Positivement étonné par ce livre !
Il comporte 4 parties :
- Un hommage un peu lourd aux autorités genevoises ;
- une préface intéressante,
- puis le « Discours »proprement dit, en deux parties.
Dans la préface ( 1755 ), Rousseau pose le problème de « l'étude de l'homme ». Il entend, je pense, l'étude de son comportement. …
Individuel ? Ce serait une base jetée pour la psychologie.
En collectivité ? Ce serait une base pour la sociologie.
.
Le discours proprement dit se compose de deux parties.
.
La première est un éloge de l'homme sauvage, ni bon ni mauvais.
Il perçoit deux sortes d'inégalités parmi les hommes :
1 ) l'inégalité physique ;
2 ) l'inégalité morale ou politique qui existe chez l'homme civilisé.
.
Il compare l'homme sauvage, primitif à l'animal sauvage, qui a la santé, peu de maux, sinon les blessures et la « vieillesse », qui ne se préoccupe que d'attaquer, se défendre et dormir, qui a des sens développés (vue, ouïe, odorat ), et agit à l'instinct. Il a peu de besoins : la nourriture, une femelle et le repos.
.
L'homme civilisé, « domestique », comme l'animal domestique, est soumis à des chefs, a besoin d'un logement, d'un médecin, il pense ( Rousseau va jusqu'à dire que c'est mauvais ! ), et utilise sa raison.
Rousseau discute la « perfectibilité » de l'homme sauvage qui devient domestique, par les apprentissages : maîtrise du feu, de l'agriculture, notion de vol et de propriété, maîtrise de la parole, ne serait-ce que pour l'enfant qui exprime ses besoins à la mère.
.
La deuxième partie tire les leçons politiques de la socialisation-civilisation de l'homme, et Rousseau montre que les inégalités s'accroissent au fur et à mesure du « progrès humain » et de la richesse des puissants :
.
« Je prouverais que si l'on voit une poignée de puissants et de riches au faîte des grandeurs et de la fortune, tandis que la foule rampe dans l'obscurité et dans la misère, c'est que les premiers n'estiment les choses dont ils jouissent qu'autant que les autres en sont privés, et que, sans changer d'état, ils cesseraient d'être heureux si le peuple cessait d'être misérable. »
.
L'argent entraîne la corruption et le paraître des riches, qui ne sont plus que des coquilles vides, « de l'honneur sans vertu, de la raison sans sagesse, et du plaisir sans bonheur », tandis que le peuple crève de faim, à l'image de ce qu'écrit
Montaigne dans «
Des Cannibales », et la pitié des Caraïbes envers ses frères disparaît quand l'homme devient riche et méprise le pauvre.
JJR propose une gradation de l'inégalité : Nature, droit naturel > démocratie, dans laquelle le magistrat arbitre le contrat social entre le peuple et le chef > despotisme, où le tyran supprime les lois et l'arbitrage du magistrat.
.
Il y aurait plein de choses à dire, vous les lirez par vous-mêmes, c'est riche et intéressant. S'appuyant sur Tacite, Locke et Pufendorf, contrant souvent Hobbes,
Jean-Jacques Rousseau qui, contrairement à
Voltaire ou
Diderot, s'intéresse peu à la religion, à mon avis, signe ici une oeuvre politique majeure qui prépare « le Contrat Social », et qui a peut-être intéressé Proudhon, Marx ou
Henry David Thoreau.
.
Jean-Jacques Rousseau me faisait « peur » : ayant essayé de lire « La nouvelle Héloïse », abandonnant au bout de vingt pages, dégoûté par son style ampoulé. On retrouve un peu ce style dans l'hommage qu'il fait aux dirigeants de Genève, mais après, on devine le « chercheur », le passionné, et le style est nettement plus épuré, même si JJR prend des précautions par rapport aux autres écrivains du siècle.
En défenseur du bon sauvage, JJR rejoint
Denis Diderot quand il écrit «
Supplément au voyage de Bougainville », et
Georges Hébert ( et là, je suis dans mon secteur ), défenseur de la méthode naturelle dans plusieurs ouvrages comme :
• « L'Éducation physique ou l'entraînement complet par la méthode naturelle, 1912 ».