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sur 794 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une fois de plus, lire Jean-Christophe Rufin a été un régal ! Avec Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla, il a réussi à écrire un conte extraordinaire et profondément réaliste.
À partir du voyage de quatre jeunes gens en URSS, en 1958, à bord d'une Marly de la marque Simca, voiture luxueuse pour l'époque, l'auteur qui laisse s'exprimer un narrateur lui ressemblant beaucoup, présente d'emblée Edgar. Énergique et séducteur, il vient de Chaumont. Né de père inconnu, élevé par une mère travaillant dur sur les marchés, Edgar était garçon de courses chez un notaire.
Dans un village d'Ukraine, un attroupement au pied d'un arbre stoppe leur périple. Malgré l'hostilité de leur guide touristique imposé, un commissaire du peuple, ils assistent à un spectacle étonnant : une jeune fille est nue en haut d'un arbre ! Lorsqu'elle descend, elle croise le regard d'Edgar qui n'aura qu'un seul but au retour en France : aller chercher celle-ci, prénommée Ludmilla.
L'histoire, j'en conviens, débute de façon spectaculaire et, tout au long de son récit, le narrateur saura bien expliquer les faits les plus curieux, les plus étonnants. C'est dont l'année suivante, en 1959, qu'a lieu le premier mariage afin de permettre à cette jeune ukrainienne qui faisait partie des koulaks, la catégorie sociale la plus méprisée de la population soviétique, de quitter son pays pour venir vivre en France.
L'histoire est bien lancée et ne va pas manquer de rebondissements car les deux amants doivent d'abord apprendre à se connaître et affronter beaucoup d'obstacles.
Présentant son roman comme une enquête réalisée par un homme qui vit avec Ingrid, la fille d'Edgar et Ludmilla, le narrateur a donc connu ses deux héros alors qu'ils étaient très âgés. Il les a interrogés, a effectué de nombreuses recherches, visité les lieux où ils ont vécu afin de pouvoir écrire cette histoire extraordinaire.
Edgar tente de gagner de l'argent, monte des affaires, échoue, repart, prend d'énormes risques, connaît un succès foudroyant et une dégringolade spectaculaire avant de refaire surface. Au travers de ces expériences heureuses ou malheureuses, j'ai traversé toute une époque, celle nommée Les Trente Glorieuses (1946 – 1975), j'ai croisé des gens célèbres et ressenti toute l'inanité des gloires factices, politiques, médiatiques ou financières.
De son côté, Ludmilla affirme par hasard ses talents de chanteuse, s'impose, prend sa chance et entame une carrière lyrique. Dans ce monde d'agents, de chargés de communication, de rôles attribués au dernier moment, il faut avoir des relations. Elle n'hésite pas à se former, à travailler dur et, si elle finit par réussir, la voilà devenue une diva, avec tous les défauts inhérents à ce statut complètement artificiel. À cause de sa carrière à l'opéra, de ses tournées, elle se coupe de sa fille, Ingrid, qui préfère son père… quand il est là.
Je passe sous silence les circonstances des mariages et des divorces successifs pour ne rien divulgâcher mais je reste admiratif devant le talent de l'auteur rendant cette histoire crédible et, au final, passionnante. Tout cela est empreint d'une philosophie de la vie pleine de justesse malgré le caractère exceptionnel des expériences vécues par Edgar et Ludmilla.
