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EAN : 9782368830147
320 pages
Benoît Aubin/Actes Graphiques) (01/01/2015)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Cet ouvrage d’une très grande qualité iconographique et de textes riches d’informations est avant tout un hommage à l’œuvre de Jean DASTÉ, autant qu’un récit biographique. Jean DASTÉ dont la réussite culturelle a contribué à donner à Saint-Étienne ses lettres de noblesse, au même titre que l’ASSE, dans l’hexagone autant que dans le monde !
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Je ne connaissais de Jean Dasté que son long visage taillé à la serpe, son regard de braise adouci par une bouche souriante et généreuse. Un coeur de saltimbanque dans un corps de métallo.

D'ailleurs vous le connaissez tous : le marinier de l'Atalante, le pion fantasque de Zéro de conduite, deux films de son cher Jean Vigo, disparu trop tôt, c'était lui ! Nous connaissons l'acteur de cinéma, ce septième art dont il fut le compagnon doué et occasionnel : sa vraie passion était ailleurs.

Elle n'avait qu'un nom : le théâtre !

Le très beau livre de Hugues Rousset, professeur en médecine interne, stéphanois, et fan de la première heure de Dasté et de sa Comédie de Saint Etienne, m'a fait découvrir de façon exhaustive et très documentée l'homme des planches. Et beaucoup plus que cela : un homme, un parcours, une formation, une expérience, des exigences, des convictions.

Une époque, aussi : celle du théâtre décentralisé, populaire et militant de l'après guerre et de l'avant 68.

Si Jean Dasté avait écrit pour le théâtre, on pourrait le comparer à Molière-dont il joua le grand-père dans le merveilleux « Molière » d'Ariane Mnouchkine. Un bel hommage : c'est le personnage de sa famille qui soutint le plus le jeune Molière dans sa vocation!

Comme Jean-Baptiste, Dasté est gagné très tôt par la passion du théâtre, quitte tout pour le pratiquer : d'abord comme technicien, puis comme figurant et enfin comme acteur , meneur de troupe, metteur en scène, fondateur d'une école d'art dramatique, et directeur d'un grand théâtre populaire.

Comme lui, il fonde une troupe, sillonne les routes de campagne, plante ses tréteaux sur les places des petits villages, couche chez l'habitant, squatte des granges ou des usines désaffectées, recrute et forme ses comédiens en leur faisant pratiquer le mime, l'improvisation, le masque, l'acrobatie, la gestuelle.

Comme lui, il va au-devant du public, explique, défend, échange, discute et ... conquiert la ferveur des simples qui se reconnaissent dans ce théâtre humain, vivant, qui parle d'eux et qui les élève en douceur, sans la moindre condescendance, vers des textes difficiles parfois, des univers dépaysants et des cultures différentes.

La trajectoire de Jean Dasté a pour toile de fond l'expérience de décentralisation initiée, dans l'immédiat après guerre, sur le modèle de la politique culturelle du front populaire qu'avaient incarnée Jean Zay et Léo Lagrange.

Pour que la citrouille devienne carrosse, que la joyeuse troupe de copains devienne une Compagnie digne de ce beau nom –on y partage le pain de la culture et du plaisir scénique- il faut deux fées marraines : deux rencontres décisives.

Dasté fait la rencontre d'un « père » de théâtre : Jacques Copeau, dont il épouse la fille, Marie-Hélène, et d'une « mère » de théâtre –qui sera d'ailleurs celle de toute une génération de metteurs en scène et de meneurs de troupe- , l'extraordinaire Jeanne Laurent, haut fonctionnaire au Ministère de l'Education, au Bureau des spectacles et de la Musique, à la Direction Générale des Beaux-Arts en 1945.

Et roule le chariot de Thespis !

De compagnie en compagnie, des Copiaus itinérants à l'installation dans les locaux de l'Ecole des Mines de Saint Etienne, une route magique et pleine de surprises s'ouvre pour Dasté.

Il fera jouer le rôle d'Ariel dans la Tempête par la jeune Delphine Seyrig, qui sera aussi Chérubin dans le Mariage de Figaro. Il confiera musique et chansons à son gendre, Graeme Allwright, formera des comédiens extraordinaires comme Alain Françon et André Marcon, deux "stéphanois » de souche. Fera découvrir la beauté et la force du théâtre Nô, lancera en France la passion pour Brecht avec son Cercle de craie caucasien, décrié par les ayatollahs de Brecht, Hélène Weigel en tête, mais porté aux nues par le public et joué plus de cent fois !

