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Critique de Jean-Daniel


Prix Goncourt en 1996 pour un premier roman, ce n'est pas fréquent, et celui-ci ne ressemble en rien aux romans traditionnels. Le jury du Goncourt renoue avec sa vocation première qui est de couronner des écrivains en début de carrière, bien que cela soit rarement le cas.

Le personnage principal, Laura Carlson, souffre de ne pas avoir connu son père et part à la recherche de son passé, même avant sa naissance.

Dès les premiers mots, la scène est envahie d'un bruit sourd et répété. Laura Carlson va se trouver confrontée d'une façon obsédante à l'avion japonais qui en 1944 est à l'origine du décès de son père et cette obsession va tourner à l'hallucination auditive.
« Dès le matin, avant même que le soleil se lève, le chasseur se met en route. Tout habillé de noir, sa charge mortelle arrimée au ventre, il démarre. Le moteur vrombit dans le silence de l'aube. L'hélice tourne. L'avion s'ébranle, feux éteints, roule sur la piste, lève le nez, commence son ascension. D'une poussée régulière, il monte jusqu'à cinq mille mètres, se stabilise. le jour est levé. de la mer et du ciel, des quatre bords de l'horizon le chasseur est en vue. Je m'appelle Laura Carlson. »

Laura Carlson grandit à Paris dans un monde de silence entre une mère alcoolique, dépressive, et repliée dans ses souvenirs depuis la mort de son mari, et des grands parents autoritaires et austères. Son père, qu'elle n'a pas connu, est un sujet tabou qu'il est interdit d'évoquer. Laura va devoir découvrir par elle-même la vérité en se livrant à des lectures sur la guerre du Pacifique et le journal intime d'un kamikaze japonais.
L'héroïne, Laura Carlson, est la narratrice de ce récit, le lecteur est donc au coeur de ses pensées et de ses gestes. La narration à la première personne conforte l'impression d'intimité entre l'auteur et le personnage.
Mais c'est également l'histoire d'un kamikaze, responsable de la mort de son père. Laura lit fiévreusement son témoignage qui l'envoute au point d'entrer dans sa vie et de sans cesse la pourchasser jusqu'à installer en elle un bourdonnement quasi permanent, une forme d'acouphène qui symbolise la mort qui rode. Ce bruit lancinant est celui de l'avion suicide plongeant sur le cuirassé. Il envahira les oreilles de Laura au point de l'anéantir et de la plonger dans une sorte de folie.

La recherche d'elle-même, à travers l'identité de son père absent, tourne à l'obsession du chasseur zéro avec qui Laura s'invente malgré elle une relation hallucinatoire passionnelle, envoutante et destructrice. Il est toutefois compliqué pour le lecteur d'adhérer à cette passion amoureuse morbide et malsaine. Nous assistons au naufrage de cette jeune femme, mais il parait difficile d'avoir de la compassion ou un semblant d'affection pour Laura tant il est malaisé de comprendre sa folie. Mais peut-on comprendre et expliquer la folie ?

Ce court roman, aux phrases brèves et au vocabulaire simple, à l'ambiance lourde et jalonnée d'obsessions, est assez sombre et dur ; l'auteur avait rencontré quelques difficultés pour se faire publier.
François Nourissier, qui venait de succéder à Hervé Bazin à la présidence de l'académie Goncourt, avait fait pencher la balance afin que "Le Chasseur Zero" l'emporte. Le style concis rend la lecture facile, souvent fluide et parfois agréable. Est-ce suffisant pour se voir décerner le Goncourt ?
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