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Critique de Takalirsa


Ce qui m'a attirée vers ce livre, c'est d'une part le personnage de Maud, seule femme évoluant dans un monde d'hommes, et d'autre part un autre roman du même auteur que j'ai beaucoup aimé : « Le collier rouge ». Cependant je n'ai pas été autant emballée par « Check-point » que par ce dernier.

Certes j'ai accroché à l'héroïne, engagée dans « cette vie bizarre que sa famille ne comprenait pas » (l'humanitaire) et qui s'efforce de gommer toute féminité parce qu'elle déteste « susciter les regards de désir des inconnus ». Appartenant à l'ONG lyonnaise « La Tête d'Or », elle se retrouve au milieu d'un groupe disparate chargé de livrer des secours (vivres, médicaments, vêtements) dans la Bosnie en guerre de 1995. Maud n'échappe pas aux sarcasmes : « Elle qui fuyait le machisme, elle avait l'impression d'être tombée dans le pays du monde où il régnait en maître absolu. Si au moins ses compagnons l'avait acceptée comme l'un des leurs... ». Parmi ceux-ci, il y a Lionel qui joue les petits chefs et cache mal son attirance pour elle, Vauthier le solitaire antipathique, qui affiche ouvertement son aversion pour les deux anciens militaires Marc et Alex. Beaucoup de tension donc, notamment au moment de passer les « check-points », ces « séparations invisibles et mouvantes entre zones ethniques, obéissant à l'autorité de petits chefs locaux ». D'autant que le chargement d'un des deux camions comprend un élément non prévu, introduit illégalement par l'un d'entre eux...

Une fois le secret dévoilé, la menace interne au groupe se mue en danger externe : il faut désormais faire face ensemble, être soudés, et les cinq convoyeurs deviennent une équipe. Les personnalités se révèlent, les rapports évoluent. Mais des imprévus sur la route vont raviver le malaise et exploser le quintet, transformant peu à peu le convoi humanitaire en chasse à l'homme. Cependant j'ai trouvé qu'à partir de ce moment, les nombreuses confidences des uns et des autres rendaient les personnages un peu trop transparents : ils perdent en nuance et en mystère. Et de manière générale, l'écriture de l'auteur est peut-être trop limpide : les tenants de l'intrigue sont faciles à suivre, mais il m'a manqué un petit quelque chose pour véritablement y adhérer... Plus d'ambiguïté, de flottement dans les comportements peut-être, parce qu'au final la situation s'y prête : dans un contexte de guerre, difficile de trancher clairement entre le camp des « bons » et des « mauvais », les règles et les réactions étant forcément différentes.

On a tout de même quelques réflexions intéressantes sur ce thème, comme le fait que dans cette région pluri-ethnique aux frontières constamment redessinées, les gens se retrouvent bien souvent à se battre contre leurs voisins... Réflexion sur les relations humaines également : « Vauthier était antipathique, veule et grossier, mais était-ce une raison pour le traiter avec violence ? Ils se souvenaient du combat avec Marc et se disaient que la guerre commence comme cela ». Réflexion sur l'engagement humanitaire, enfin : « L'humanitaire, pour elle, c'était des victimes implorantes et des gens courageux et désintéressés qui venaient les secourir. Au lieu de ça, elle trouvait des êtres faibles, veules, murés dans leur haine. » Il est vrai qu'il n'est pas simple de mettre des visages sur les réfugiés, ces « êtres irréels ». Vrai aussi qu'en secourant les autres, certains flattent leur ego, agissant davantage pour l'image d'eux-mêmes que pour les victimes...

Et pourtant, c'est dans ce contexte particulier que Maud va tomber amoureuse pour la première fois : « Elle ne s'était ouverte à l'amour que dans cette ambiance de danger et de combats où elle prenait sa part, où les rôles sociaux et sexuels étaient bouleversés, libres. Tout était brutal dans ce qu'ils vivaient et leur amour lui-même avait le caractère violent de cette guerre ». Point de vue qui m'a semblé un peu incongru, mais pourquoi pas. La fin réserve plusieurs rebondissements sympathiques, bien qu'une fois encore, elle soit presque trop idéalement romanesque étant donné le contexte : « Sur ce champ de ruines, la rencontre de [chut !] et de Maud était le seul édifice qui se soit bâti ».
Un ensemble agréable à lire.
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