Au final, j'ai beaucoup apprécié l'invitation de ces gamins venus en car du village ukrainien de Ludmilla et son attitude envers eux alors que l'âge a fait son oeuvre sur elle et sur Edgar. Comme l'indique Jean-Christophe Rufin dans la postface, il s'est inspiré en partie de sa propre vie.
Malgré moi, dès qu'il y avait mariage, je me demandais quel serait le motif du prochain divorce puis comment il sera possible que les deux héros se remarient… Alors, même si certains épisodes paraissent incroyables, voire loufoques, ce qu'il décrit est parfaitement décrypté.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Edgar effectue un voyage en URSS avec des amis. Il prend des photos en vue de présenter un reportage à Paris match.
Pendant leur périple, ils rencontrent , dans un village, une jeune fille nue dans un arbre. Elle subit la risée des gens et elle est finalement recouverte d'un sac de jute. Et voilà Ludmilla et Edgar se regardent, se sourient. Edgar viendra la rechercher et ils se marieront.
Ils vivent à Paris. Ludmilla apprend son métier de diva en chantant avec des religieuses. Edgar construit une fortune sommaire en vendant des livres de collection.
C'est le début de bon nombre d'aventures car ces deux amoureux se marieront sept fois et divorceront 6 fois : logique!
J'ai admiré le calme dans lequel se déroulaient les divorces qui n'étaient en fait décidés que pour établir une certaine liberté, une certaine distance entre les deux amoureux. J'ai trouvé Ludmilla plus amoureuse qu'Edgar et surtout très détachée matériellement. J'ai éprouvé beaucoup de sympathie pour elle.
Le narrateur se fait passer pour le mari de leur fille Ingrid et celui qui a recueilli les confidences d'Edgar et Ludmilla. Ne croyons pas trop l'auteur, j'ai préféré croire à la richesse de son imagination.
Lors de l'émission de "La grande librairie", il a avoué s'être marié trois fois avec la même femme et de ces évènements est partie l'idée de concevoir ce roman magnifiquement écrit avec une imagination, une écriture et un style merveilleux.
Il faut dire que je n'avais jamais lu l'auteur. C'est une découverte pour moi.
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C'est la première fois que je lis un roman de Jean-Christophe Ruffin et je dois dire que j'ai été littéralement séduite par : Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla.
C'est avec un talent indéniable de conteur que Jean-Christophe Ruffin nous convie à rentrer dans la vie de ce couple que forment Ludmilla et Edgar.
Deux êtres, perdus dans un monde rude et difficile.
Ludmilla, jeune Ukrainienne, dont Edgar, lors d'un voyage improbable dans l'URSS, des années 60, tombe follement amoureux lors d'un seul regard.
Et, même, si la romance nous paraît un peu forcée, on y croit et on a envie qu'elle se concrétise.
C'est ce que fait notre génial Edgar, l'année d'après, quand il retourne dans cette URSS, toujours hostile et épouse pour la première fois sa dulcinée.
La suite du roman, est bien, c'est tout simplement la vie d'un couple, la vie tout court qui sépare et déchire, qui vous réunit, qui vous assomme de coups du sort, qui vous envoie des soleils et vous renvoie dans l'ombre sans sommation.
" Ludmilla et Edgar étaient. dès leur naissance, armés pour affronter les drames les plus cruels et les succès les plus écrasants."

