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EAN : 9782848658629
197 pages
Sarbacane (06/04/2016)
3.6/5   34 notes
Résumé :
Drew a dix-sept ans, on est grand à dix-sept ans. On a eu le temps d’apprendre à savoir qui on est. Pourtant, dans sa tête, Drew est encore cet enfant de neuf ans qui a pris le racisme de son père en plein plexus. À la sortie d’un match de hand, au volant de sa camionnette, son père a renversé Ernest, le gardien du stade, et s’est enfui sans le secourir. Il n’allait pas s’arrêter pour un sale nègre …

Ce jour-là, Drew a grandi trop vite. Qui croire ? S... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Comme de nombreux romans de la collection Exprim' de chez Sarbacane, je l'ai acheté sans savoir vraiment de quoi il en retournait.

Drew est un jeune homme de dix-sept ans qui observe depuis toujours des comportements inappropriés chez son père. Ce dernier s'appelle Cédric et est raciste. Depuis ses neuf ans, Andrew a pris conscience de la haine de son père...

C'est un sujet si peu abordé en littérature jeunesse : la haine de l'autre, le racisme, mais pas vu du côté de la victime. Cette fois, nous avons le point de vue d'un protagoniste dont le père est la personne raciste...

Ce roman ne cesse de faire des allers-retours dans le passé et le présent : les neuf ans d'Andrew, quand il se prend le racisme de son père en pleine figure, ses treize ans et l'adolescence, les problèmes qu'il rencontre, puis le présent avec ses dix-sept ans. Ça n'était pas toujours évident de s'y retrouver et de se replonger dans l'histoire, même si j'ai trouvé cette narration intéressante.

Du côté des personnages, je n'ai pas forcément réussi à m'attacher à elleux, même si j'ai eu de la compassion pour Andy et pour sa mère, Cindy, qui prend souvent sa défense (et de la violence de la part de Cédric). Quant à Sky, elle est, comme Andrew et son père, une "fragile". Elle a ses problèmes mais apporte de la joie et de la lumière dans la vie de l'adolescent. Pour finir, son père est tout bonnement détestable malgré quelques nuances à de rares moments... Il ne m'a pas été possible de m'attacher à ce personnage tant la haine suinte de tous ses pores.

Malgré sa violence, son racisme, son sexisme et son homophobie, j'ai trouvé que Cédric était un personnage crédible. Il représente la haine ordinaire, et c'était habile de traiter un personnage comme ça.

C'est un roman percutant, qui a quelques défauts mais qui a le mérite de traiter avec intelligence du racisme ordinaire. Une histoire qui se lit assez facilement malgré les nombreux flash-backs. Même si la fin m'a un peu laissée sur ma faim, j'ai apprécié cette lecture !
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Difficile de résumer ce livre parce qu'il se déroule sur trois temps qui s'entrecroisent, en faisant presque un récit à trois voix. Presque, parce que même si l'époque change, le narrateur reste le même.

Il y a d'abord Andrew à neuf ans, quand il prend le racisme de son père, Cédric, en pleine figure. Alors qu'il est venu chercher son fils après son entraînement de hand, Cédric renverse Ernest, le gardien du stade, et poursuit sa route sans s'arrêter, sans même se soucier de savoir si la victime respire encore. Andrew a honte des actes de son père mais que peut faire un gamin de neuf ans ? Il ne parvient pas à oublier, à surmonter ce traumatisme et va jusqu'à arrêter le hand pour ne plus avoir à croiser Ernest, au grand dam de son père. Ce père qui ne le comprend pas, qui ne supporte pas que son fils soit fétiche, malingre, mais surtout bien plus intelligent que lui. En quête de reconnaissance paternelle même s'il y a pas mal d'incompréhension entre eux, Andrew va jusqu'à rendre volontairement de mauvais devoirs afin d'être sûr de décrocher de mauvaises notes.

Il y a ensuite Andrew a dix-sept ans, qui se fait désormais appeler Drew. Fan de métal, joueur de guitare et amateur de jeux vidéos, le fossé entre son père et lui est plus immense que jamais. Heureusement qu'il peut compter sur le soutien de sa mère Cindy, même si l'adolescence les a un peu éloignés. Il y a aussi Mariji, cette grand-mère trop jeune qui accepte mal les responsabilités. Mais il y a surtout Sky, belle et douce Sky qu'il a rencontré l'été de ses treize ans et qui est devenue par miracle sa meilleure amie. Comme lui Sky cherche l'attention de son père et comme lui elle ne parvient pas à l'obtenir.

