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EAN : 9782940517732
96 pages
Héros-limite (09/11/2017)
3.58/5   6 notes
Résumé :
Le présent recueil est constitué de seize textes pour la plupart inédits en français. Ces petites proses à caractère autobiographique ont été publiés dans divers journaux entre 1915 et 1939. Au travers de souvenirs d'enfance et d'adolescence, de souvenirs de guerre, ou encore de sa passion pour le théâtre yiddish, Joseph Roth retracent dans ses récits la nostalgie de l'origine et du pays perdu. Un paradis souvent imaginaire où le souvenir se mêle à la fiction, parfo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
UN GOÛT DE TROP PEU...

Petit ouvrage inclassable et décidément trop bref, ce Poème des livres disparus donne à découvrir un délicieux choix de chroniques rédigées pour la presse germanique de son temps par Joseph Roth, l'inoubliable et génial auteur de l'apocalyptique La marche de Radetzky (la fin de l'ère impériale autrichienne) ou de l'émouvant et philosophique le Poids de la grâce.

La petite vingtaine - dix-huit pour être précis - de textes donnés ici offre au lecteur de découvrir par aussi essentielle que presque totalement inconnue du lecteur francophone, celle que l'écrivain journaliste confia aux pages de journaux courant de 1915 à 1939, année de son décès, dans la dèche la plus totale et au fond de l'alcool. L'ultime papier donné ici n'est que de quelques jours avant sa mort et porte le titre aussi terrible qu'annonciateur de "Le chêne de Goethe à Buchenwald" dans lequel Roth dénonce, avec une acuité aussi terrible que parfaitement cynique, la folie et la monstruosité du nazisme.

Mais tous ces textes ne sont pas aussi glaçant que ce derniers, bien au contraire. Tous de nature autobiographiques, ils dépassent, et de loin, ce seul caractère privé, chaque moment, chaque description de ces temps désormais révolus - parfois même du temps de l'auteur - donnent à découvrir diverses facettes de cet écrivain juif autrichien à la plume aussi élégante qu'elle peut se faire féroce, mais toujours avec distinction et une certaine forme d'abandon : une tendresse souvent infinie pour les personnage qu'il nous donne à découvrir, quand bien même ceux-ci auraient les pires défauts psychologiques, un genre de désespoir heureux mais qui ne l'empêche jamais d'espérer en l'avenir, un humour d'apparence ténue mais qui est, bien au contraire, d'une immense profondeur et d'une ironie plus que consommée.

On retiendra, parmi quelques autres, "Histoires de guerre du vent d'automne", écrit terrible et somptueux tout à la fois, comptant les ravages de la guerre et des tranchées, sous les auspices aussi émouvants que sombres de ce fameux vent d'automne personnifié ; "un cadeau pour mon oncle", clamant tout en même temps l'amour de l'auteur pour les livres et l'étrange rapport amical qu'il entretint avec cet oncle un rien bizarre et rapiat ; "un enfant dans la salle d'attente de la police" qui, en quelques paragraphe d'une intense poésie, brosse le témoignage terrible des réfugiés d'hier comme ceux - on ne peut s'abstenir d'y songer tant le texte est intemporel - d'aujourd'hui.

Un tout petit ouvrage, donc, pour lequel il faut remercier l'éditeur helvétique Héros-Limite, mais un immense moment de littérature, de poésie et d'humanité.
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Eh bien, je n'ai pas aimé. Voilà ce que c'est que de se lancer dans une lecture sur la base d'un auteur et, encore davantage, sur la base d'un titre.

Rien de poétique pourtant là-dedans. Plus que des nouvelles, ce sont des instantanés, des impressions, non pas des fulgurances malheureusement, des billets que j'aimerais attribuer à la jeunesse de l'auteur.