Ce qui m'a le plus touché, c'est cette vision magnifique que Ruffin porte sur le couple et que je partage pleinement. Aussi, ma conclusion sera la sienne
" Sur le temps long, le couple apparaît comme le produit sans cesse changeant d'influences multiples, de prise de conscience et d'incapacité à communiquer, de chutes et de relèvements."
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Le mariage est une vie dans la vie*

En imaginant le couple formé par Edgar et Ludmilla, Jean-Christophe Rufin nous offre d'une traversée des années soixante à nos jours, doublée d'une réflexion sur la vie de couple. Une joyeuse épopée, un opéra tragi-comique, un vrai régal!

Voilà sans doute l'un des meilleurs romans de l'année! S'agissant de l'oeuvre du président du jury du Prix Orange du Livre 2019 – dont j'ai la chance de faire partie pour cette édition – je vois déjà les sourires de connivence et les soupçons de favoritisme au coin des lèvres des «incorruptibles». du coup, je me dois de mettre les choses au point d'emblée. Je n'ai fait la connaissance de Jean-Christophe Rufin que lors de notre rencontre – éphémère – en mars dernier et c'est par curiosité que j'ai lu ce roman, sans pression d'aucune sorte. J'avoue toutefois que j'aurais été peiné qu'il ne me plaise pas, tant l'homme m'a paru sympathique et bien loin des préciosités auxquelles on entend quelquefois résumer les académiciens.
Sympathique, à l'image d'Edgar, sorte de prolongement romanesque de l'auteur qui s'est essayé lui aussi aux remariages avec la même femme. Une expérience qu'il a pu mettre à profit en imaginant cette extravagante traversée du siècle et en y joignant une bonne dose de romanesque.
Je me prends même à l'imaginer suivant les préceptes oulipiens en s'imposant la contrainte des sept mariages, histoire de pimenter une histoire qui ne manque pas de sel. le défi – parfaitement relevé – consistant alors à trouver une logique à cette succession d'épousailles et de divorces.
Comme le tout s'accompagne d'une bonne dose de dérision, voire d'autodérision, on se régale, et ce dès cet avertissement introductif: «Avant de commencer ce périple, je voudrais vous adresser une discrète mise en garde: ne prenez pas tout cela trop au sérieux. Dans le récit de moments qui ont pu être tragiques comme dans l'évocation d'une gloire et d'un luxe qui pourront paraître écrasants, il ne faut jamais oublier que Ludmilla et Edgar se sont d'abord beaucoup amusés. Si je devais tirer une conclusion de leur vie, et il est singulier de le faire avant de la raconter, je dirais que malgré les chutes et les épreuves, indépendamment des succès et de la gloire éphémère, ce fut d'abord, et peut-être seulement, un voyage enchanté dans leur siècle. Il faut voir leur existence comme une sorte de parcours mozartien, aussi peu sérieux qu'on peut l'être quand on est convaincu que la vie est une tragédie. Et qu'il faut la jouer en riant.»
Après un débat sans fin, l'idée est émise d'aller voir en URSS comment on vit de l'autre côté du rideau de fer. Paul et Nicole, Edgar et Soizic prennent un matin le volant de leur superbe Marly pour une expédition qui leur réservera bien des surprises, à commencer par cette femme nue réfugiée dans un arbre dans un village d'Ukraine et dont Edgar va tomber éperdument amoureux. le mariage étant la seule solution pour qu'elle puisse l'accompagner en France, une première union est scellée. Mais Edgar se rend vite compte qu'en vendant des livres en porte à porte, il ne peut offrir à son épouse la belle vie dont il rêve et préfère lui rendre sa liberté. Un divorce par amour en quelque sorte.
Et une preuve supplémentaire que les crises peuvent être salutaires parce qu'elles contraignent à agir pour s'en sortir. Edgar se lance dans la vente de livres anciens et s'enrichit en suivant les vente aux enchères pour le compte de bibliophiles, Ludmilla suit des cours de chant.
Il suit sa voie, elle suit sa voix. Ils finissent par se retrouver, par se remarier. Pour de bon, du moins le croient-ils. Mais alors que Ludmilla commence une carrière qui en fera une cantatrice renommée, les ennuis s'accumulent pour Edgar, accusé de malversations et qui ne veut pas entraîner Ludmilla dans sa chute. Un second divorce devrait la préserver…
Rassurez-vous, je m'arrête là pour vous laisser le plaisir de découvrir les épisodes suivants qui vont faire d'Edgar une sorte de Bernard Tapie, qui après avoir monté une chaîne d'hôtels aux activités très rentables s'est lancé dans le BTP, a monté une équipe cycliste avant de se lancer sur le terrain du luxe et des médias et de Ludmilla une diva, notamment après avoir été consacrée à Hollywood. Dans ce tourbillon, ils vont se retrouver comme des aimants, tantôt attirés et tantôt repoussés.
Dans la position du témoin, de l'enquêteur qui entend en savoir davantage sur les raisons qui ont motivé mariages et divorces, le narrateur s'amuse et nous fait partager cette extraordinaire traversée du siècle. Jean-Christophe Rufin est indéniablement au meilleur de sa forme!

*Honoré de Balzac, Physiologie du mariage (1829).