Et puis il y a ces quelques pensées de Drew, qui semble perdu en pleine hallucination et qui nous laisse entrevoir quelque chose d'horrible, quelque chose qui sonne presque comme un cauchemar. J'ai été un peu déstabilisée par ces passages à la première personne alors que tout le reste se déroule à la troisième. Les propos sont décousus parce qu'il stresse, parce qu'il panique, et les descriptions, les métaphores qu'il fait nous embrouillent, nous agacent et nous donnent envie de lui crier d'arrêter de délirer et d'être plus clair. Je les trouve presque trop courtes mais surtout trop ponctuelles, trop éparses.

Les trois récits s'entremêlent pour mieux nous dépeindre la vie d'Andrew, pour mieux nous faire comprendre comment il en est arrivé là. Ce découpage peu classique m'a d'abord agacé. Je ne voulais pas laisser le petit Andrew pour suivre le quotidien de Drew, je ne voulais pas partir en plein milieu un épisode qui me semblait inachevé. On finit néanmoins par s'y faire, par prendre le rythme. Au fil des pages les moments que nous offre l'auteur sont suffisant pour nous brosser la façon dont Andrew a été élevé et surtout le milieu dans lequel il a grandi. La frustration s'en va et laisse place à une attente, une appréhension qui ne fait que grandir à chaque fois que reviennent ces lignes en italiques.

La collection Exprim est connue pour ses romans forts et nous offre ici un récit amer, bourré de regrets et de non-dits, d'incompréhension, où deux générations ont du mal à communiquer. Les fragiles n'est pas et ça ne sera jamais un coup de coeur pour moi, sans doute parce qu'il sonne atrocement juste. La narration est fluide, les dialogues crédibles, mais il y a surtout ces tensions dans les interactions, ces mots que les personnages ne disent pas mais qu'ils meurent d'envie de crier. Il y a cette incompréhension entre eux, ce silence qui en devient presque assourdissant. Que ce soit Sky, Drew, Cédric ou Cindy, ils sont tous incapables d'exprimer leurs sentiments, de communiquer réellement. Si Cindy parvient à sortir de sa coquille et à prendre son envol, Drew et Sky se retranchent derrière ces murs qu'ils ont dressés depuis bien longtemps, qui les protègent du reste du monde mais surtout qui les isolent.

Ce qui me plaît dans Les fragiles c'est qu'il n'y a pas de véritable méchant, pas d'ennemi. Il n'y a que la haine de Cédric, cet homme qui a été élevé comme ça, dont l'esprit a été façonné par ses propres parents et par ses fréquentations. Un esprit étriqué où la différence est synonyme de rejet. On parle peu en littérature jeunesse de cette haine quotidienne, de ce racisme, de ce sexisme qui ne s'explique pas, qui est juste là, ancré profondément dans un être. Un être qui pense avoir raison parce que ses parents étaient déjà comme ça. Pour lui c'est ça la normalité. Je n'ai cependant pas réussi à lui pardonner sa façon d'être, je n'ai pas réussi à tolérer son racisme, sa violence, son machisme, ce qui m'a rendu totalement imperméable à ce personnage. L'auteur nous donne toutes les explications, toutes les clés pour que l'on comprenne le point de vue de Cédric, et ça marche. A défaut d'accepter son racisme, on le comprend. Mais ça n'a pas suffi pour que je m'attache à lui. Il ne me répugne plus, il m'indiffère.

Je n'ai pas été déçue par ce livre mais en le refermant j'avais dans la bouche l'amertume des regrets. Je n'ai pas pu m'empêcher de me dire « et si Cédric avait accepté d'écouter ? Et si Andrew avait trouvé le courage de parler ? ». Il y a tellement d'incompréhension entre ces personnages ! J'ai même, à un moment, espéré que Sky change la donne, qu'elle devienne pour Drew une raison de se battre, de se lever contre ce père à l'esprit étroit, qu'elle lui donne sinon l'espoir au moins la foi. Malheureusement les sentiments ne se commandent pas et si Drew se voit bien passer sa vie aux côtés de Sky, elle n'a que son amitié à lui offrir. Impossible donc de ne pas se prendre d'affection pour Drew, de ne pas se demander quand est-ce qu'on lui accordera enfin le bonheur.

