"Dessiner c'est étaler sur le mur une langue pensive" nous dit
Jean Rouaud, auteur devenu discret (médiatiquement) mais toujours aussi travailleur comme le prouve ce nouveau livre qui tient à la fois de l'essai et du documentaire, où
Jean Rouaud propose une tentative d'interprétation de cette "langue pensive" - justement. Il convoque pour cela
Hérodote,
Aristote,
Kant, mais aussi Darwin et
Chalamov, et, dans un style qui est le sien, une écriture qui capte
le lecteur parce qu'elle ne prend pas celui-ci pour un imbécile,
Jean Rouaud place son livre dans la continuation de ceux, par exemple, de
Pascal Quignard (pour la forme) et (pour le fond) du formidable texte de
George Bataille sur Lascaux, où l'auteur du Bleu du Ciel s'intéressait à une esthétique de l'informe, au lien entre création et chaos. Ainsi, usant d'une pensée au service de la philosophie et de la poésie,
Jean Rouaud nous parle de ces "plasticiens" de la préhistoire, tout en critiquant - avec beaucoup d'humour - l'aveuglement du monde moderne. C'est qu'il y a eu rupture entre l'homme et l'animal, et c'est bien de ça - et de milles autres choses encore - que
Jean Rouaud, nous entretient le long de ces quelques 280 pages, en partant de la préhistoire, passant par la Chapelle Sixtine, jusqu'au risible film de
Fritz Lang "Les Nibelungen". Qu'est-ce qui c'est passé là dans ces grottes ? Comment l'interpréter ? Pourquoi ?
À l'heure où un Lascaux IV va ouvrir, réplique de Lascaux qui devra faire le parallèle (malheureux) entre les fresques d'il y a plus de 20'000 ans et l'art contemporain - comme si les fresques n'auraient été qu'un geste gratuit répondant à la demande du marché, d'un François Pinault ou d'un
Bernard Arnault préhistoriques (sic) -, ce magnifique livre de
Jean Rouaud est un véritable baume pour l'esprit.