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Critique de remm


« Quand elle était gentille » est ma première lecture de ce grand nom du roman états-unien du XXème siècle, dont j'ai toujours croisé les livres un peu partout mais dont je n'avais jamais lu une ligne. C'est chose faite et je pense qu'on m'a bien conseillé ; ce livre m'a l'air d'être l'introduction idéale à cet auteur puisqu'on est à ses débuts. Certaines influences se font ressentir, notamment la Madame Bovary de Flaubert. La narration suit cette même structure étrange et surprenante, collant d'abord à un personnage pour ne dévoiler que tardivement le véritable protagoniste de l'histoire. Sauf qu'ici, au lieu de suivre seulement le futur mari, on suit le grand-père, puis le père, puis la mère et enfin et seulement le pauvre Roy. On n'entre dans l'esprit de Lucy qu'après avoir été dans la tête de tous ces personnages et d'ores-et-déjà, comme dans une bonne tragédie, on sait que le poids de ce lourd passé familial a scellé son destin.

Comme chez Flaubert, aucun jugement n'est émis de la part du narrateur/auteur, ce dernier s'efface dans ses personnages par l'intermédiaire du discours indirect libre. En découle une certaine frénésie qui fait très « roman moderne » – ce qui donne des parties, des paragraphes très longs, rendant difficile de faire des pauses et de reprendre sa lecture, mais cela participe sans doute de l'expérience. Car il s'agit bien là d'une expérience tant cette lecture est éprouvante.

En effet, au fur et à mesure que l'on entre dans la tête de Lucy Nelson, on plonge dans une folie dévorante, une paranoïa et une misanthropie insidieuses. On s'attache à elle, on méprise comme elle tous les autres personnages mais, progressivement, le doute s'installe. Et lorsqu'arrive cette fin extraordinaire et explosive, on est pris au dépourvu. On a le sentiment d'un dénouement de film d'horreur, tant on a l'impression d'être jeté dans un bain glaciale : c'est un brusque retour à la réalité, les points de vue de tous les personnages convergent et se focalisent sur Lucy, mais aussi sur le lecteur qui est dans la tête de Lucy. Je ne sais pas si c'est pertinent mais je m'imaginais en tout cas, durant toute cette scène de fin chez les Sowerby, le dénouement de Rosemary's Baby, lorsqu'est révélée la conspiration et que le personnage féminin, la mère et son enfant, sont seuls contre tous.

L'aspect « oeuvre de jeunesse » vient sans doute aussi du fait que le livre déborde d'idées et d'énergie, de personnages, de scènes et de temps forts – c'est un livre au final foisonnant mais la maîtrise de l'auteur prévient le sentiment de confusion qui pourrait en découler. J'ai eu le sentiment de lire une « oeuvre de jeunesse » peut-être aussi en raison de la véritable haine et des puissantes émotions qui se dégagent de cette histoire.

Je retiens quelques scènes en particulier : la première relation sexuelle de Lucy et Roy aux frontières du consentement (mais le caractère de Lucy n'est-il pas tel qu'elle ne se serait en fait jamais laissée toucher par qui que ce soit, dans tous les sens du terme ?), tout le passage où Roy hésite à se marier lorsque Lucy apprend qu'elle est enceinte, et le dénouement tragique. Les rares et brefs moments d'éclaircie, lorsqu'elle part à la fac, lorsque Roy lui dit qu'il rêverait d'avoir une fille, lorsque Lucy a confiance en elle et se sent à l'aise avec sa belle-famille, offrent de beaux contrepoids aux terribles passages de rechutes et de drames : de belles montagnes russes en somme.

Pour autant je ne sais pas si le reste de l'oeuvre de Roth m'intéresserait tant que cela, au vu de ce qu'on m'en a dit. Ce roman était peut-être davantage un exercice ou un hommage.
Par ailleurs je ne l'ai pas lu en anglais mais dans la traduction de Jean Rosenthal - quelques tournures de phrases mais parfois un peu confus et sorti de la lecture mais c'était très rare, j'imagine que c'est une bonne traduction mais suis très intéressé par une tentative de relecture dans la langue originale de l'auteur !
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