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comment peut-on se marier sept fois ?
et pourquoii ?
avec la même personne ?
une jeune fille russe très pauvre aimera-t-elle sa vie en France
un jeune homme va t-il enfin réussir à gagner sa vie ?
J Ch Rufin nous entraîne avec aisance ! à lire pour connaître
la possibilité de sept mariages !
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Edgar a grandi seul avec sa mère, il a eu envie de s'élever socialement et est parti à Paris pour cela. Ludmilla, elle aussi a des rêves d'ailleurs et réussira à se faire remarquer lors du voyage d'Edgar en URSS. Leur amour commence sans un mot, une attraction dans le regard. Pourtant ils feront face à des incompréhensions tant dans leur langage mais aussi dans leurs attentes. Il pense devoir faire en sorte qu'elle manque de rien, être son sauveur. Alors qu'elle, elle l'aime tout simplement. Parfois leurs chemins s'écarteront mais ils se retrouveront toujours. Mais ces éloignements vont leur permettre de faire aussi leur propre chemin, de se construire en dehors de ce couple.

Un couple hors-normes dont on va suivre l'évolution, l'ascension sociale, les déboires d'Edgar et pourtant comme deux aimants ils se retrouvent toujours. Malgré les frasques, les divorces, j'ai trouvé nos deux personnages calmes et posés, une lecture tranquille. L'auteur prend pour narrateur le gendre du couple, qui a recueilli les confidences de sa femme et de ses beaux-parents, la lecture est fluide et j'ai pris plaisir à découvrir les aventures de ce couple tumultueux. Un roman inspiré de faits réels dont la vie de l'auteur (il s'est marié trois fois à la même femme) mais qui reste bel et bien un conte. Une histoire sur le couple, l'amour, la vie…

Un auteur que j'affectionne dont la plume m'a encore transportée et dont je ne peux que vous conseiller la lecture.


Lien : https://leslecturesdemamanna..
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Lorsque sort un nouveau roman de Jean Christophe Rufin, je me précipite dessus, c'est vous dire si j'apprécie cet auteur que j'ai découvert avec « Rouge Brésil » Prix Goncourt 2001
Dans « Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla », tout commence comme un conte moderne : Nous sommes en 1958 et l'URSS s'ouvre peu à peu mais avec précaution aux occidentaux communistes en quête d'idéal. Edgar, jeune photographe fauché, s'embarque dans une Marly avec trois autres personnes pour découvrir l'URSS de Khrouchtchev. Et c'est lors de ce voyage bien encadré qu'arrive l'incroyable dans un village perdu d'Ukraine où une jeune fille fantasque devient le grain de sable dans l'organisation soviétique. C'est ainsi que la rencontre improbable entre Ludmilla, perchée nue sur un arbre, et Edgar se déroule, provoquant un coup de foudre comme il n'en existe que dans les contes de fée ou les romans d'amour.
Un an plus tard, Edgar toujours amoureux, se débrouille pour retourner en URSS retrouver son grand amour. Pour l'exfiltrer en France, il doit l'épouser. La chose est rondement menée et voilà nos tourtereaux, qui ne parlent pas la même langue, installés à Paris.
Nous sommes en 1963 sur fond de menace d'explosion nucléaire entre les deux grandes puissances mondiales.
A la suite d'Edgar et Ludmilla, la vie est endiablée et jamais ennuyeuse. Pauvres au départ, ils vont réussir chacun dans son domaine et la célébrité, la richesse seront leur récompense. Ludmilla deviendra une cantatrice « people » Quant à Edgar, il sera dans les affaires parfois troubles. Mais cette réussite sociale n'ira pas sans heurts au sein de leur couple, d'où ces divorces récurrents suivis par d'autant de mariages car, malgré les infidélités, les incompréhensions et le tourbillon de la vie qui parfois les dépasse, ces deux-là s'aiment et ne peuvent vivre l'un sans l'autre.
Leur conception de la vie à deux est hors norme tant leur personnalité est différent et bien marquée.

