Neal n'était pas heureux. Il ne l'avait pas été depuis longtemps.
Il ne s'en plaignait pas. Il ne disait pas: «Je suis malheureux». Il portait simplement sa croix, respirait son malheur, le maintenait entre eux. Il roulait sur le côté en dormant pour y échapper.
Personne ne trouverait jamais Neal particulièrement animé ou expressif. Les expressions de son visage ne reflétaient pas ses pensées, ce qui forçait Georgie à cataloguer chaque mouvement, chaque battement de cils afin de déchiffrer leur signification. Cela lui semblait représenter une excellente activité pour occuper le restant de ses jours.
- C'est ça, l'amour, Georgie: une garantie contre les dégâts accidentels.
- "Tout finit par s'arranger." Peu importe pour quoi. C'est vrai pour tout. Je sais que tu te sens horriblement mal en ce moment; tu es en plein dans le creux de la vague. Et ça va probablement aller de mal en pis. Mais le temps guérit toutes les blessures, Georgie, sans exception. Il faut juste que tu traverses la tempête, que tu survives et que tu laisse le temps au temps.
On inventera ce qui nous suffit ensemble.
On ne sait pas ce que s’immiscer dans la vie de quelqu’un et y demeurer signifie. On ne voit pas tous les liens qui vont se créer, la manière dont on sera intrinsèquement imbriqués, ni l’impression que nous fera l’idée de se séparer cinq, dix ou quinze ans plus tard. A présent, lorsque Georgie pensait au divorce, elle s’imaginait allongée à côté de Neal sur deux tables d’opération séparées, tandis qu’une équipe de médecins essayait de démêler leurs systèmes vasculaires.
Comment est-ce qu'on sait si l'amour est suffisant ? C'est une question idiote. Si je tombe amoureux, si j'ai cette chance, qui suis-je pour demander si c'est suffisant pour me rendre heureux ?