Jean-Marie ROUART relit l'épopée napoléonienne en la replaçant au niveau de l'homme qui fut certes Premier Consul puis Empereur, ordonnateur de l'Europe de son temps, mais aussi et surtout un individu qui par delà son intelligence politique et militaire a bénéficié des coups de pouce du destin. Comment imaginer que le jeune officier corse, admirateur de Paoli, ait pu se trouver au début de sa carrière en échec sur son île natale. Que ses premiers coups d'éclats militaires à Toulon n'ont été rendus possibles que par la présence aux postes idoines d'un compatriote et du frère de
Robespierre qui le prit sous son aile. Comment penser que l'exigeant Napoléon ait pu rencontrer le corrompu Barras et devenir un temps le sabre du Directoire. Comment le jeune général corse a t-il pu épouser une dévergondée notoire et imaginer se la garder pour lui tout en combattant aux quatre coins de l'Europe ? Napoléon montre ses limites dans ses rapports avec les femmes, amoureux de Joséphine, mais aussi conquérant impatient de ses maîtresses.
La campagne d'Italie est restée comme une succession de victoires inattendues dirigées par un jeune général brillant. Mais sa vie aurait tout autant pu s'arrêter à Arcole sans le sacrifice de Muiron. L'expédition d'Egypte restée dans les mémoire comme l'occasion de la découverte d'une grande civilisation antique est d'abord un fiasco militaire, le chef militaire fuyant, abandonnant ses troupes pour rejoindre la France, après le désastre d'Aboukir.
Jean-Marie Rouart restitue aussi tout l'amateurisme qui a entouré le coup d'état codirigé par Sieyes. Encore un moment où le grand Napoléon aurait pu se retrouver simple apprenti dictateur échouant dans son entreprise. Suivent ses attentats et tentatives d'attentat qui glissent sur la tunique de l'Empereur.
L'Empire décrit par nos livres d'histoire est solide et dans un premier temps enchaîne les victoires. Mais en fait à tout moment l'édifice peut s'effondrer et les victoires tiennent certes du génie militaire de l'Empereur, mais aussi de l'apport d'une génération de militaires talentueux. La chute finale tient à l'aveuglement de l'Empereur face à la Russie d'Alexandre, aux trahisons qui se dessinent à commencer par celle de Talleyrand. Napoléon qui a si souvent anticipé l'avenir va là subir les trahisons et les défections sans faire montre de réelle remise en cause.
Reste la légende, celle qu'il va forger à Sainte-Hélène grâce au Mémorial de
Las Cases. Réécriture de l'histoire que ce très intéressant essai remet en perspective.