AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Michèle Crogiez (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253160991
223 pages
Le Livre de Poche (12/09/2001)
  Existe en édition audio
3.65/5   1100 notes
Résumé :
Lorsqu'il commence à écrire les Rêveries à l'automne 1776, Rousseau est un vieil homme proche de la mort, presque pauvre, célèbre dans toute l'Europe et pourtant assuré que l'espèce humaine le rejette. II continue cependant d'écrire et les Rêveries sont à ses yeux la suite des Confessions. Mais il ne s'agit plus désormais de raconter sa vie ni de s'expliquer aux autres pour dévoiler sa vraie nature. Les souvenirs épars qui remontent maintenant à sa mémoire, c'est po... >Voir plus
Que lire après Rêveries du promeneur solitaire Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (68) Voir plus Ajouter une critique
3,65

sur 1100 notes
Dans la littérature française du XVIIIe siècle, Jean-Jacques Rousseau est considéré comme un ré-novateur du sentiment de l'existence. Il croit en l'existence d'une certitude intérieure, d'une "activité mystique" qui prend sa source dans l'âme. Il pense que la peinture parfaite, la plus fidèle ne peut venir que de l'intérieur. En 1776 il décide "d'enregistrer", ces dernières "contemplations charmantes" susceptibles d'éclairer toute une existence. C'est ainsi que se constitue cette dernière oeuvre inchevée de Rousseau. Une question demeure cependant ouverte : y a-t-il rêveries authentiques ou plutôt libres discours sur la volupté de rêver ? Pour moi, le sentiment d'une évidence : l'écriture de soi tend vers le bonheur durable, simple, plein ("suprême félicité" ) que seule la reconquête de soi peut assurer.
L'affirmation d'une réclusion à perpétuité dans une parfaite solitude du "je" se fait sans détours. le rôle de l'écriture apparaît comme double: tout en participant au processus de "vitrification" la parole devient comme une sorte de seconde d'existence, enrichie, augmentée par le plaisir réel d'écrire, de s'écrire.
Le ton général est celui de l'introspection puisque Rousseau proclame son isolement, son exclusion totale de la société : "tout est fini pour moi sur la terre". La formule généralisante désigne à la fois l'ensemble des relations avec le monde sensible et un rapport privilégié avec la divinité. Par-delà l'humilité que suppose une précaire condition de simple créature humaine, "pauvre mortel infortuné", il importe d'atteindre une sorte de "nullité" qui permet d'être soi-même sans contrainte. "Je suis nul désormais parmi les hommes, et c'est tout ce que je puis être, n'ayant plus avec eux de relation réelle, de véritable société". La solitude devient ainsi "négation de la négation" selon l'expression de Jean Starobinski puisque la société est le refus collectif d'un état de nature. C'est donc précisément pour éviter toute aliénation par le corps social corrompu que Rousseau coupe tout lien matériel avec la société. Dans une sorte de litanie ("je n'ai plus en ce moment ni prochain, ni semblable, ni frère", "seul pour le reste de ma vie"), sur le ton de la complainte acceptée, Rousseau définit le véritable projet du livre : "[ne] m'occuper [plus] que de moi". Il s'agit donc "d'accomplir par la rêverie une transmutation des sentiments et des passions, pour atteindre la certitude primaire d'un être dépouillé, et qui, comme Dieu se dérobe au domine de la possession, de l'avoir, pour demeurer un être pur comblé naturel":
Dès qu'il s'agit de saisir la mouvance immobilisée du moi intérieur un problème se pose cependant, celui d'une extériorité paradoxale. L'analyse de soi se veut "examen sévère et sincère", rigoureuse observation ("les opérations que font les physiciens sur l'air pour en connaître l'état journalier", "le baromètre à mon âme"). Cependant le pouvoir ordonnateur de la réflexion méthodique et systématique semble ainsi rejeté. La métaphore météorologique suggère, en plus de la versatilité d'une âme encore active le mouvement alternatif du livre lui-même, "informe journal de ses rêveries". Au bout du compte, on décèle dans ce livre une finalité morale assez proche, ("le compte que je ne tarderai pas à rendre de moi", car le narrateur s'achemine vers le terme de sa vie et il lui appartient de s'étudier, s'examiner pour "corriger le mal qui peut y rester", ainsi que pour jouir, par la mémoire créatrice, d'un bonheur révolu. L'écriture devient donc un moyen de "fixer", de "faire renaître pour moi le temps passé". Si la rêverie pure est muette et intérieure, le verbe la transforme en rêverie seconde. La lecture ne sera qu'un plaisir accru, jouissance multipliée : "leur lecture me rappellera la douceur que je goûte à les écrire […] doublera pour moi pour ainsi dire mon existence". Que de bonheur ! Écrire et se cacher, fuir les hommes seraient donc pour Rousseau indissociables.
Commenter  J’apprécie          1054
De la nécessité de relire les textes « imposés » au collège…

