Pluie
A l'orée du jour chuchote une pluie douce
Chaque goutte d'eau semble encore hésiter
puis s'enhardit Les doigts nombreux de l'averse
tambourinent légèrement la terre qui avait soif
Renverser le visage laisser la pluie ruisseler
sur le front les joues boire les gouttes d'eau
fermer les yeux et ne plus rien désirer d'autre
( Hôpital Marie Lannelongue, 6 juin 1983)
La nuit l'été passé minuit
quand un peu de frais monte
on entend respirer doucement la terre
Elle avance à pas de chat dans le ciel
Si tu sais caresser le pré
dans le sens de l'herbe du temps
la terre ronronnera toupie amicale
Tant
Tant je l'ai regardée caressée merveillée
et tant j'ai dit son nom à voix haute et silence
le chuchotant au vent le confiant au sommeil
tant ma pensée sur elle s'est posée reposée
mouette sur la voile au grand large de mer
que même si la route où nous marchons l'amble
ne fut et ne sera qu'un battement de cil du temps
qui oubliera bientôt qu'il nous a vus ensemble
je lui dis chaque jour merci d'être là
et même séparés son ombre sur le mur
s'étonne de sentir mon ombre qui l'effleure
Septembre
A la fin de septembre les étoiles refroidissent
et il y a dans le pré une odeur de pommes trop mûres
J'aimerais que la mer qui voyage sans cesse
m'écrive une lettre de sel très blanc avec juste une ombre de mélancolie
où elle me parlerait de pays très lointains et de rivages verts
une lettre pour l'automne nous la lirions sous la lampe
parce que les journées raccourcissent au moment des vendanges
et que l'océan est loin malgré le vent qui nous en parle
J'ai monté des bûches et le petit bois pour allumer le feu
et je regarderai la flamme danser sur tes pommettes
OISEAUX
Le trou dans le cerisier
semble le chas d'une aiguille
Le couple de moineaux friquets
s'y faufile comme des anguilles
Qu'il serait bon d'être comme eux :
Ceux qu'on aime au secret du nid
de grandes ailes dans le ciel
et puis se cacher tout petit
18 juin 1883
Quand on marche le soir à la lisière du temps
il monte soudain une bouffée d'enfance
les cris d'hirondelles folles d'un préau d'école
ou le silence de la barque sur la rivière
à la tombée du jour quand le soleil rase l'eau qui moucheronne
ou bien la sonnette ( deux fois) de l'épicerie-mercerie
où on achète après l'école les rouleaux de réglisse Zan
qui barbouillent de noir et font les doigts collants
On tend l'oreille le long du voile de la brume
Quelqu'un parle à voix basse
sans qu'on puisse reconnaître la voix
et sans comprendre les paroles
les mots chuchotés loin à l'envers du silence
Et toi, petit soleil de mon système solaire
mon attentive, ma douceur, ma très forte, ma très fragile,
ma tendresse, ma relation, ma relative,
toi l'absolu intermittent dans le relatif familier
de l'instant qui parfois échappe au temps
toi que je nomme ma vie vivante (Le Haut Bout)
pluie
Il a plu cette nuit. L'eau parlait au pluriel
tambourinant le toit, débordant la gouttière,
s'enfonçant dans l'herbe avec un bruit de pas
giflant à bras d'averses les buissons ruisselants
L’eau dans l’eau
Avec une clef de cristal
ouvrir une serrure de givre
entrer dans le temps
qui n’est pas le temps
comme de l’eau pure
versée dans l’eau pure
en enlevant les fils des haricots verts.
A la fin du jour avec la dernière lumière
assis autour de la toile cirée, sur la table de la cuisine
ôter les fils des haricots verts
un grand saladier pour mettre ce qui est bon
et un vieux journal pour jeter les extrémités
qu'on casse, en entraînant le fil qui n'est pas bon.
(note de charlotte lit : la suite est savoureuse ..... un génie )