrons. Il épouse rapidement Elizabeth, puis part à la guerre, dont il reviendra sain et sauf. « le monde d'hier » est désormais bien révolu. La famille Trotta, après avoir fait des placements dans des emprunts de guerre, est quasiment ruinée ; leur maison devient même une pension. Il en est de même pour les compagnons de Trotta.

La nostalgie de l'Autriche-Hongrie est palpable, non seulement pour ces classes privilégiées, mais aussi pour le petit peuple. La pauvreté généralisée, l'instabilité, la nécessité d'avoir un passeport pour se rendre dans les anciennes régions de l'Empire, tout cela est bien présent. Il nous montre aussi à quel point les « régions périphériques » de l'Empire irriguaient Vienne et l'Autriche ; lorsque, à la fin du livre, François-Ferdinand apprend le renversement du gouvernement (1938), son réflexe sera d'aller se recueillir devant le cercueil de l'Empereur François-Joseph. J'ai été charmé par l'écriture de Joseph Roth qui sait si bien nous restituer les pensées de Trotta.
En résumé, une très bonne lecture que je vous conseille !

Lien : https://etsionbouquinait.com..
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