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3,7

sur 1724 notes
Jean-Christophe Rufin écrit sur son pèlerinage de Compostelle. J'aime l'auteur, j'aime la marche, je cède au succès de librairie, j'achète, je lis.
Je me régale.

J-C. (nommons-le ainsi) attaque avec un peu de morgue; "facile pour un alpiniste comme moi"; cool au début: beau paysage, solitude. Mais ça s'allonge, ça dure, ça s'arrête pas! La douleur s'insinue puis crie dans tout son corps, et faut pas lâcher, et le paysage n'aide souvent pas (bord d'autoroute, pipeline, banlieue crade, bord de mer bétonné).
Et son état d'esprit évolue, ses pensées commencent par s'effilocher, le vide s'installe dans sa tête, l'esprit religieux en profite pour s'installer avant d'être chassé par une spiritualité plus personnelle et un état que J-C. décrit comme proche du Bouddhisme. Ses descriptions sont très détaillées, et pourtant reconstruites à partir de souvenirs car Môssieur n'a rien écrit en route (ce sont les éditeurs Guérin qui l'ont convaincu). Correspondent-elles à la réalité du moment du coup? Sais pas...
Et il rencontre des gens rigolos (ou pas), des dragueurs et leur proie, des dragueuses dont il est la proie, des types plus ou moins bourrés qui se débrouillent toujours pour faire l'étape plus vite que lui, des moines convertis aux lois du marché, des chasseurs de photos qui circulent en bus, sa femme qu'il arrive à paumer sur ce qu'il croit être un raccourci...

Je suis moi-même marcheur, à un moindre niveau. Mon truc c'est plutôt les marches de nuit de 50km environ, genre Paris-Mantes. Et j'ai trouvé jouissif de retrouver des sensations ou réactions chez J-C. A moi aussi on me demande toujours "mais bon sang pourquoi tu fais ça? Y'a rien à voir la nuit! T'es maso ou quoi?" et moi non plus je ne sais pas vraiment quoi répondre. Moi aussi je suis dévoré par la douleur (car je ne suis jamais assez entrainé hé, hé!), sent le vide envahir ma tête et essaie de tenir bon jusqu'à l'arrivée où (quand je l'atteins) où je me dit qu'on ne m'y reprendra plus... et pourtant j'y retourne. Mais ce que je ne connais pas c'est la reproduction de ces sensations sur la durée. Moi après une nuit de galère je retrouve mon lit et c'est fini. Là il faut recommencer chaque matin. Gasp!

Faudra que je tente ce pèlerinage un jour... Ça me trotte dans la tête depuis longtemps. le plus dur c'est de dégage assez de temps...

Un livre qui m'a procuré une émotion proche de la complicité. Rien que pour ça ça valait le coup.
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Une belle aventure humaine, un aventure intérieure sur le célèbre chemin de Compostelle. Jean-Christophe Rufin nous raconte ce pan de vie de 800 km.
Il ne nous explique pas comment organiser le voyage, ce n'est pas un guide. Il nous raconte ses souvenirs, ou en tout cas une partie. Il nous emmène sur ce chemin du Nord, mais il nous emmène surtout dans ses pensées, ses sentiments, ses ressentis, ses émotions. Avec ses bons et ses mauvais côtés, cette aventure n'a pas pour but de convaincre le lecteur à la croyance, ni à le pousser à suivre ce Chemin, c'est juste un partage de souvenirs.
Le Chemin est une grande aventure avec soi-même. Et finalement, le point de départ et le point d'arrivée sont-ils vraiment importants ? L'essentiel est dans le chemin...
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Jean-Christophe Rufin a répondu à l'appel mystérieux et envoutant du Grand Chemin : le voilà parti rejoindre à pied Saint-Jacques de Compostelle par l'une de ses nombreuses variantes : huit cents kilomètres « le long des côtes basque et cantabrique, à travers les montagnes sauvages des Asturies et de Galice ». Et si quelqu'un lui demande pourquoi une telle folie, il répond, sibyllin, nébuleux : « On est parti, voilà tout ».

