A la fin du XIXe s. quelques éminences intellectuelles portugaises ont fondé le mouvement littéraire des "Vaincus de la Vie". "Quel écrivain n'est pas de sa famille ?" pose
Jean-Marie Rouart en entrée de scène.
Tout au long de ces 195 pages qui se lisent avec bonheur, l'auteur s'attache à ces grands écrivains à la plume et aux idées brillantes et touchantes qui ont marqué les générations depuis
Montaigne - le plus ancien de cette sélection qui ne suit aucune chronologie.
9 chapitres sont nécessaires pour étiqueter les 44 écrivains choisis (dont 2
femmes).
Musset,
Aragon, Fitzgerald, Breton,
Kadaré ou
Anaïs Nin n'ont certes rien à envier à
Balzac ou
Flaubert en termes de reconnaissance publique. Tous ont des failles bien humaines qui, souvent, leur ont été fatales ou ont terni leur notoriété sans enlever une once de mérite à leur talent littéraire.
L'originalité du livre tient dans le classement personnel très imagé qu'en fait l'auteur. Ainsi, au chapitre des "Brûlés de l'intelligence", on rencontre le "Prométhée de l'asile" qui n'est autre que
Friedrich Nietzsche. A celui des "Baladins et funambules" se déroule
Georges Perec, "l'alpiniste du non-sens" tandis qu'au volet "Stratégies du coeur" s'avance le "sexe comme une bombe" de ce fou du désert qu'était le colonel
D.H. Lawrence.
Certains portraits sont terriblement émouvants ou douloureux (
Morand,
Verlaine, Casanova,
Léautaud).
Jean-Marie Rouart n'hésite pas à jeter des ponts entre les écrivains choisis et ceux qui auraient pu l'être, ce qui rend la lecture d'autant plus instructive qu'elle empiète largement sur le panthéon de la littérature. L'ensemble est servi dans une langue élégante emballée d'un respect infini pour chaque artisan des mots rencontré.
Rouart a été élu à l'Académie française en 1997, l'année de parution du présent ouvrage. La noblesse d'un gagnant.