Les photos de Ito Josué et Louis Caterin sont magnifiques: quelle émotion de découvrir le vrai visage d'un public populaire, attentif, passionné, attendri, sur fond de "crassiers" stéphanois empanachés de fumées.... Josué et Caterin sont aussi des photographes de plateau hors pair: ils mettent des images sur le parcours exemplaire de Dasté à Saint Etienne, leur pellicule va fixer chaque représentation.

Parcours qui va s'interrompre après 17 ans, sans se briser : le théâtre parisien, les mises en scène ésotériques et élitistes, le parisianisme mais surtout la manie administrative et centralisatrice française feront capoter quasiment toutes les expériences de théâtre provincial populaire qui avaient pourtant fait la preuve de leur réussite.

Le vieux baladin continuera seul : il joue dans les films de Truffaut, Costa-Gavras, Resnais, Tavernier, Brisseau…et dans le Molière de Mnouchkine, déjà nommé…

Il ne lâche pas le théâtre – il ne le lâchera jamais : il donne des récitals, en solo ou avec quelques fidèles –lectures, masques, marionnettes, morceaux choisis – sa générosité, sa simplicité son humanité lui vaudront de conserver intacte la faveur de ce public qu'il avait cherché, écouté, compris et ouvert à d'autres horizons.

La récompense, tardive, viendra avec un Molière d'honneur, en 1993, il avait presque quatre-vingt-dix ans mais Dasté n'ira pas : il n'aime pas les hommages. Il s'éteint peu après.

Comme disait Antoine Vitez, l'acteur est un poète qui écrit sur le sable..

Un très beau livre, précis, documenté, un peu trop touffu peut-être et que son souci d'exhaustivité conduit parfois à des répétitions.

Mais un livre plein d'enseignement qui nous dit simplement des choses passionnantes et dignes de réflexion sur les politiques culturelles qui peuvent être la meilleure ou la pire des choses..la plupart du temps, tellement assujetties à des contraintes financières qu'elles deviennent la cinquième roue de la charrette…

Et le chariot de Thespis, avec cinq roues, ça marche beaucoup moins bien, forcément.

Je remercie vivement les Éditions Actes Graphiques et Masse critique de Babelio pour m'avoir offert ce voyage dans le monde du théâtre- que j'adore à ma modeste place de lectrice et de spectatrice!

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Très belle découverte !
Ce beau livre de Hugues Rousset intitulé "Jean Dasté, un homme de théâtre dans le siècle" m'a été offert par les éditions Benoit Aubin / Actes Graphiques dans le cadre d'une opération masse critique. Je les remercie de tout coeur.

Quand je pense que je suis passé à côté de cet homme de théâtre, j'en suis surprise. Car entre théâtre populaire, théâtre éducatif et décentralisation, on lui doit beaucoup. D'ailleurs, à sa mort en 1994, Michel Cournot a titré de façon élogieuse dans le journal le monde : « Vous ne savez pas ce que vous lui devez ».
Je me suis dit que c'était peut être un homme modeste resté dans l'ombre de Jean Vilar alors j'ai fait ma petite enquête.
J'ai interrogé ma marraine qui a 87 ans et qui a vécu à Saint-Etienne dans les années 50. Et elle se souvient très bien de Jean Dasté et des débats sur le théâtre et la culture. Elle a évoqué le Cours Fauriel. Il y a des noms, des lieux qui sont gravés dans sa mémoire. Que d'émotion!
Saint-Étienne était une ville ouvrière, une ville de mineurs et cette ouverture pour offrir le théâtre au plus grand nombre l'a marquée. Ma marraine m'a raconté que les stéphanois étaient fiers de cela car il y avait une forte rivalité avec la bourgeoisie Lyonnaise.
Les théâtres étaient pleins et elle en garde un excellent souvenir. Pour cela, elle rejoint Hugues Rousset pour son exercice d'admiration de Jean Dasté. Grâce à lui une relation exceptionnelle s'est établie entre la population et le théâtre. Entre les spectateurs et les comédiens.
Cette relation unique, Ito Josué et Louis Caterin l'ont immortalisée. Tous les deux ont photographié non seulement le public qui se pressait à « La Comédie » comme au pied des estrades installées par Jean Dasté dans des lieux insolites.
On peut dire que ce livre n'est pas une biographie ordinaire, l'auteur n'aborde l'homme que dans son rapport au théâtre et c'est passionnant. Il retrace son parcours exemplaire tiré de ses propres écrits et d'un long travail d'archives, d'analyse de la presse et de rencontres de ses contemporains.
Et puis c'est aussi une histoire de famille car Jean Dasté à épousé Marie-Hélène, il était donc le gendre de Jacques Copeau son initiateur pour ne pas dire son maitre. Et leur fille Catherine a épousé Greame allwright (chanteur folk que j'adore!) et ils ont tous joué ensemble. Quel belle aventure le théâtre !