Un livre qui démystifie le grand Pèlerinage : vous ne suivrez pas des Chemins chargés de merveilleux, de légende, de magie et d'histoire, mais des chemins qui ressemblent à tous les autres chemins. Ils sont caillouteux, herbeux, goudronnés, boueux. Ils grimpent des montagnes, traversent des forêts, s'attardent au milieu des champs, longent des autoroutes, s'arrêtent au milieu d'une ville, s'enfoncent dans de cauchemardesques zones industrielles ou pavillonnaires. Vous rencontrez parfois le merveilleux au moment où vous vous y attendez le moins : en caressant du bout des doigts de vieilles pierres qui vous chuchotent mille histoires, en vous réfugiant sous un arbre vénérable, en partageant votre souffrance avec d'autres jacquets, en admirant un paysage beau à vous couper le souffle, en cueillant un fruit juteux, en vous perdant dans le regard bienveillant et ironique d'une vieille dame…

Un livre joyeux, cocasse, cabotin (dans le très bon sens du terme), qui décrit la lente métamorphose du marcheur en quelque chose qui ressemble à un clochard céleste. Et si c'était cela le miracle de Compostelle ? Vos millions de pas qui viennent s'ajouter à ceux des autres depuis mille ans ; votre modestie, votre petitesse face à la démesure qui vous entoure ; votre monde que transportez sur votre dos, et que vous allégez d'étape en étape parce qu'il est encore trop lourd ; cette forme de sagesse que vous parvenez bien malgré vous à acquérir au fil des kilomètres ; cette somme de sueur et de souffrance que vous trainez derrière vous ; ces rencontres improbables et inoubliables que vous faîtes au détour d'un chemin ou dans les dortoirs surpeuplés réservés aux jacquets…

Que reste-t-il de tout cela une fois votre vie d'avant retrouvée ? Quelques souvenirs fugaces, bons ou mauvais… Un sentiment, non d'orgueil, mais de fierté… Et cet appel lancinant qui vous demande de reprendre la route…
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Je connais pas mal de marcheurs de Compostelle qui n'ont pas aimé ce livre car ils trouvent que Jean-Christophe Rufin est trop donneur de leçons. pour ma part, j'ai apprécié son cheminement intérieur qui évolue au fil des kilomètres.

Il part sans trop savoir pourquoi, il donne l'impression de revenir comblé. Et c'est bien l'intérêt de son livre que de suivre l'évolution de sa pensée, de sa réflexion métaphysique, de son approche religieuse.

Son épopée est une oeuvre littéraire ce qui n'est pas le cas de tout ce qui a pu être écrit sur le chemin. Je trouve aussi que le texte est d'une longueur appropriée. Ainsi, cette méditation personnelle de Rufin entrera et pourra demeurer dans la mémoire du lecteur même s'il ne partage pas tous ses points de vue.
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Après le chemin de « Dolce agonia », douce agonie, que j'ai suivi lors de ma précédente lecture, j'ai suivi pas à pas l'immortelle randonnée de Rufin, sur le chemin de Compostelle.
Ce fut une lecture pleine d'humour et mâtinée de réflexions personnelles, autant pour l'auteur que pour moi.


Rufin, ancien ambassadeur de France au Sénégal, académicien, reconnu par les Grands de la littérature, s'est « abaissé » au rang de simple marcheur, s'est dépouillé de tous ses oripeaux de célébrité et de richesse pour se plier à la dure loi du « Chemin », comme on dit.
Ne parlons pas des maux de dos, de pieds, de la fatigue, de la saleté, des nuits peuplées de ronflements...
Citons plutôt les différentes étapes par où passe le pèlerin : d'abord exaltation, ensuite découragement, puis mysticisme exacerbé suivi d'un détachement de pur bouddhisme, et à la fin...une grande fatigue et une fierté immense d'avoir parcouru 800 km depuis Hendaye jusqu'à Santiago de Compostela, en suivant « El camino del Norte ». Celui-ci traverse San Sebastian, Bilbao, Santander, Oviedo, Lugo, où le rejoint « El camino francés », parallèle au premier mais beaucoup plus usité.
En quête de solitude et de méditation sur lui-même, Rufin n'a pas été récompensé tout le temps, notamment en Cantabrie, où le Chemin côtoie d'innombrables pavillons de banlieue, des routes rapides, des usines... Les Asturies par contre l'ont enchanté par leurs forêts profondes et leurs grands espaces.
La ville de Santiago elle-même l'a déçu par son tourisme de masse et ses marchands du temple.


