J’ai tort, si j’ai pris en cette occasion la plume sans nécessité. Il ne peut m’être ni avantageux ni agréable de m’attaquer à M. d’Alembert. Je considere sa personne : j’admire ses talens : j’aime ses ouvrages : je suis sensible au bien qu’il a dit de mon pays : honoré moi-même de ses éloges, un juste retour d’honnêteté m’oblige à toutes sortes d’égards envers lui ; mais les égards ne l’emportent sur les devoirs que pour ceux dont toute la morale confine en apparences. Justice et vérité, voilà les premiers devoirs de l’homme. Humanité, patrie, voilà ses premieres affections. Toutes les fois que des ménagemens particuliers lui font changer cet ordre, il est coupable. Puis-je l’être en faisant ce que j’a du ? Pour me répondre, il faut avoir une patrie à servir, et plus d’amour pour ses devoirs que de crainte de déplaire aux hommes.
Comme tout le monde n’a pas sous les yeux l’Encyclopédie, je vais transcrire ici de l’article Geneve le passage qui m’a mis la plume à la main. Il auroit dû l’en faire tomber, si j’aspirois à l’honneur de bien écrire ; mais j’ose en rechercher un autre, dans lequel je ne crains la concurrence de personne. En lisant ce passage isole, plus d’un lecteur sera surpris du zele qui l’a pu dicter : en le lissant dans article, on trouvera que la Comédie qui n’est pas à Geneve et qui pourroit y être, tient la huitieme partie de la place qu’occupent les choses qui y font.
L'amour du beau est un sentiment aussi naturel au cœur humain que l'amour de soi-même.
C'est par la fureur du théâtre qu'Athènes périt.
Parce que l'esprit humain, moins étendu, moins noyé parmi les opinions vulgaires, s'élabore et fermente mieux dans la tranquille solitude.
On dirait que notre Coeur se resserre, de peur de s'attendrir à nos dépens.
Je ne vois qu'un remède à tant d'inconvénients:c'est que, pour nous approprier les drames de notre théâtre, nous les composions nous-mêmes, et que nous ayons des auteurs avant des comédiens. Car il n'est pas bon qu'on nous montre toutes sortes d'imitations, mais seulement des choses honnêtes et qui conviennent à des hommes libres.
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On prétend nous guérir de l'amour par la peinture de ses faiblesses.