Publié en 1782, « Les rêveries du promeneur solitaire » alors que Rousseau n'est plus… Une oeuvre de la maturité ? de la résignation ? de la justification ?
Peut-être un peu tout ça … Qu'importe : une lecture de collégien et une relecture partielle pour « composer » cette modeste chronique…

Un souvenir : une lecture fastidieuse et ennuyeuse.
Un constat, actuel, à l'âge mûr : prose d'une grande beauté, introspective, élégante… Un vagabondage intellectuel et physique… Des questionnements que l'âge encourage… Un vague à l'âme, un vague à l'âge…
Commenter  J’apprécie          674
Voilà un livre que j'ai choisi de relire dans le cadre de ma 3ème année de licence. Pour une fois qu'on nous donne le choix d'une lecture, je n'allais pas m'en priver !

Lu une première fois au collège, le livre m'avait marquée par son ton (je pensais que Rousseau était définitivement misanthrope ce qui convenait fort bien à mon état d'esprit à l'époque) et par la place que l'auteur accordait à la nature. Deux décennies plus tard, je retrouve avec plaisir les états d'âme de Rousseau.

Cette oeuvre inachevée est celle de la maturité, de l'acceptation du monde. Au fil de ses promenades, Rousseau se réconcilie avec l'idée qu'il se fait de lui-même. Mener une vie paisible et quelque peu isolée (son isolement fut subi au départ, et finalement recherché vers la fin de sa vie) herboriser, c'est un peu le secret du bonheur. Il ne cherche plus à se justifier (Rousseau écrit pour lui, non pour le lecteur) mais part du constat que puisque la société des hommes ne lui a apporté que des désagréments, il vaut encore mieux s'en passer.

Une certaine ambiguité plane sur ces réflexions : Rousseau s'éloigne de la société des hommes à force d'amères désillusions et de souffrances. Il trouve enfin la paix dans l'isolement et cependant il ne hait point ses semblables. Il écrit pour lui, pour parfaire sa connaissance de soi et cependant, un lecteur lui est nécessaire.

Le personnage lui-même était bourré de contradictions (mais qui ne l'est pas ?). Il abandonne ses enfants à l'assistance publique mais écrit un traité sur l'éducation, épouse une lingère dont la personnalité est à mille lieux de la sienne mais tombe régulièrement amoureux de belles dames, ce qui lui occasionne bien des brouilles avec ses amis, se fait de nombreux ennemis "littéraires" et se croit victime d'un complot (mais comment démêler le vrai du faux ?), mais sa nature soupçonneuse finit même par décourager ses véritables amis... bref, un homme qui était vraisemblablement destiné à vivre seul...

Enfin, il insiste pour ne pas confondre rêveries et méditations mais la frontière demeure parfois floue entre ces deux notions. Et ces rêveries sont nécessaires à l'homme.

Résigné peut-être, indifférent assurément, Jean-Jacques Rousseau nous offre ses plus belles pages sur la recherche du bonheur et l'introspection. S'il règne un parfum de mélancolie sur cette oeuvre, il ne s'en dégage pas moins une impression de paix et de sérénité, une harmonie découlant du contact répété avec la nature, qui constitue le réel point d'ancrage de la vie de Rousseau. Un très beau livre pour lequel j'ai toujours autant d'affection.

"La source du vrai bonheur est en nous".

Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
Commenter  J’apprécie          5913
Dans les Rêveries du promeneur solitaire, nous sommes confrontés à un Rousseau " seul et négligé", partagé entre son désir de solitude et celui d'aller à la rencontre de ses semblables, tentant de soulager les terribles doutes qui l'assaillent et le besoin irrépressible de répondre à ses persécuteurs.
Ce roman doit sa pérennité à la tension irrésistible créée par la la juxtaposition de la facette philosophique, sobre et méditative de Rousseau et de sa rage passionnée contre les fléaux de la société. Il souhaite se montrer en paix avec lui-même dans son dernier livre, complètement détaché de la société et heureux de l'être : pourtant sa fierté et son sens de l'injustice le trahissent sans arrêt.
Ce récit est donc un précurseur des grands romans écrits sur le thème de la solitude et du désespoir des écrivains.
Ma promenade préférée ? Peut-être la septième...
Commenter  J’apprécie          601
Jean-Jacques Rousseau, par ses idées, surtout ses idées politiques, a fait réagir un grand nombre de personnalités. Ce livre est une dernière autobiographie. le style de cet ouvrage est différent de celui du « Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes », qui est antérieur. Ici, Rousseau semble fatigué, épuisé par les méchancetés qui lui ont été faites.
« Consacrer sa vie à la vérité » est la devise de Jean-Jacques. On sent à quel point il y tient dans sa quatrième promenade, quand il attaque vertement le mensonge. Pour Rousseau, l'homme est naturellement bon. Je pense qu'à la fin de sa vie, en écrivant cet essai, il ait révisé son point de vue, car ce livre est carrément un procès à la société des hommes : il est devenu misanthrope.
Comment le mal peut-il jaillir dans une société composée d'hommes "bons", comme il disait ?.... A creuser 😊
.
JJ écrit cet essai en dix promenades de son âme, pour se défouler sur les hommes qui ont profité de lui, qui ont eu des regards mauvais sur lui, qui ont colporté des rumeurs sur lui. JJ était-il paranoïaque ?
Il a cependant toute ma sympathie, car mes pensées rejoignent les siennes ! Mais son style est lourd, gavant, même si de belles pensées le parsèment :)
Peut-être l'hostilité est-elle due à ce qu'il ait mis ses enfants aux « enfants trouvés », alors qu'il a écrit sur l'éducation « Emile ou de l'éducation » ? Mais après tout, faites ce que je dis, pas ce que je fais. Peut-être, s'il avait été moins timide, eût-il fait un bon politique ?
En tous cas, il fait l'éloge de la misanthropie, car après avoir appris sa propre mort par des rumeurs, fait le tour des hostilités à son égard, sans apparemment en connaître la cause, Rousseau vante les deux mois paradisiaques passés sur l'île suisse du lac de Bienne, comme seul au monde avec sa chère Nature.
Car l'auteur vante sa folie de l'herborisation qui ne l'a jamais quitté, ainsi que les rêveries et la solitude.
.
C'est une triste fin de vie qui semble attendre notre philosophe... Philosophe qui a participé à L'Encyclopédie, je me demande comment d'ailleurs, ne le présumant pas collaborer avec l'ironique Voltaire et le fougueux Diderot.
Cet essai, interrompu par la mort de l'auteur, se termine sur un hommage à Mme de Warrens, qu'il appelait « Maman », puisque sa vraie mère est morte quelques jours après sa naissance.
Commenter  J’apprécie          374

Citations et extraits (223) Voir plus Ajouter une citation
Le bonheur est un état permanent qui ne semble pas fait ici-bas pour l'homme. Tout est sur la terre dans un flux continuel qui ne permet à rien d'y prendre une forme constante. Toute change autour de nous. Nous changeons nous-même et nul ne peut s'assurer qu'il aimera demain ce qu'il aime toujours.
Commenter  J’apprécie          10
Et comment peut-on appeler bonheur un état fugitif qui nous laisse encore le cœur inquiet et vide, qui nous fait regretter quelque chose avant, ou désirer encore quelque chose après ?
Commenter  J’apprécie          10
Seul pour le reste de ma vie, puisque je ne trouve qu'en moi la consolation, l'espérance et la paix, je ne dois ni ne veux plus m'occuper que de moi.
Commenter  J’apprécie          10
Qu'ai-je fait ici-bas ? J'étais fait pour vivre, et je meurs sans avoir vécu.
Commenter  J’apprécie          10
Le bonheur est un état permanent qui ne semble pas fait ici-bas pour l'homme. Tout est sur la terre dans un flux continuel qui ne permet à rien d'y prendre une forme constante. Tout change autour de nous. Nous changeons nous-mêmes et nul ne peut s'assurer qu'il aimera demain ce qu'il aime aujourd'hui. Ainsi tous nos projets de félicité pour cette vie sont des chimères. Profitons du contentement d'esprit quand il vient ; gardons-nous de l'éloigner par notre faute, mais ne faisons pas des projets pour l'enchaîner, car ces projets-là sont de pures folies. J'ai peu vu d'hommes heureux, peut-être point ; mais j'ai souvent vu des coeurs contents, et de tous les objets qui m'ont frappé c'est celui qui m'a le plus contenté moi-même. Je crois que c'est une suite naturelle du pouvoir des sensations sur mes sentiments internes. Le bonheur n'a point d'enseigne extérieure ; pour le connaître il faudrait lire dans le coeur de l'homme heureux ; mais le contentement se lit dans les yeux, dans le maintien, dans l'accent, dans la démarche, et semble se communiquer à celui qui l'aperçoit.
Commenter  J’apprécie          340