Si vous désirez partir pour ce grand voyage intérieur et social qu'est le Chemin de Compostelle ( social car il ne faut pas négliger les rencontres avec les autres pèlerins et avec les religieux les accueillant dans leurs monastères, ainsi qu'avec les tenanciers des auberges), je vous recommande ce livre, car les clichés tombent et les yeux se dessillent.
Le vrai convaincu du bien-fondé du Chemin y trouvera envers et contre tout la confirmation de ce qu'il désire ; celui qui veut faire du tourisme, par contre, sera dégoûté de ce pèlerinage pédestre.


Moi, ce que je retiens, comme Rufin lui-même, d'ailleurs, c'est la « philosophie de la mochila », càd du sac à dos: « le poids, c'est la peur », donc allégeons notre sac à dos le plus possible, car si l'on prend beaucoup de bagages, c'est que l'on a peur des aléas du voyage (un bon plan pour faire ses valises quand on part en vacances ! )
« Pendant plusieurs mois après mon retour, j'ai étendu la réflexion sur mes peurs à toute ma vie. J'ai examiné avec froideur ce que littéralement je porte sur le dos. J'ai éliminé beaucoup d'objets, de projets, de contraintes. J'ai essayé de m'alléger et de pouvoir soulever avec moins d'efforts la mochila de mon existence ».


Si ce n'est pas la philosophie du bouddhisme, cela, qu'on me le dise.
Saint-Jacques de Compostelle, un chemin catholique ? Pas que ça ! Un chemin personnel, initiatique.
Et plein d'ampoules aux pieds...
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Je me suis déjà vanté ici des liens d'amitié qui m'unissent à Jean-Christophe Rufin et de mon absence subséquente d'objectivité à commenter ses livres.
C'est avec la même subjectivité assumée que j'ai pris et refermé son journal de bord du pèlerinage de Compostelle. Je l'ai trouvé trop court - alors que j'avais trouvé le grand Coeur trop long. Preuve que je ne suis jamais content !
Comme tous les livres de l'académicien, celui-ci est déjà un best-seller qui truste les premières places des listes des meilleures ventes de l'année 2013 : qu'il traite du terrorisme islamique (Katiba) d'histoire médiévale (Le grand Coeur) ou de marche à pied cantabrique (Immortelle randonnée), Jean-Christophe Rufin rencontre à chaque coup un très large public - dont je me demande s'il s'agit du même public ou s'il varie d'une fois à l'autre.
Ce best-seller sera en plus un long-seller. Comme le grand Coeur qui sera vendu pour les siècles des siècles au syndicat d'initiative de Bourges, Immortelle randonnée sera en bonne place au Vieux campeur et à toutes les étapes du chemin de Saint-Jacques, disponible dans les formats les moins encombrants pour se glisser aisément dans la besace des pèlerins. Joli coup de marketing !

Qui y cherchera un guide de voyage pour accompagner son cheminement le long du chemin de Saint-Jacques sera inévitablement frustré. Sans doute ce carnet de route a-t-il pour cadre le Camino del Norte que l'écrivain sexagénaire mais néanmoins toujours ingambe a arpenté des Pyrénées jusqu'à Saint-Jacques. Mais au fond, Jean-Christophe Rufin y parle autant sinon plus de lui-même que du chemin qu'il parcourt.
Paradoxalement, il n'y met aucune morgue. Ce serait presque le contraire. Loin de se donner le beau rôle, il se donne le mauvais non sans masochisme : ampoule aux pieds, insomnie, ronflement des compagnons de nuitée, rien ne nous est épargné des tracas quotidiens du grand marcheur.
Les jaloux y verraient de la fausse modestie. Il n'en est rien. Rufin est dans ses livres comme il est dans la vie : curieux de tout et solitaire, ronchon et enthousiaste, sportif et hypocondriaque ... Tout est résumé d'une phrase : "En partant pour Saint-Jacques, je ne cherchais rien et je l'ai trouvé".
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Des les premières pages, j'ai senti poindre plaisir et jubilation!

