Jouée en 1636, publiée en 1639, la pièce est appelée comédie, mais peu d'éléments comiques sont présents dans le déroulé de l'action. C'est une période intense de débats théoriques autour du théâtre, de la tragédie, des genres en général, des règles, qui va aboutir à une réforme du théâtre, à une normalisation des pièces, et au progressif effacement de la tragi-comédie, à laquelle l'esthétique de la belle Alphrède doit beaucoup.
La pièce est très chargée, en actions, en émotions, en mouvements. Nous voyageons entre l'Espagne, Londres, un Orient de convention….Combats à l'épée, enlèvements, reconnaissance de parents et enfants perdus de vus ….Fille séduite et abandonnée, promesses de mariages non respectées, amour fou au premier regard...rien ne manque.
Résumer la pièce semble donc assez vain, tant nous sommes dans l'abondance. C'est très déconcertant au début, c'est assez loin de ce qu'on a l'habitude de voir au théâtre. J'ai été assez perdue au départ, entre l'action sans arrêt, le changement de lieu à chaque acte. Puis une sorte de charme opère, surtout à mon sens grâce à la langue de Rotrou, qui elle aussi ne donne pas dans l'économie et la simplicité, elle est en volutes, en tournures un peu tortueuses, mais d'une grande élégance et poésie. Il faut accepter que cela bouge sans arrêt, ne pas s'attendre à du psychologique, à des personnages complexes, dont nous suivrions les émois intimes, les sentiments subtiles, ici ils ne sont qu'action, sans aucune part de mystère. C'est du grand spectacle, assumé. du baroque à l'état pur.
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T'offrant à ma fureur, lâche objet de mes larmes,
Tu sais combien légers sont les coups de mes armes ;
Comme ils sont sans effet, tu les attends sans peur ;
Alphrède, et tu le sais, ne peut frapper au coeur.
Tu juges bien, hélas ! que conserver mes jours
C'est m'être plus cruel que d'en borner le cours ;
Tu sais que les remords sont d'assez fortes armes,
Que le sang des ingrats plaît bien moins que leurs larmes,
Que pour les bien punir on les punit pas,
Et qu'un long repentir leur est un long trépas.
Quel destin m'interdit et la mort et la vie ?
Que ne m'est la dernière ou permise ou ravie !
Au captif si longtemps incertain de son sort
Chaque instant de sa vie est pire que la mort.
Jean de ROTROU — Qui est-il ? (France III Nationale, 1960)
L'émission "Anthologie française", par Jean de Beer, diffusée le 2 mars 1960 sur France III Nationale. Lecture : Jean Topart, René Clermont, Henri Poirier, Pascal Mazzotti, Jacques Toja, Denise Noë et Régine Blaess.