Pour moi, cette lecture présente de l'intérêt pour un fanatique de Joseph Roth ou un étudiant faisant une thèse sur lui. Mais sinon…. Je ne vois pas.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
On lisait encore à cette époque la mauvaise littérature avec autant d'excitation que la sublime, on aurait même voulu voir celle autorisée interdite. On tétait du plaisir dans le livre qu'on lisait et ce qu'on avait pas encore lu provoquait carrément de la lubricité. Il n'y avait pas de moment précis, moments de l'année ou de la journée pour la lecture. Tous les temps et tous les lieux convenaient : le gel et la chaleur, la pluie et la clarté, l'ombre d'un arbre, la verte fraîcheur de la forêt, le gris crépusculaire d'une arcade et le silence tendu, attentif et soudain brisé de la cage d'escalier, le confort lumineux de la fenêtre et celui sombre du sofa, la chaleur du lit et le cône de lumière jaunâtre de la lampe du soir. Oui, on pouvait même lire en marchant. Fermés, les livres d'école et les cahiers se reposaient dans une passivité réprobatrice ; ce qui était écrit dedans et ce qui devait encore être écrit était inévitable, c'est sûr! Mais ils n'avaient qu'à attendre! Ils avaient le temps, le temps qui pouvait changer si étrangement leur ampleur, car le livre engloutissait les heures, non le temps n'avançait pas, il disparaissait simplement. Sur le papier pâle tombait les ombres du crépuscule, le soir se mettait à souffler sur le livre. Le fermer de plein gré était une singulière torture. On se bouchait les oreilles avec les mains, on se faisait des œillères, il n'y avait qu'une seule direction pour l'attention : la feuille imprimée, le but était sous nos yeux. Mais on le sentait aussi nous tisonner dans le dos, en quelque sorte.
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«Cher oncle, je sais que vous ne lisez pas de livres. Pourtant je vous en donne quelques-uns. Un homme, nommé Joseph Conrad, les a écrits. Il était Polonais de naissance. Il était né au plus profond du continent, précisément en Volynie, entre le vingt-cinquième et le trentième méridien à l'est de Greenwich, et sa langue maternelle était le polonais, qui appartient aux langues les plus continentales du monde. Mais à l'âge de seize ans il partit pour Marseille, monta sur un bateau, devint matelot et parcourut les mers, et il est devenu l'un des plus grands maîtres de la plus océanique des langues : l'anglais. Et voici ses livres. Ils sont agités comme la mer et calmes comme la mer et profonds comme la mer. Vous n'êtes plus jeune, cher oncle. Vous ne connaîtrez plus l'océan, les cartes marines coûtent trop cher. Lisez l'océan!»
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On lisait encore à cette époque la mauvaise littérature avec autant d'excitation que la sublime, on aurait même voulu voir celle autorisée interdite. On tétait du plaisir dans le livre qu'on lisait et ce que l'on n'avait pas encore lu provoquait carrément de la lubricité. Il n'y avait pas de moment précis, moments de l'année ou de la journée pour la lecture. Tous les temps et tous les lieux convenaient : le gel et la chaleur, la pluie et la clarté, l'ombre d'un arbre, la verte fraîcheur de la forêt, le gris brun crépusculaire d'une arcade et le silence tendu, attentif et soudain brisé de la cage d'escalier, le confort lumineux de la fenêtre et celui sombre du sofa, la chaleur du lit et le cône de lumière jaunâtre de la lampe du soir. Oui, on pouvait même lire en marchant. Fermés, les livres d'école et les cahiers se reposaient dans une passivité réprobatrice ; ce qui était écrit dedans et ce qui devait encore être écrit était inévitable, c'est sûr ! Mais ils n'avaient qu'à attendre !  Ils avaient le temps, le temps qui pouvait changer si étrangement leur ampleur, car le livre engloutissait les heures, non le temps n'avançait pas, il disparaissait simplement. Sur le papier pâle tombaient les ombres du crépuscule, le soir se mettait à souffler sur le livre. Le fermer de plein gré était une singulière torture. On se bouchait les oreilles avec les mains, on se faisait des œillères, il n'y avait qu'une seule direction pour l'attention : la feuille imprimée, le but était sous nos yeux. Mais on le sentait aussi nous tisonner dans le dos, en quelque sorte.
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L'enfant courait insouciant, un véritable enfant, au cœur de notre sinistre tristesse. Nous étions en effet assis dans la salle d'attente de la préfecture de police. Nous attendions l'autorisation de rester à Paris ou bien d'aller au diable. Nous attendions dans la salle d'attente. Où donc un homme attendrait-il sinon ?  Il attend dans une salle d'attente.