Pour moi qui jamais ne ferai le chemin de Compostelle, par paresse et/ou par manque de spiritualité, il était intéressant de mettre en perspective le point de vue forcement littéraire de Jean-Christophe Rufin et des courageux Jacquets de mon entourage qui ont tenté l'aventure.

Groupie fidèle de l'auteur depuis ses premiers livres, cette lecture fut une très agréable récréation. J'en ai savouré comme d'habitude l'écriture fluide, et me suis régalée de l'humour, de la sympathique ironie, de l'autodérision qui autorise la critique, et du ton légèrement condescendant, peut être involontaire, mais qui a du faire grincer quelques dents de piétons médiévaux.

Le Chemin est un voyage en compagnie de soi, une expérience personnelle qui ouvre à la réflexion. Au retour "civilisé", les réminiscences du marcheur s'attachent à l'essentiel, avec poésie, intelligence et humilité.

Chacun fait son chemin comme il l'entend!
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Mourant d'envie d'un grand bol d'air sans attestation (entre deux repas de fête, ça ne fait pas de mal), j'ai malgré moi suivi Rufin dans sa randonnée mortelle. C'est un moment assez solennel pour un marcheur, celui d'entamer les chemins. En ce lieu paradoxal, de solitude autant que de de rencontres, le pèlerin sera aussi prisonnier de son corps douloureux, que libre dans sa tête. Chacun s'y engage pour ses raisons, en quête de choses variées, et y trouve d'autres surprises et bonnes raisons d'y revenir. Mais la question : « Pourquoi avoir eu envie de cheminer ? », la plus intéressante finalement, la plus révélatrice des besoins de notre société, ne se pose pas, entre pèlerins. Outre le fait que la réponse est éminemment personnelle, elle est également complexe et plurielle pour une rencontre minute. En bref, c'est une longue histoire. Ce qui est sûre, c'est que les longues histoires de tout le monde se retrouvent à cheminer ensemble et se croisent ici, sur ces fameux chemins de Saint Jacques de Compostelle.


« Comment s'étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s'appelaient-ils ? Que vous importe ? D'où venaient-ils ? du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l'on sait où l'on va ? Que disaient-ils ? le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut. »
Diderot, Jacques le Fataliste.


Alors il ne reste plus qu'à se demander « d'où tu viens ? », et à se souhaiter « Bon camino » ! Car même si l'on s'y croise, tous les chemins, mènent-il à Saint Jacques, ne se ressemblent pas. Ici, « chacun sa vie, chacun son chemin ». Même si vous le faites en groupe, même si chacun décide de rester au rythme des autres, que vous vous arrêtez visiter les mêmes endroits, boire aux mêmes fontaines sous le même soleil de plomb, dormir dans les mêmes auberges en subissant les mêmes ronfleurs, même si vous traversez les mêmes ruisseaux, tombez dans la même boue, vous faites courser par les mêmes vaches par temps d'orage avec votre imper rouge, prenez les mêmes fou-rires, vous abritez sous les mêmes rochers, partagez la même fiole de verveine (pas la tisane) pour vous redonner du coeur au ventre quand il est 14 heures, que vous n'avez rien mangé depuis 6 heures ce matin et que, pour des raisons trop longues à énumérer ici, vous n'avez, pour une fois, rien à manger dans aucun de vos sacs si minutieusement répartis ; même si vous avez partagé les mêmes discussions et pris les mêmes photos, malgré tout cela : Vous n'aurez jamais fait le même chemin que votre voisin. Car, outre le fait que chacun voit et ressent ce qui l'entoure au regard de son vécu et sa personnalité, le vrai chemin de Saint-Jacques de Compostelle est intérieur.


