Il y a eu trois phases dans la vie de
Valéry Giscard d'Estaing. La première, celle d'une brillante réussite, dans ses études, dans son parcours politique au moins jusqu'à sa conquête du pouvoir, jusqu'à laisser l'impression que son ascension n'aurait pas de fin. Puis dans l'exercice du pouvoir la découverte de ses limites et l'expérience de l'échec. Enfin l'incompréhension de sa défaite, les tentatives pour renouer avec un passé où il brillait par son intelligence et sa certitude d'être en prise avec la société, qui ne lui rendait pas forcément tout ce qu' il avait su lui donner. Ses racines et ses convictions personnelles l'ancraient dans le libéralisme autant qu'elles le plongeaient dans la tradition. de sorte qu'il n'eut aucune peine à entrer dans les gouvernements choisis par le Général
de Gaulle puis à devenir son ministre des finances (la période la plus heureuse de sa vie, dira-t-il plus tard) . Mais ses options libérales le mettaient en désaccord avec le président. Il fut frustré et blessé quand après des élections pendant lesquelles il fut loin de démériter, le général ne le maintint pas dans sa fonction, seule chose qui comptait alors pour lui. Ayant quitté son ministère, il se replia sur son groupe, la formation des Républicains indépendants, en laissant son ami
Michel Poniatowski mener les combats de pure politique politicienne qui ne l'intéressaient guère, préférant s'occuper de choses plus "nobles", et on peut le croire sincère dans ses préférences et choix personnels, mais il profitera aussi de ce temps pour soigner l'image de lui-même qu'il laissait transparaître et qui lui venait quasi naturellement tout en cherchant à plaire. Après mai 1968, quand
De Gaulle eut besoin de vérifier sa popularité en se ressourçant dans l'onction référendaire, Giscard eut l'honnêteté de dire au général qu'il approuvait son souhait de décentralisation mais pas celui de la suppression du Sénat et il lui déconseilla de poser ces deux questions en une seule aux Français. le général ne l'écouta pas et Giscard put alors commencer à suivre sa propre voie. Il laissa passer son tour quand Pompidou prit la relève du Général après l'échec du référendum de 1969. Loyal et plus malin que
Chaban-Delmas, premier ministre, qui avait eu l'impolitesse de ne pas dévoiler au nouveau président son projet de Nouvelle société annoncé à la tribune de l'Assemblée nationale et qui n'attendit même pas, quand
Georges Pompidou, rongé par la maladie de Waldenstrom, décéda, que les obsèques du successeur de
De Gaulle fussent passées pour déclarer sa candidature à l'élection présidentielle, ce qui attira à Chaban la haine des Pompidolistes, et en particulier de deux des conseillers du président défunt,
Marie-France Garaud et
Pierre Juillet ainsi que l'hostilité de leur jeune poulain,
Jacques Chirac, alors ministre de l'intérieur, Giscard sut, habilement, montrer des attentions au président Pompidou puis à sa veuve. 1974 fut bien l'année de
Valéry Giscard d'Estaing, qui emporta l'élection de peu, face à
François Mitterrand, candidat de la gauche, mais avec l'aide déterminante de 43 députés et élus de la majorité post-gaulliste - groupe dont
Jacques Chirac était le meneur- qui devaient faire la courte échelle au responsable des Républicains Indépendants, force qui, à elle seule, n'aurait pas pu remporter cette élection présidentielle. L'erreur de Giscard d'Estaing, tout au long de son septennat, fut de croire qu'il pourrait supplanter les Chiraquiens et les gaullistes pur jus, ce qu'il tenta bien de faire en gouvernant au centre, en choisissant
Raymond Barre comme premier ministre après le départ fracassant de Chirac de l'hôtel Matignon, en essayant de ringardiser ce dernier et en créant une vaste nébuleuse centriste, l'Union pour la Démocratie française qui allait remporter les élections législatives suivantes à leur échéance avec l'aide de
Jacques Chirac et de ses amis mais qui allait perdre, dans la douleur, l'élection présidentielle le 10 mai 1981, laissant Mitterrand accéder à l'Élysée. Giscard ne s'en remettra qu'à moitié.
le parcours de VGE reste intéressant à étudier et Éric Roussel nous en donne une juste analyse et une restitution irréprochable. C'est le décès de
Valéry Giscard d'Estaing en décembre 2020 qui m'a
donné l'envie de lire cette biographie sans fausse note et écrite dans un style tout à fait approprié à son sujet.
François Sarindar, auteur de :
Charles V le Sage, Dauphin, duc et régent, 1338-1358 (2019).