« La
brume est dense, poisseuse,. Si palpable que je parviens à la sentir au bout de mes doigts engourdis. Elle m'enveloppe de ses bras monstrueux. M'empêche tout mouvement. Me garrotte et me rend aveugle.Un mur de vapeur froide me maintient hors du temps. Masse imperceptible où il est vain de me débattre. J'éprouve de la peur. Ainsi que cette folie contagieuse, en embuscade. Elle se faufile comme une mélodie exaspérante qui fredonne encore et encore. (...) A chaque pas, la distance s'allonge, me condamnant à errer sur ce fil tendu. le vent se lève. Il est froid. Viscéral. Il m'arrache à ce fragile équilibre et, en traître me pousse à la chute. le vide m'accueille comme il l'a toujours fait : muni de sa gueule immonde. Ses crocs se referment sur mon âme, la déchiquettent et la réduisent à néant. Seul le remords existe. Il taraude mes souvenirs. Souffrance infinie qui persiste. C'en est presque exaltant de se laisser mourir. Alors les ténèbres m'envahissent. Et la
brume m'a à sa merci. Comme avant. Comme toujours. »
Dès les premières pages,
David Ruiz Martin installe une atmosphère remarquablement anxiogène, utilisant parfaitement tout le potentiel d'une
brume quasi maléfique ( j'ai adoré la référence au chef d'oeuvre de
Stephen King,
Brume, masse blanchâtre, épaisse et informe qui suscite l'inquiétude des habitants ) qui s'est abattue le jour où le narrateur, Donovan Lorrence, alors âgé de 14 ans, a été agressé avec son frère cadet, disparu à jamais.
Après la mort de son père, quarante ans
après, il revient à Neufchâtel, sur les lieux du drame pour faire la lumière sur la disparition de son frère, jamais élucidée.
Autant le machiavélique scénario de son précédent roman,
Seule la haine, m'avait totalement et d'emblée happée, autant le rythme de
Requiem des ombres m'a semblé très lent. L'auteur décrit parfaitement les affres de la culpabilité, les mécanismes du deuil impossible et du désir de vengeance, mais les redondances des répétitions creusant la psyché de l'âme tourmenté du personnage principal finissent par alourdir le récit, par entrainer des longueurs et donc à lasser.
Le récit rebondit grâce à l'irruption du personnage d'Iris, mystérieuse jeune femme doté d'un pouvoir très spécial. Elle va aider Donovan dans sa quête de vérité et lui redonner confiance en lui permettant d'ouvrir une part de lui totalement insoupçonnée. Je ne suis pas particulièrement férue de thriller fantastique, mais dans celui-ci, le dosage entre réalité et surnaturel est très bien dosé pour les esprits cartésiens comme moi. Les cinquante dernières pages retrouvent efficacité et maitrise, surprenant le lecteur par une fin à la fois originale, convaincante et spectaculaire, aux frontières du réel, emportant le lecteur vers un questionnement quasi existentialiste sur la place du destin dans nos existences.