Sur la forme j'ai trouvé que ce n'est pas toujours bien écrit mais ce n'est pas grave cela donne un côté témoignage et une sincérité de la part de l'auteur de ce beau livre qui n'est pas un professionnel de le profession.
Le format du livre est imposant et je regrette de ne pas avoir pu l'emporter car il y a beaucoup de textes à lire. Ceci étant j'ai adoré cette découverte et les photos sont magnifiques avec juste un petit défaut elles ne sont pas légendés (elles sont en rapport avec le texte mais la légende est en annexe ce qui rend difficile la lecture. Une petite légende sous la photo est indispensable pour moi). Un sommaire serait aussi bienvenue. Mais c'est vraiment un livre passionnant.




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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Jean Dasté, grâce à Jacques Copeau, a pu apprécier les innovations révolutionnaires des metteurs en scène du Théâtre de Moscou, (Stanislavski, dont Copeau a fait connaître l'ouvrage fondamental: Ma vis dans l'Art et que le jeune Dasté a peut-être croisé en 1922, lors de la visite au Vieux-Colombier) : l'essentiel est l'âme des personnages, leur intériorité , qui s'exprime dans le regard, les silences, le rayonnement de leur vie intérieure, au sein d'une atmosphère suggérée par les sons, (par exemple les bruits de la campagne dans l'Oncle Vania), les décors, le physique des personnages ou de façon plus abstraite (Meyerhold).
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C'est grâce à une recherche et à un travail commun, en respectant la personnalité de chaque acteur, que l'on crée un style original. Les comédiens ont besoin de se soutenir, de s'aider, de s'inspirer les uns les autres, de trouver et de créer ensemble. Rien ne remplacera pour le public, la cohésion d'une troupe. Le public populaire aime revoir une troupe unie par un style de travail. La conquête d'un public est d'autant plus vivante efficace et joyeuse qu'elle est celle d'une équipe.
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Q'appelez-vous "théâtre populaire" ?
C'est un théâtre qui intéresse la large majorité de la population contemporaine et ce dernier point est important : nous nous efforçons de choisir un répertoire qui reflètent les préoccupations d'aujourd'hui, qui témoigne des aspirations, des angoisses, des joies des hommes et des femmes qui travaillent et au milieu desquels nous vivons.
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A propos de Shakespeare:
Le public populaire attend beaucoup du théâtre, il y va comme à une fête. Les sujets particuliers ne l'intéressent que médiocrement. Il aspire à découvrir, sur la scène, de grands personnages dans les conflits qui permettent de révéler les capacités de grandeur ou de déchéance de l'homme. (...) A ceux qui demandent : "Est-ce que le public a compris?", on peut répondre , en reprenant les propos de Michel Saint-Denis, à propos de Hamlet: " Il ne s'agit pas d'une question philosophique. L'important est que le public soit mis en présence d'un spectacle au lieu d'un texte surchargé de commentaires. On intellectualise. Là est l'erreur, la pierre d'achoppement..." La poésie est l'expression d'une réalité profonde, qui participe aux mondes magiques et féeriques auxquels nous convie Shakespeare. Ne sommes-nous pas faits "de l'étoffe de nos rêves"?
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« En 1945, il fallait que la province française participe à la vie théâtrale qui avait connu avant et pendant la guerre un grand renouveau… Cet éclatement de la vie théâtrale hors de Paris correspondait, après les années de guerre au retour exaltant de la liberté. » (Jean Dasté)
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