AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de MarcelP


"Bon Dieu, comme la vie est facile quand elle est facile et qu'elle est ardue quand elle est ardue !"

David Kepesh, brillant professeur de littérature comparée que l'on retrouvera quelques années plus tard dans le Sein, dresse le bilan de sa vie amoureuse (et érotique) et c'est formidable sur ce que cela dit de nous, de nos désirs et de nos rêves.

Trois histoires semblent avoir compté pour ce Casanova au petit pied. Sa rencontre inattendue avec deux jeunes suédoises délurées lui ont permis de placer son curseur personnel entre les bornes qui limitent son éros : d'un côté la maman, la soumise Elisabeth qui accepte tout par amour, de l'autre la putain, la rebelle Birgitta qui se vautre dans le stupre avec délectation. Ni aussi immoral qu'il se souhaiterait, pas encore rangé comme le désireraient ses parents, Kepesh ne saura se prononcer entre ces Juliette et Justine d'occasion.

Son mariage avec la séduisante Helen est une catastrophe (le mariage est souvent synonyme de désastre pour Roth) : à écouter son seul désir, Kepesh s'est fort mal apparié en épousant une petite créature creuse et instable, qui ne répond en rien à ses aspirations intellectuelles. le miroir aux alouettes !

Suit une longue période d'impuissance dépressive pour notre enseignant qui remonte doucement la pente grâce aux bons soins du docteur Klinger. Grâce à la sage Claire - "Claire comme le jour. Claire comme de l'eau de roche" susurrerait Arletty- il reprend goût à la vie et apprend enfin, la trentaine installée, ce qu'est le bonheur à deux. Mais pour combien de temps ? L'amour et le désir sont-ils longtemps conciliables ?

Hanté par le doute, tiraillé par des aspirations contradictoires, Kepesh se réfère en permanence à ses modèles littéraires, ses "professeurs de désir" : Tchékhov, Kafka, Melville ou Flaubert... mais son bovarysme reste navrant qui l'empêche de se laisser porter par la vie (ne va-t-il pas jusqu'à se prendre pour sujet d'étude dans son cours de littérature ?) .

Ce roman passionnant, qui alterne épisodes hilarants (les exploits d'imitateur du piteux Herbie Bratasky, une séance d'analyse sans cesse interrompue, une visite improbable à la putain de Kafka...) et profondément bouleversants (la mort d'une mère, la vieillesse d'un père, le témoignage d'un rescapé de la Shoah, les regrets ou les peurs de femmes brisées...) avec une aisance indiscutable. Philip Roth nous titille, interroge nos chemins de vie et la fin ouverte -et assez déprimante- de son "Professeur de désir" nous renvoie à nos propres errances. "Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite. le bonheur est dans le pré. (...) Cours-y vite, Il a filé!"
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
Commenter  J’apprécie          110



Ont apprécié cette critique (10)voir plus




{* *}