Jean-Christophe Rufin a beaucoup d'empathie pour ses personnages tourmentés, instables et parfois insupportables mais qu'il sait rendre attachants. Son style, subtil, élégant sans être pompeux, est un régal.
Lectrice fidèle de Jean-Christophe Rufin et, après « le collier rouge » et « le tour du monde du roi Zibeline », ce roman m'a enchantée.

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Résumé éditeur :
"Sept fois ils se sont dit oui. Dans des consulats obscurs, des mairies de quartier, des grandes cathédrales ou des chapelles du bout du monde. Tantôt pieds nus, tantôt en grand équipage. Il leur est même arrivé d'oublier les alliances. Sept fois, ils se sont engagés. Et six fois, l'éloignement, la séparation, le divorce... Edgar et Ludmilla... le mariage sans fin d'un aventurier charmeur, un brin escroc, et d'une exilée un peu "perchée", devenue une sublime cantatrice acclamée sur toutes les scènes d'opéra du monde. Pour eux, c'était en somme : "ni avec toi, ni sans toi". A cause de cette impossibilité, ils ont inventé une autre manière de s'aimer. Pour tenter de percer leur mystère, je les ai suivis partout, de Russie jusqu'en Amérique, du Maroc à l'Afrique du Sud. J'ai consulté les archives et reconstitué les étapes de leur vie pendant un demi-siècle palpitant, de l'après-guerre jusqu'aux années 2000. Surtout, je suis le seul à avoir recueilli leurs confidences, au point de savoir à peu près tout sur eux. Parfois, je me demande même s'ils existeraient sans moi".

Un roman au sujet original, avec tout le talent de J.C. Ruffin.
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Un peu de soleil pour cette fin de journée grise 😌
Mon premier Jean Christophe Rufin, Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla.
La première chose qui me vient en tête : sept mariages, donc en toute logique sept séparations ?
On peut dire que de manière générale, les mariages finissant en divorce connaissent rarement un remariage... J'irai même jusqu'à dire qu'il est souvent difficile de composer avec "la moitié" qui a partagé un pan de notre vie.
Alors comment ont-ils pu y arriver ? Non pas une fois, mais sept !!! Tout commence par un voyage en URSS pour un reportage sur les années post-staliniennes. Edgar fait parti de l'équipée. Tout est réglé au cordeau par les autorités. Tout, sauf cette jeune femme nue dans un arbre. Ludmilla. Lorsque qu'Edgar l'aperçoit c'est LE coup de foudre. Celui qui enclenchera chez Edgar une obsession. La rencontre est à la hauteur de leurs futures aventures rocambolesques.

Une des forces du roman à mes yeux, est la mise en abîme des deux versions à l'aide d'un narrateur tierce. Il nous conte l'histoire de ce couple fantasque. Les situations qui amènent à la rupture sont vues des deux points de vue. On comprend alors les rouages de ce couple. Ce qui a marché, ce qu'il aurait fallu faire ou ne pas faire, les blocages rencontrés. On se rend compte qu'une situation commune peut être vécu différemment.
Le plus difficile dans une relation est une communication ouverte et franche, ça évite souvent bien des conflits !
La perception d'une situation, d'un mot, d'un geste peut être tellement différente d'un être à l'autre. Les expériences passées, les émotions présentes, les conséquences futures sont soumises à des courants qui nous dépassent parfois. D'autant plus lorsqu'il s'agit d'un être aimé.

Jean Christophe Rufin nous conte un amour qui n'a rien de banal. Un amour différent. Et pourtant il résonne de manière universel. Il nous prouve par l'intermédiaire d'Edgar et Ludmilla, qu'on peut aimer, se séparer sans que l'amour ne disparaisse jamais. Qu'il n'est pas impossible de revenir, puis de repartir. Nous sommes des individus unique. Chacun invente ses propres règles. Et que dire de la plume... Magistrale !
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J'ai eu envie de lire ce roman après avoir vu l'auteur, Jean-Christophe Rufin, en parler dans l'émission La grande librairie. Déjà, le titre m'interpelait. Sept mariages pour un même couple, ça fait quand même beaucoup dans une vie. J'avais envie de savoir ce qu'ils avaient bien pu vivre pour se marier sept fois et divorcer six. En plus, je ne connaissais pas du tout l'auteur, j'en avais bien sûr entendu parler, mais je n'avais encore pas lu de roman de lui. Toutes les bonnes raisons étaient réunies pour lire ce roman ci.

