Cette lecture est l'heureux aboutissement d'une rencontre manquée.
En effet, ayant ouï-dire que le sieur Rufin devait venir nous entretenir de son parcours de médecin-diplomate-aventurier lors d'une causerie destinée à l'édification des esprits curieux, je fus d'avis qu'il fallait m'y rendre. Bien que n'étant guère friande de chasse aux autographes, et convaincue que les rencontres avec des auteurs ne sont qu'un leurre, il me semblait que ce drôle de personnage venu pour un bref séjour dans nos murs méritait le détour.
Je ne savais que penser de son oeuvre, ne l'ayant point lu.
Je parcours quelques critiques sur babelio et j'arrête mon choix sur deux titres:
l'Abyssin ou Compostelle. Enfourchant mon vélo, je me présente à la porte de la Librairie Imaginaire (en vrai, elle existe, mais elle s'appelle comme ça) et je demande si on trouve du Rufin dans les étagères bien garnies. Coup de veine: ce sont ceux que je cherche.
Aussitôt, munie de mon butin, j'entame ma lecture au bord du lac.
Et là, impossible de m'en détacher; les chapitres se succèdent sans trêve ni repos, tout me captive et m'enchante: les lieux, les personnages, l'intrigue, l'époque, le ton vif et impertinent de ce Jean-Baptiste qui n'accepte ni Dieu ni maitre, sa Dulcinée, farouche et passionnée, et ces maudits Jésuites, et ces piteux Capucins, et ce Consul bouffi de prétention, quelle belle procession!
Comme une grande tapisserie qui se déploie, ici chargée d'or, de rois mages et d'étoiles, là pleine de gouffres hideux et de figures monstrueuses.
Une semaine sans quitter mon herboriste, de Gizeh aux sombres remparts d'Ethiopie, et jusqu'aux antichambres royales.
Et l'auteur, dans tout ça, comment est-il? drôle, distant, distrait, démoniaque, déroutant, désopilant, dur d'oreille, désastreux?
Je ne saurais le dire, car finalement, j'ai loupé la conférence.
Sans regret, car au lieu d'un homme, j'ai rencontré un auteur.