A travers cette rusticité, Téniers fait quelquefois apercevoir les tourelles d'une habitation seigneuriale, car s'il peignait la campagne, c'était de la fenêtre d'un château. David Téniers n'est pas, comme on se l'imagine trop souvent, un artiste dont les oeuvres doivent leur principal mérite au fini. Personne n'a travaillé d'une façon plus libre, plus légère, plus rapide. La plupart de ses petits tableaux, qu'on se dispute à prix d'or, ne lui coûtaient qu'une après-dînée.
David, à ce moment, n est pas seulement un fils affectueux, il s’annonce déjà comme un artiste plein de promesses. A l‘exemple de son père, il choisit des sujets se rapportant à la vie bourgeoise. Ses premiers tableaux sont bien accueillis : dans le Changeur et sa femme, les Cinq sens, on loue une facture aisée, un tour spirituel, une entente déjà très marquée de la composition.
Ses qualités personnelles, autant que son talent, le font estimer dans la ville. A vingt-deux ans il est déjà franc-maître de la confrérie de Saint-Luc. Rubens, qui 'était l’ami du père, aimait le fils encore plus. Comme il venait parfois dans l'atelier du vieux Teniers, il encourageait le jeune David, lui prodiguant les conseils, lui prenant le pinceau des mains et lui donnant de ces leçons qui demeurent à jamais dans la mémoire d'un artiste.
David Téniers le père ne semble pas mériter l'indifférence que certains critiques de nos jours affectent pour son oeuvre. Rubens, dont il fut l'ami et peut-être l'élève, le tenait en grand estime, et ses concitoyens avaient la plus haute opinion de son talent. On lui avait confié des travaux considérables de décoration pour les églises d'Anvers. A vingt-quatre ans, il avait exécuté dans l'église Saint-Paul une série de peintures représentant les Sept oeuvres de miséricorde, sujet que son fils reprit parla suite et condensa en une seule toile; dans cette même église, il avait peint un Jésus au milieu des docteurs qui n'était pas sans mérite.