Dessine-moi une Europe qui fait envie

Indiquer que l'Espagne est un pays fondateur, que Tony Blair est un ancien chef d'Etat et que la Suède bénéficie comme le Danemark d'un opt-in sur l'Euro n'accrédite pas de compétences politiques pointues.

S'appuyer sur l'aura d'Helmut Schmidt quand il parle de solidarité et proposer de retirer de l'Europe les pays « en retard » ne témoigne pas de performances logiques exceptionnelles.

Suggérer une cure d'austérité à Bruxelles et peu après de donner cent euros aux électeurs qui se déplaceront pour donner leur avis sur un nouveau traité est, disons, audacieux.

Insister sur les racines chrétiennes de l'Europe tout en louant l'alliance de l'Allemagne avec son voisin laïque français ne témoigne pas d'une grande capacité de réflexion.

Prétendre changer les dirigeants européens en « leaders », mot tellement plus séduisant que dans sa traduction allemande, semble a priori plus dangereux que prometteur.

Vouloir faire l'Europe, c'est-à-dire surmonter des difficultés politiques inhérentes à l'alliance de nations constituées en proposant un programme nationaliste (hymne et drapeau européen, journée nationale, président et gouvernement de l'Europe, identité « comme aux Etats-Unis », etc) ne révèle pas une pénétration d'esprit hors normes.

Et comme toujours dans la majorité des essais sur l'Europe, louer la démocratie s'accommode assez mal de décisions péremptoires sur les méthodes à adopter sans prévoir de mode de consultation des populations (je mets de côté le fait de payer les électeurs).


Deux questions se posent : pourquoi Jean-Claude Trichet, qui a bien dû tiquer sur une austérité européenne qui passe par la distribution de billets de banque, a-t-il préfacé cette sommité de bêtise ? Pourquoi Hubert Védrine, qui doit bien savoir qu'il faut se méfier d'un politique qui propose de payer ses électeurs pour devenir leur Fü.. oh pardon, leur leader, c'est tout à fait différent, a-t-il accepté d'intégrer dans ce texte une interview de lui (questions bateaux, réponses bateaux) ?

Il est vrai qu'avec un titre à la Saint-Exupéry, un épilogue nommé « Eurofiction » et un narrateur homodiégétique omniprésent (moi je, moi je, moi je), l'auteur manifeste un goût certain pour le romanesque plus prononcé que pour le raisonnement.