Les fragiles est un roman qui ne cherche pas à enjoliver le monde et cela peut déplaire à certains. N'attendez pas une fin rose bonbon entrecoupée d'arc-en-ciel. La vie d'Andrew a mal commencé et malheureusement ça ne s'arrangera pas. Un récit intelligent et fort mais à ne pas lire si vous avez déjà le vague à l'âme.
Lien : http://lesmotspourrever.com/..
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ce roman va être dur à chroniquer car moi-même je n'arrive pas à démêler ce que j'ai ressenti pendant ma lecture. Il faut dire qu'elle est très chamboulante : un bouquin sur le racisme, une bonne claque, ça vous dit ?

le roman alterne entre des passages de différents moments du passé de Drew, et le présent : Drew quand il était petit, quand il rencontre Sky, quand il découvre que son père est raciste etc. ça forme une mosaïque assez étrange et parfaitement coordonnée pour rendre le récit encore plus impressionnant. Dès le début, j'ai ressenti pas mal d'animosité pour le père de Drew, Cédric, qui ne fait aucun effort et a des préjugés sur toute personne qui semble un tant soit peu différente de lui. Pourtant, peu à peu on découvre certains moments de son quotidien à lui aussi, son point de vue sur sa vie (et celui de sa femme également), ce qui apporte une dimension encore plus riche au roman : on se rend réellement compte que ok, même s'il est raciste et qu'il paraît insensible, il reste un humain avec des moments d'affection ou d'esprit d'entraide, même si malgré tout cela ne justifie pas sa façon de penser. Cécile Roumiguière a eu dans ce roman une façon de voir les rapports humains tout à fait passionnante et plutôt inédite, je n'ai absolument pas l'habitude de découvrir le point de vue de quelqu'un qui est raciste.

En plus de ce thème fort, la relation de l'enfant aux parents et, par là-même, l'adolescence et le mal-être qu'il peut causer, sont très bien représentés. Durant toute ma lecture, j'ai ressenti un incroyable sentiment de poids à l'intérieur de moi et des sentiments mêlés tels que la pitié, la compassion et la reconnaissance (pas dans le sens de gratitude, mais de compréhension !). Si je devais représenter cette lecture par un symbole, ça serait donc par un petit nuage noir, mais parce que cette lecture ne m'a pas plu, au contraire ! Voir la situation où se retrouvent chacun de ces personnages m'a serré le coeur et fait réfléchir. (et juste comme ça, l'histoire se passe pas loin de chez moi, hehe)

Pour autant, je ne me suis pas particulièrement attachée au style de l'auteur. J'avais pas mal de recul, ce qui m'a empêché de considérer cette lecture comme un coup de coeur car je n'aimais pas ce que je lisais, pour me concentrer seulement sur l'aspect moral présent dans l'histoire. Je pense que j'ai donc du m'accrocher un peu pour lire l'histoire en entier, malgré mon coeur lourd (étrange, je sais). Je ne me suis pas vraiment attachée aux personnages, si ce n'est à Mariji, la grand-mère de Drew, d'une part par son tempérament fort à ce qu'il m'a semblé, parce qu'elle aime les livres, est indépendante et a proposé un marché ingénieux à Drew. En ce qui concerne Drew, j'ai partagé sa tristesse, souffrance, déni, solitude mais certaines de ses actions m'ont parues trop éloignées de ce que je peux concevoir pour que je m'attache vraiment à lui. Et je m'attendais vraiment, d'après le résumé, à ce que Sky prenne une place plus importante et pour le coup j'ai été déçue, ce n'est pas vraiment un personnage qui m'a marqué.

Ce roman, malgré son petit nombre de pages, c'est-à-dire 200 pages, décrit un nombre impressionnant d'événements, et de manière approfondie. La fin est particulièrement percutante ; je la redoutais depuis le début grâce aux analepses et tout qui annoncent déjà un dénouement tragique, et elle m'a marquée.