   Dans une salle d'attente, messieurs dames, il n'y a pas de fauteuils rembourrés. On est assis sur des bancs qui n'ont pas de dossier. On est assis comme il convient aux sans-patrie, le dos courbé, les coudes sur les genoux et, si l'on veut, le front dans ses mains jointes.

   Dans la salle d'attente de la préfecture de police les gens vont et viennent, font les cent pas, environ une vingtaine de personnes, mettons ; des hommes pour la plupart. Ils vont et viennent, font les cent pas. Dieu les a manifestement punis. Pas assez qu'ils aient dû parcourir tant de kilomètres pour parvenir ici, dans cette salle d'attente de la préfecture de police, il leur faut encore ici à l'intérieur faire les cent pas, marcher de long en large. C'est comme s'ils ne pouvaient s'arrêter dans leur marche et dans leur fuite. Même dans la salle d'attente de la police, ils fuient et marchent encore.

   Leurs costumes sont encore bons mais leurs visages sont pour ainsi dire élimés. ( Jamais un costume ne peut être aussi élimé qu'un visage. ) Ils croyaient, les pauvres, pouvoir faire croire au monde environnant qu'on est encore digne de lui car, bien que réfugié chez lui, on se donne néanmoins la peine d'avoir la même apparence que lui, ce monde environnant qui, même en rêve, ne pense nullement à fuir !

   En effet, il va encore très bien, ce bon monde environnant !



   Donc, au milieu des réfugiés, qui ne peuvent se permettre aucun repos, un enfant courait en tout sens dans la salle d'attente de la préfecture de police, un enfant aux boucles blondes, un enfant tout mignon, dis-je, car toute périphrase serait un mensonge littéraire. ( Il ne faut pas avoir peur de nommer mignon ce qui est mignon. ) L'enfant blond dans la salle d'attente de la préfecture était mignon. Il avait cette sorte d'yeux bleus que l'on a coutume d'attribuer aux anges. Il avait, plus encore, l'indescriptible éclat paisible de cette innocence qui est la vraie connaissance ; la seule que, sur cette terre, nous devrions chérir dès que nous l'avons reconnue. C'était un enfant ! Un garçon de trois ans !



   Il me prit la canne des mains et en frappa, comme seuls les enfants et les anges savent frapper, le policier qui se tenait devant la porte, sur la tête. Il courut, l'enfant aux boucles blondes, entre les jambes affairées de tous les agents de police. Ce fut un merveilleux, un rapide petit brin de soleil, dans notre salle d'attente grise de la préfecture de police.

   J'aurais aimé être le père de cet enfant.
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Si l’un chantait sa souffrance d’amour, je ne comprenais pas pourquoi il souffrait tant, mais je croyais normal de tant souffrir.
Jeunesse
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Vidéo de Joseph Roth
Après avoir parcouru l'Ukraine pour y exhumer les grandes mémoires enfouies de l'autre Europe, Marc Sagnol y est retourné au milieu des bombardements pour en contempler les ruines.
Les images et les mots, comme une invitation au voyage, nous plongent dans des mondes évanouis, sur les traces des grands penseurs d'autrefois. Avec lui, on arpente la terre noire de l'Est à travers villes et villages, aux côtés De Balzac, de Joseph Roth en Galicie et Bucovine, de Leopold von Sacher-Masoch à Lemberg-Lviv, de Paul Celan à Czernowitz…
C'est en connaisseur de la philosophie et de la littérature que Marc Sagnol traverse les « terres de sang » abîmées par tous les chaos. Terres qui furent celles de la plus haute civilisation et des plus grands malheurs. Quelle fut la culture juive, jadis florissante en ces lieux, et qu'en a-t-il été de sa disparition dans la Shoah ? Qu'est-il advenu de ces mondes révolus ? Comment penser la tragédie d'hier au regard du drame d'aujourd'hui ? Une plongée dans les siècles pour dire que notre destin se joue d'abord là-bas. Actuelle parce que inactuelle, une grande fresque littéraire. Un récit d'exception.
Germaniste, philosophe, Marc Sagnol est l'auteur de nombreux ouvrages dont Tragique et tristesse. Walter Benjamin, archéologue de la modernité, primé par l'Académie française, ainsi que d'un film sur Paul Celan, Les eaux du Boug.
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