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Critique de florigny


Si le lecteur s'attend à dévorer un thriller – qu'il soit domestique ou sauvage – il fait fausse route, car Ann Rule n'est pas romancière, son matériau est le true crime, c'est-à-dire le fait divers récent ou ancien, et inscrit dans la mémoire collective de l'opinion publique. L'auteure enquête, rencontre des témoins, consulte des archives, interroge des policiers ou des médecins, des avocats ou des amis des victimes, fournit un travail colossal pour tenter de comprendre pourquoi un meurtre a été commis. Toujours au plus près des déclarations ou pièces du dossier, Ann Rule ne s'autorise aucune digression ou supputation, n'émet aucun avis personnel, ce qui donne à ses récits une véracité journalistique parfois aride car dépourvue du moindre effet littéraire. Pour autant, elle possède un style, un art de la mise en forme qui rendent sa lecture haletante et intéressante.


Dans Et ne jamais la laisser partir, elle revient sur la disparition d'Anne-Marie Fahey le 30 juin 1996. Son corps n'a jamais été retrouvé. Son meurtrier condamné à mort n'a pas été exécuté. A ceux qui s'offusquent que l'on puisse éprouver une « fascination morbide » pour le fait divers, je rappelle qu'il montre l'état d'une société, il raconte la vie telle qu'elle est et non telle qu'elle devrait être ; il est également « une soupape par laquelle s'échappe la vapeur brûlante de l'actualité, de la cruauté sociale » selon Elfriede Jelinek qui n'est pas reporter pour l'hebdomadaire "Le nouveau détective".


Je précise également que le travail d'Ann Rule rend toujours hommage, souvent justice aux victimes traînées dans la boue des investigations, trop souvent traitées comme coupables ou responsables de ce qui leur est arrivé. Dans cet opus j'ai particulièrement apprécié la première partie, qui situe les faits, décrit longuement Wilmington et l'Etat du Delaware où règne une mentalité étriquée. L'auteure relate également l'ascension sociale des Capano, immigrés italiens pauvres venus chercher la liberté et la fortune aux Etats-Unis. Ensuite, la relation entre Thomas Capano et Anne-Marie est disséquée, ainsi que les lents mécanismes d'une mise sous emprise. Les proies de Capano ont toutes en commun leur intelligence, leur obédience catholique (levier de la culpabilité) ainsi qu'un trait de caractère déterminant : elles désirent toutes faire le bonheur des autres avant le leur. Ayant grandi dans des foyers ravagés par la misère et l'alcoolisme, elles font profil bas et certaines sont affligées du syndrome nommé par les psys « l'enfer du plaire » dans lequel un individu craignant de ne pas être à la hauteur et de ne jamais en faire assez, sacrifie ses propres besoins et envies et se refuse à fixer la moindre limite à ce qu'il subit. Les nombreuses maîtresses de Capano – alors que chacune d'entre elles se croit unique dans sa vie – sont crédules, gentilles, patientes, soumises et l'on ne fait jamais appel à leur compassion en vain, il suffit au meurtrier de jouer à merveille au petit malheureux.


La seconde partie de l'ouvrage m'a moins intéressée car il s'agit du procès relaté pratiquement in extenso et compte tenu de la gravité des faits, c'est long, très long... Anne-Marie est morte comme tant de femmes, d'avoir voulu se libérer de son persécuteur.
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