Vous suivez les mêmes petits cailloux, les mêmes marques colorées, les mêmes coquilles jacquaires. Mais au fond, vous êtes seul dans votre tête et dans votre corps. Et c'est ce qui rend votre périple unique, et l'expérience merveilleuse. Vous contre vous même. Tout contre, même.
Pour cette raison on est souvent déçu de lire l'expérience des autres : On s'attends à ce qu'ils mettent des mots sur ce que nous avons vu ou ressenti, alors qu'ils ne peuvent décrire que leurs propres visions et sentiments. J'avais lu le témoignage "En avant, route !" d'Alix de Saint André, dans un style complètement autre, que j'avais beaucoup aimé sans m'y retrouver totalement. Ici encore, je n'ai pas pu m'identifier entièrement au récit de Jean-Christophe Rufin qui, au surplus, n'a pas pris le même chemin que moi. Mais à travers quelques expériences communes à tous les pèlerins, nous partageons néanmoins des sensations dans lesquelles vous vous retrouverez peut-être aussi, ou qu'il vous plaira d'expérimenter, en livre, ou en vrai. Ce récit a donc été un bon bol d'air pur. J'ai cheminé loin et longtemps avec l'auteur. Ça fait quand même du bien ! Si vous voulez vous mettre en jambe avant de partir à votre tour, vous pouvez dévoiler le sentier masqué :





« Oui, sans doute je ne suis qu'un voyageur, un pèlerin sur la terre ! Et vous, qu'êtes-vous donc ? » (Les souffrances du jeune Werther, GOETHE)


Et vous, une expérience des chemins ? Une envie ?
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Avant de chausser les crampons et crapahuter les chemins de campagne, avant même de prendre la décision de quitter le confort douillet de mon canapé marron (celui-là même où je bois mes tendres binouzes et où je lis mes romans en tenue d'Adam), j'ai besoin de faire le point. Sur ma vie, sur mes envies. Mettre les idées au propre, la volonté sur papier. Savoir le pourquoi, trouver le où, réfléchir au quand et définir le comment. Un tel voyage, une telle expédition, cela ne s'improvise pas, cela nécessite mure réflexion, de nombreuses questions s'entrechoquent dans ma tête, de plus en plus lourde, il me faut une bière. C'est à ce prix-là que se font les plus grandes aventures humaines.

Remplir le sac-à-dos de choses uniquement utiles. Un marcheur professionnel saura à l'avance faire la distinction entre le futile ET l'indispensable. Je crains que pour ma part, je risque rapidement de crouler sous son poids, comme le novice que je suis. C'est que quand j'y réfléchis (et réfléchir me donne mal à la tête, sauf si je bois une bière en même temps), tout me parait essentiel : caleçons et tee-shirts, des paires de chaussettes pas trop trouées, un décapsuleur, un tire-bouchon, un recueil de nouvelles de Bukowski, un bloc-note, quelques boites de préservatifs et une paire de chaussures pas trop neuve, solide et adaptée à mon pied gauche plus large que mon sabot droit, un pack de bières – ou deux.

Bon, le sac-à-dos est une chose réglée. Après tout, je ne vais pas trop me prendre la tête pour quelques poids supplémentaires sur mes épaules, larges et musclées. D'ailleurs, une fois que j'aurais fini les canettes de bières, elles pèseront moins lourdes, une fois que les préservatifs seront usagés, ils partiront à la poubelle des déchets non recyclables ; et le sac n'en deviendra que plus léger. Maintenant, alors que la nuit tombe et que les étoiles me font des clins d'oeil, le parcours à définir : autre prise de tête, il me faut une nouvelle bière.

La question de la route est plus épineuse qu'elle n'y parait et prête à diverses interprétations. Il y a le puriste que je suis qui voudrait faire le plus long parcours qui soit. Et puis, il y a le côté pragmatisme qui me susurre à l'oreille de ne démarrer le chemin qu'à partir de la frontière espagnole. (Après tout, il y a bien des bus qui amènent les touristes aux portes de Compostelle). Ce n'est déjà pas si mal, m'entends-je dire. Coupons le saucisson en deux, si je partais de Vézelay ? Mon côté spirituel apprécie de démarrer par ce symbole, mon côté sportif est à son comble. Ok, pour le point de départ. Mais rien ne sert de partir à point, si tu ne vois pas la ligne d'arrivée (célèbre dicton récité après la troisième bière). Deux grandes routes s'offrent à moi : la version centre qui traverse les montagnes ou la version côte pour admirer le cadre sauvage et décharné du Pays Basque espagnol. Je ne demande pas aux spécialistes, il y a les pour et les contre, comme toujours, impossible à départager. Je sens que cela va se jouer à la courte-paille, à moins que… à moins que… il me faut encore une bière pour prendre cette décision.