C'est une formidable épopée qui commence en 1958 et qui va traverser les années jusqu'actuellement. Tout commence par un voyage organisé entre quatre copains en destination de l'URSS. En 1958, ce pays s'appelle encore ainsi, c'est la grande période de la guerre froide. Paul et Nicole ont envie d'aller voir sur place comment c'est vraiment dans ce pays. Ils vont emmener avec eux Edgar et Soizic. Paul a rencontré Edgar récemment, celui-ci avait aidé son père à dépanner sa voiture. Ils ne sont pas du même millieu social, Paul est fils de notaire, Edgar vit seul avec sa mère, fleuriste sur les marchés. Edgar devra s'occuper des photos, car ils vont publier une sorte de road-trip pour Paris Match. Pendant ce périple, qui, on le saura après, était bien organisé par les autorités russes, ils passent par un petit village d'Ukraine. Là, ils sont obligés de s'arrêter car un attroupement a lieu sur la place au pied d'un arbre. Une jeune fille est perchée dans celui-ci, elle est nue. Elle fait cela pour attirer l'attention. C'est Ludmilla. Ce sera le coup de foudre entre elle et Edgar, qui n'aura de cesse de vouloir la retrouver lorsqu'il sera rentré en France. Il repartira pour l'Ukraine, et ira la sortir de ce village où elle vit seule et travaille dans une ferme. Ils vont se marier dans ce pays et revenir en France. L'arrivée dans ce nouveau pays ne va pas être simple pour Ludmilla, ils louent une petite chambre d'hôtel à Paris, Edgar a brûlé toutes ses économies dans ce voyage. Ils vont vite se faire rattraper par la vie, et le premier divorce arrive vite. Chacun va partir dans son coin, et pourtant, ils ne seront jamais autant attachés l'un à l'autre que séparés. Edgar a des idées de grandeur, va vivre d'escroquerie en escroquerie, se fera un nom parmi la société parisienne, gagnera beaucoup d'argent. Ludmilla se trouvera un amour prononcé pour le chant, elle n'est pas particulièrement douée, mais elle dégage une telle personnalité qu'elle se fera remarquer. Les débuts seront durs, elle aura des difficultés à percer, mais grâce à un grand mécène qui saura voir en elle le talent, elle deviendra une grande chanteuse d'opéra. Et dans tout cela, Ludmilla retrouvera Edgar, Edgar retrouvera Ludmilla. Il y aura entre eux des mariages d'amour, mais aussi des mariages arrangés pour redorer le blason de l'un ou de l'autre. Les causes de divorce seront multiples, la lassitude, la routine, la trahison, la tromperie et aussi les arrangements de vie ou encore la possibilité de refaire un mariage avec les gens qu'ils aiment. Car divorcer maintenant devient tellement chose aisée qu'ils en abuseront autant que les occasions de mariage. Une grande et belle histoire d'amour qui les ménera jusqu'à leur vieillesse et leur fin.

Jean-Christophe Rufin s'est mis dans la peau d'un narrateur pour raconter la vie de ce couple. Il les a créés célèbres, dans Ludmilla on retrouvera des similitudes avec la Callas, pour Edgar, sa personnalité se mélangera souvent à celle de Bernard Tapie, surtout pour tout ce qui touche au monde des affaires. Mais les ressemblances s'arrêtent là. L'auteur a ainsi voulu retracer la vie de ces deux personnages au travers leur vie publique mais aussi leur vie personnelle. Il aurait pu énumérer les mariages et divorces avec des dates, il a voulu expliquer les raisons de ces faits, qui sont hors du commun. Replacer dans leur contexte ces unions selon l'époque mais aussi selon les sentiments du couple. Il les a d'ailleurs très bien fait évoluer, avec le début de la Vème république, De Gaulle, mais aussi mai 68, le départ de De Gaulle, les années Giscard d'Estaing, l'arrivée de Mitterrand, tous les changements sociétaux sont présents et marquent l'évolution du couple.