Les fragiles est un roman fort, mais qui en même temps nous rend fragiles (waouh, quel jeu de mots incroyable). Fragiles parce qu'on ne peut s'empêcher de se retrouver démunis face à de tels personnages, et surtout à de telles relations et mentalités. Cécile Roumiguière a donné un portrait très humain de ce que peut être la faiblesse, se méfier de tous et être raciste. C'est un beau livre qui mérite d'être lu, car même si je n'ai pas été touchée par l'écriture de l'auteure, il apporte un point de vue intéressant sur des choses que nous voyons quotidiennement dans notre vie et que nous condamnons souvent sans en approfondir la réflexion.
Lien : https://livresdecoeur.blogsp..
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Haut les coeurs ! Chronique d'un roman beau et tuant.

C’est l’histoire d’Andrew qui grandit sous nos yeux. Andy devient Drew et, de gringalet, il passe à… gringalet. Drew est un poids plume, son cœur et son corps sont facilement tourmentés par la vie, qui aime bien lui souffler dans les bronches. Il est de ceux qui entrent dans le jeu avec des mauvaises cartes. Son père est un sale con et, depuis le jour où il s’en est rendu compte vers l’âge de 9 ans, ça le mine. Sa mère est paumée, son meilleur ami se fait la malle à l’autre bout du monde, et lui, vers 11 ans, il commence à s’écraser des mégots sur les bras.

Et puis il y a Sky. Tout n’est pas tout rose pour elle non plus, mais elle apporte un souffle bienvenu. Et puis il y a Mamie (qui ne veut pas qu’on l’appelle mamie, elle est trop jeune, penses-tu, elle a eu sa fille à seize ans). Ce n’est pas le génie de la lampe, mais pas loin non plus.

Alors comment en est-on arrivé là ? « Là », c’est presque la scène d’ouverture. « Là », c’est le Jour J, l’instant T, où du sang coule sur un tapis.

Je n’ai pas adoré ce titre (cf. points négatifs) mais il m’a plu (beaucoup), et je l’ai lu presque d’une traite. C’est un roman plus amer que doux mais, dans le monde en nuances de gris qu’il dépeint, il se démarque par des personnages qui éclatent l’écran.

Les plus :

*C’est bien construit. L’histoire se déroule sur deux grands temps parallèles :
-Celui du Jour J, le jour du drame/meurtre(?) (justement, tout le mystère est là…). C’est un temps très ramassé, dense, plus chargé en émotion, peut-être.
-Celui de la vie de Drew avant ce drame, sous forme de grandes analepses pointillées.
On revient régulièrement au Jour J, puis on nous renvoie en arrière, ce qui suscite notre intérêt de lecteur, nous pousse en avant, pour avoir le fin mot. Habile, Bill.

*Les personnages, donc ! C’est pour moi l’énorme + des Fragiles. Je ne me reconnais dans aucun d’eux, pourtant, je les aime tous. Ils sont écrits avec tendresse, avec humanité, même les plus imbuvables. (Exception : Norbert, prototype de bêtise. Ce qui est vachement triste pour un personnage portant le nom d’un adorable petit dragon.)

*Les méchants ne sont pas des méchants. Le père, cet antagoniste qui traverse le roman comme il traverse le salon du canapé au frigo pour aller se chercher une bière, ce père, n’est pas méchant. Il est juste habité d’une haine ordinaire. Raciste, un peu violent, sexiste, un peu égocentrique. Ce n’est pas un sectaire type KKK, pas un taré qui bat tous les soirs femme et enfant – non, c’est juste un con. Je ne saurais insister sur l’importance de faire figurer la haine ordinaire dans nos œuvres culturelles. Ici, c’est elle qui brise, qui gâche, qui traumatise. Et ces personnages haineux sont aussi des gens qui aiment et qui doutent ; des gens qui sauveraient un enfant des roues d’un bus, par exemple.

*Le choix de la 3e personne. Quel PLAISIR. Non, je ne suis pas contre le « Je » par principe, mais il devient, en littérature Young-Adult, le mode de narration par défaut, et n’est que rarement un choix réfléchi.
Ici, la 3e personne permet d’esquiver l’écueil du « Vous êtes dans ma tête mais vous ne savez pas que… » (Pb que j’évoquais dans ma critique des Hunger Games) Elle nous permet aussi de nous rapprocher du père en le mettant au même niveau d’importance que le fils ; cela nous invite à questionner son identité, sa personnalité.