Videos de Jean-Jacques Rousseau (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Jacques Rousseau
CHAPITRES : 0:00 - Titre
C : 0:06 - CRÉATION - Paul Bourget 0:17 - CRÉATION DE L'HOMME - Jean Dutourd 0:28 - CROIRE - Comte de Las Cases
D : 0:38 - DÉBAUCHE - Restif de la Bretonne 0:51 - DÉCEPTION - Fréron 1:04 - DÉLUGE - Jean-François Ducis 1:15 - DÉMOCRATE - Georges Clemenceau 1:26 - DERRIÈRE - Montaigne 1:36 - DOCTRINE - Édouard Herriot 1:46 - DOULEUR - Honoré de Balzac 1:58 - DOUTE - Henri Poincaré
E : 2:11 - ÉCHAFAUD - Émile Pontich 2:23 - ÉCOUTER - Rohan-Chabot 2:33 - ÉGALITÉ - Ernest Jaubert 2:43 - ÉGOCENTRISME - René Bruyez 3:00 - ÉGOÏSME - Comte d'Houdetot 3:10 - ÉLECTION - Yves Mirande 3:21 - ENFANT - Remy de Gourmont 3:33 - ENNUI - Emil Cioran 3:41 - ENSEIGNER - Jacques Cazotte 3:53 - ENTENTE - Gilbert Cesbron 4:05 - ENTERREMENT - Jean-Jacques Rousseau 4:14 - ÉPOUSE - André Maurois 4:37 - ÉPOUSER UNE FEMME - Maurice Blondel 4:48 - ESPOIR - Paul Valéry 4:57 - ESPRIT - Vicomte de Freissinet de Valady 5:07 - EXPÉRIENCE - Barbey d'Aurevilly
F : 5:18 - FATALITÉ - Anne-Marie Swetchine 5:27 - FIDÉLITÉ - Rivarol
5:41 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Paul Bourget : https://en.wikipedia.org/wiki/Paul_Bourget#/media/File:Paul_Bourget_7.jpg Jean Dutourd : https://www.purepeople.com/media/jean-dutourd-est-mort-a-l-age-de-91_m544292 Comte de Las Cases : https://www.babelio.com/auteur/Emmanuel-de-Las-Cases/169833 Restif de la Bretonne : https://fr.wikiquote.org/wiki/Nicolas_Edme_Restif_de_La_Bretonne#/media/Fichier:NicolasRestifdeLaBretonne.jpg Fréron : https://www.musicologie.org/Biographies/f/freron_elie_catherine.html Jean-François Ducis : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-François_Ducis#/media/Fichier:Jean-François_Ducis_par_le_baron_Gérard.jpg Georges Clemenceau : https://www.lareorthe.fr/Georges-Clemenceau_a58.html Montaigne : https://www.walmart.ca/fr/ip/Michel-Eyquem-De-Montaigne-N-1533-1592-French-Essayist-And-Courtier-Line-Engraving-After-A-Painting-By-An-Unknown-16Th-Century-Artist-Poster-Print-18/1T9RWV8P5A9D Édouard Herriot : https://www.babelio.com/auteur/Edouard-Herriot/78775 Honoré de Balzac : https://www.hachettebnf.fr/sites/default/files/images/intervenants/000000000042_L_Honor%25E9_de_Balzac___%255Bphotographie_%255B...%255DAtelier_Nadar_btv1b53118945v.JPEG Henri Poincaré : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/be/Henri_Poincaré_-_Dernières_pensées%2C_1920_%28page_16_crop%29.jpg René Bruyez : https://aaslan.com/english/gallery/sculpture/Bruyez.html Yves Mirande : https://www.abebooks.com/photographs/Yves-MIRANDE-auteur-superviseur-film-CHANCE/31267933297/bd#&gid=1&pid=1 Remy de Gourmont : https://www.editionsdelherne.com/publication/cahier-gourmont/ Emil Cioran : https://www.penguin.com.au/books/the-trouble-with
+ Lire la suite
autres livres classés : philosophieVoir plus
Notre sélection Littérature française Voir plus


Lecteurs (4931) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
420 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..