Lors de l'interview de Jean-Christophe Rufin, il explique qu'il a eu l'idée de ce roman en voyant une photo en noir et blanc dans un ancien livre de sa mère, Russie portes ouvertes, de Jean-Pierre Pedrazini accompagnée d'un texte de Dominique Lapierre. Sur ce cliché, on voit ces deux journalistes dans une vieille voiture, ils avaient pu traverser pour la première fois l'URSS. L'auteur s'était souvent imaginé passager de cette voiture. C'est ainsi qu'est venu l'idée de départ du roman. Son histoire personnelle a plus ou moins créé les personnages de Ludmilla et d'Edgar, puisque l'auteur s'est lui-même marié et séparé trois fois de sa femme. Il a voulu ainsi raconter l'histoire d'un couple faisant yoyo dans leur situation et pourtant tellement attachés l'un à l'autre puisqu'ils ne se perdront jamais bien longtemps de vue. Ce couple lui a permis aussi de parler de lui-même, de ses propres passions, de parler de l'autre, sa moitié, il est compliqué de parler de sa propre histoire sans rentrer dans sa propre intimité. le faire à travers des personnages de fiction peut être libérateur tout en conservant une certaine pudeur.
Ludmilla et Edgar sont des personnages attachants, solaires, avec de fortes personnalités, qu'on ne peut qu'aimer. Ils dégagent tellement de charisme, tellement de beauté qu'on ne peut que les admirer, s'arrêter de vivre pour les regarder passer. L'auteur utilise un narrateur, qui raconte en fait les confidences qu'il a reçus du couple pour retracer leur vie, il utilise donc de temps en temps le « je », cet effet de narration a fait que je me suis sentie très proche des personnages, je les ai regardés évoluer de leur jeunesse à leur vieillesse. Ça me les a rendus aussi très vivants, très réels, j'ai maintenant l'impression qu'il existe quelque part un Edgar ou une Ludmilla et une histoire similaire à la leur. Et la fin m'a tellement émue, je me demandais où l'auteur allait bien pouvoir me mener et comment cela pouvait bien se terminer, les derniers mariages d'Edgar et Ludmilla sont très émouvants et poignants, et surement les plus beaux.

J'ai encore une fois été trop bavarde, mais il y en a tellement à dire sur ce roman. Je l'ai adoré, il restera marqué en moi, j'ai tout aimé et il m'est très difficile de trouver quelque chose de négatif dans ce livre. Et en plus, la plume et le style de l'auteur sont incroyables, Jean-Christophe Rufin fait tout de même partie De l'Académie Française, et pour autant, son écriture reste très accessible. Je vais continuer à découvrir l'oeuvre de cet auteur. Il dit de ce roman que c'est sa première histoire d'amour, j'ai hâte de le lire dans d'autres écrits. Il y en a d'ailleurs un qui est sur ma wishlist depuis un petit moment, c'est le collier rouge, qui se passe juste après la première guerre mondiale, et parlant de loyauté et de fidélité. J'ai hâte de le lire maintenant !
Pour l'instant, je vous recommande sincèrement ce roman ci, si vous voulez vivre une belle épopée, une belle histoire d'amour pas ordinaire, revivre l'histoire de ces soixante dernières années. Moi, je me suis régalée, je l'ai lu en un peu moins de deux jours, j'avais beaucoup de mal à le lâcher, j'avais envie de savoir ce qui allait bien pouvoir se passer dans la vie des personnages, une lecture très addictive et prenante que je n'oublierai pas de sitôt et que je prendrai plaisir à lire à nouveau. J'ai emprunté ce livre à ma médiathèque, je pense que je me le procurerai, pour pouvoir y avoir accès plus facilement et comme je veux, et aussi pour l'avoir parmi mes romans chouchous, le prêter et le faire aimer à d'autres.
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