Les moins :

*C’est pas gai-gai. C’est franchement pas gai-gai. Heureusement que je l’ai lu d’une traite, ce roman, je sais d’expérience que laisser traîner ce genre d’ambiance, mêlée d’espoirs fanés et de regrets amers m’aurait pesé. Pourtant, c’est contrebalancé par ces personnages qui essaient de bien faire. Pour certains lecteurs, c’est ça qui restera. Pour moi, c’est plutôt le gâchis monumental de leurs petits cœurs de beurre écrabouillés — mais je me projette.

*C’est un peu dommage que les problèmes de Drew ne soient pas plus tangibles au fil du roman. S’ils l’étaient davantage, la situation finale ne semblerait pas aussi dure. Mais c’est aussi le propos : ben oui, on ne prête attention aux signes qu’une fois qu’on les a identifiés comme tels.

*Les passages dans la tête de Drew m’ont semblé forcés. Ils tranchent énormément avec le reste du roman (par un point de vue interne à la première personne du singulier + l’expression d’émotion imagée et décousue sous le coup du stress + leur brièveté). Le contraste nous fait vraiment sortir de l’histoire et en redevenir spectateurs. Ce n’est pas mauvais en soi, surtout que ces scènes-là portent toutes sur l’instant meurtrier, mais quand même un peu balo vu leur charge émotionnelle ! Il aurait fallu soit les allonger, pour nous laisser le temps de nous imprégner de cette narration, soit les repasser à la 3e personne, peut-être.

À quoi ça m’a fait penser ? À un mélange de ces deux romans :
-Tous nos jours parfaits, de Jennifer Niven
-L'arbre et le fruit, de Jean-François Chabas

Si ces titres vous ont plu, vous devriez trouver votre compte dans Les Fragiles, un roman qui fait dans le social plutôt dur, sans s’enrouler dans une cape humoristique, sans non plus se suspendre par les deux bras à la branche « Romance », à laquelle il cueille néanmoins quelques fruits. Les Fragiles, c’est l’histoire d’un garçon tout abîmé et de ses proches tout abîmés eux aussi.

C’est une belle histoire. Le genre d’histoire qui rend un peu meilleur (même si elle rend un peu triste).

Bonne lecture,

Lupiot
Lien : https://allezvousfairelire.c..
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Andrew Castan, « Andy » pour sa mère et « Drew » pour les autres, a 17 ans, mais reste traumatisé par ce que son père a fait et a dit alors qu'il n'avait que 9 ans, ce jour où il a renversé le gardien du stade et, jetant une insulte, a pris la fuite. Ce jour-là, il s'est pris le racisme de ce dernier en pleine face.

Tous les personnages sont fragiles (logique, vu le titre). Drew est torturé et ne sait pas quelle est sa place, entre sa mère qui aime le voir réussir et son père qui voudrait un gros dur comme fils.
Quant à Sky, on en apprend un peu plus sur elle vers la fin du roman, alors qu'elle a 18 ans, mais dès le début, on comprend bien que sa vie n'est tous les jours celle d'un conte de fée avec un père qui l'ignore parfois sans qu'elle sache vraiment pourquoi. Cependant, jusqu'à ses 17-18 ans, j'ai trouvé que Sky aurait pu être un peu plus… concrète. Je n'ai pas réussi à m'attacher à elle car, finalement, elle est un peu insaisissable, même pour Drew puisqu'elle part et revient uniquement quand ça lui chante.
Le père de Drew, Cédric, déteste tous ceux qui ne sont pas comme lui : il est donc raciste, antisémite, homophobe, sexiste (le parfait connard en gros). Mais ce n'est pas le méchant suprême et diabolique. Il montre une haine ordinaire, comme on en croise souvent, qui peut causer des dégâts et des souffrances considérables.
Cindy, la mère de Drew, est impuissante face à son mari. Elle voit encore celui qui l'a séduite avec son sourire un peu perdu alors qu'ils étaient très jeunes. Elle essaie de défendre son fils quitte à se prendre quelques baffes, mais elle est toujours un peu perdue face à son fils et son mari qui, tous deux, s'éloignent peu à peu.
Heureusement qu'il y a Mariji, la (jeune) grand-mère cool et un peu hippie, qui apporte de la couleur et de la bonne humeur dans la vie de Drew.