A la quatrième bière, je deviens plus serein. La route de Saint-Jacques ne me fait plus peur. Je croise en chemin Jean-Christophe Rufin qui me parle de son Compostelle. Malgré moi, je l'écoute, je le suis, je bois ses paroles. Nous sympathisons. Il a tant à dire sur son chemin, sur cette aventure qui l'a transformé, sur les grosses teutonnes qu'il a croisé en route et sur les massages qu'elles auraient pu lui faire. Belles grosses teutonnes. Rêve ou cauchemar, il les revoit encore toutes les nuits avec leur sourire si coquin et avenant. Et moi donc. Faut oublier l'ami, je t'offre une bière ? Mon premier Rufin ne sera donc pas un roman, mais une oeuvre mi-philosophique mi-carnets de voyage. Ce n'en reste pas moins une grande expérience. Même pour raconter la banalité d'une promenade le long des autoroutes basques, entre dépôts et usines, sa plume reste belle, sa vision optimiste et son envie de partager intacte. J'ai commencé donc par Compostelle malgré moi, mais je poursuivrais certainement d'autres voies avec son écriture.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Jean-Christophe Rufin, le médecin, l'écrivain, le diplomate, s'engage sur le chemin de Compostelle dans sa partie espagnole et en empruntant la voie du Nord, celle qui longe la Côte Atlantique depuis Hendaye jusqu'à Saint-Jacques-de-Compostelle.

Chemin faisant, il évoque ce changement de condition, cette transformation de l'homme civilisé en pèlerin, sale, fatigué, faible et fort à la fois :

"C'est par de telles expériences que l'on mesure sa nouvelle faiblesse, qui est une grande force. On n'est plus rien ni personne, seulement un pauvre pèlerin dont les gestes sont sans importance."

Il rencontre également l'humilité : "Un pèlerin n'arrive jamais nulle part. Il passe, voilà tout" ; "Je comprenais combien il était utile de tout perdre, pour retrouver l'essentiel", mais aussi temporairement une certaine spiritualité : "Heureux d'avoir reçu la révélation de la dimension spirituelle du Chemin au moment où je commençais à sentir ma motivation décliner".

Et tout au long de cette marche, il nous fait part de ses réflexions jacquaires.

A mon avis :
Drôle de pèlerin que celui-ci... Un pèlerin vagabond j'allais dire, dans le mauvais sens du terme... ou un pèlerin clochard peut-être.

Au fil du récit, et notamment dans sa première moitié, il n'est question que de critiques sur tout ce qui ne fonctionne pas ou sur l'attitude des personnes qu'il croise sur le Chemin. En bon parisien stéréotypé, rien ne trouve grâce à ses yeux. Pas d'indulgence et des à priori sur la propreté, l'accueil, la vie des gens qui bordent le Chemin, qui en ont fait un mode de vie et en vivent parfois.
Ce sont d'ailleurs ces à priori qui lui font parfois rater des lieux et des rencontres qui font toute la beauté de ce chemin.

Quant à lui, pour une raison que j'ignore, il considère que le pèlerin est forcément sale et pitoyable. Alors il le cultive. Ou bien son manque d'hygiène et de respect de lui-même trouve-t-il une justification dans cette idée préconçue que le pèlerin est forcément un pauvre hère.

Ainsi, c'est une approche bien particulière du Chemin de Compostelle que nous propose J.C. Rufin. Pas de celles que j'ai pu recueillir en me documentant sur les expériences de ceux qui l'ont également parcouru.
Sans doute parce que "Le Chemin est à tous mais chacun s'y découvre lui-même."
Alors, il manque des pans de ce pèlerinage : l'expérience de cette longue marche et ses effets sur le corps et l'esprit, mais surtout l'expérience des rencontres. A croire qu'il s'est comporté comme un sauvage (à l'exception près de la rencontre avec une jeune femme dont il parle sur quelques pages, même si c'est avec une certaine suffisance...).

Et finalement, même s'il engage en conclusion le lecteur à réaliser ce pèlerinage, la description qu'il en fait n'est pas flatteuse (pourquoi engager à le parcourir alors ?) et bien incomplète.
Si ce livre offre donc une version différente de l'expérience du pèlerin, ce qui peut être intéressant, c'est plutôt l'attitude et le snobisme de son auteur qui en gâche la lecture.

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