La relation entre Drew et son père est vraiment complexe et l'auteure a parfaitement su l'écrire. Il y a une totale incompréhension entre le père et le fils. Son père projette sur Drew ses rêves avortés, notamment celui de devenir un sportif professionnel, et n'aime pas le voir réussir ses études alors que lui-même avait des difficultés et a arrêté avant le bac. Un fils sensible, bon à l'école, musicien, geek, ne rentrait pas vraiment dans ses plans. Alors, pour tenter de plaire à ce père qu'il déteste en même temps, Drew va donc se saborder lui-même à l'école pour ne pas décevoir avec de trop bonnes notes.
Toutefois, en se plaçant régulièrement du côté de Cédric, on voit peu à peu un autre homme sous le raciste, celui qui a laissé tomber ses rêves, celui qui aimerait retrouver l'amour qu'il éprouvait pour sa femme à leurs débuts, celui qui aime son fils en dépit de tout.

Derrière cette couverture minimaliste très jolie se cache donc un roman violent émotionnellement, pas franchement joyeux (et absolument pas une histoire d'amour comme pourrait le laisser penser le résumé de l'éditeur). La fin enfonce le clou et m'a laissé comme un poids sur l'estomac.

Chaque chapitre est construit avec trois temps :
- le déroulement du jour J où l'on suit parfois Drew, parfois son père ;
- Les flashbacks (8 ans, 6 ans, 3 ans, 1 an, 1 mois avant) qui relatent souvent un souvenir précis (une discussion avec un prof, la première bière, la rencontre avec Sky, une dispute…), mais qui, au fur et à mesure que Drew grandit, couvre une période de plus en plus large (quelques jours, quelques semaines…) ;
- Et enfin, le moment du drame, raconté à la première personne (ce qui tranche étrangement, au début de la lecture, avec le reste du roman), la conclusion de ce fameux jour J, l'instant où le sang coule sur le tapis.
A travers les flashbacks, on se rapproche, chapitre après chapitre, du jour J. Cette construction toute en allers-retours empêche de lâcher le roman. On veut en savoir plus sur l'adolescence de Drew, on veut poursuivre ce jour J dont l'action est plus ramassée, on veut savoir comment on est arrivé à ce drame, à ce sang qui coule (à ce meurtre ? car il faut attendre la toute fin pour savoir ce qu'il s'est réellement passé).

Les Fragiles est un roman digne de la collection Exprim' : ambitieux, percutant et totalement ancré dans le réel (et c'est ce qui le rend aussi dur).
Lien : https://oursebibliophile.wor..
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critiques presse (1)
Ricochet
07 juin 2016
Un roman qui sait être d’un réalisme intense et d’une littérarité profonde.
Lire la critique sur le site : Ricochet
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
- Tu rigoles ? Le théâtre, c'est l'horreur. Mon père est régisseur, alors...
- Ouais ? Ça fait quoi, un régisseur ?
- Un peu tout, ça dépend des spectacles. Il est intermittent, il travaille pour qui le demande, il n'a pas de patron si tu préfères. Ni dieu ni maître... c'est ce qu'il dit tout le temps.
- Plutôt classe, comme devise.
- Ouais, sauf qu'avec lui c'est plutôt ni fric ni vacances.
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- Tu es trop gentil... Je sais bien qu'on n'est pas des parents merveilleux, on fait ce qu'on peut. Mais, sérieusement... Ton père idéal, il serait comment ?
C'est au tour de Drew de boire le cocktail maison, il l'avale d'un trait. La réponse se précipite sur ses lèvres avant qu'il l'ait vue germer dans sa tête.
- Il serait mort.
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Non. Ce que je te demande, c'est de me prêter de quoi racheter l'ordinateur que j'ai explosé par terre dans un coup de colère et qui me maintient en vie quand je n'ai pas envie d'entendre mon père sortir ses conneries racistes ou hurler sur ma mère.
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J’ai envie de vomir depuis l’âge de neuf ans, depuis ce jour où mon père a lancé ce « sale nègre » par la vitre de la camionnette. Pas son premier « sale nègre », ce jour-là, le nègre, c’était Ernest, le gardien du stade. Ernest qui m’encourageait tous les mercredis depuis deux ans chaque fois que je flanchais. Ce mercredi-là, il a traversé en dehors des clous, il aurait pas dû.
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Bats des ailes, mec, bats ! Tu vas y arriver.
Ferme tes oreilles, et bats des bras... Tu vas t'envoler
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Videos de Cécile Roumiguière (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Cécile Roumiguière
de Cécile Roumiguière et Clotilde Perrin https://www.ecoledesloisirs.fr/livre/maneges-mila
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