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sur 453 notes
Juan Rulfo est un trait d'union entre deux auteurs et deux univers qu'on n'aurait pas forcément tendance à juxtaposer, et pourtant… En effet, Rulfo, auteur d'un seul roman (celui-ci) et préalablement d'un unique recueil de nouvelles (Le Llano en flammes), a repris à son compte et digéré la technique narrative de William Faulkner. À mon sens, il l'a même améliorée.

Là où Faulkner nous engluait dans la mélasse avec Le Bruit et la Fureur, Juan Rulfo parvient lui à ne pas trop nous embrouiller, au prix d'une maîtrise stylistique impressionnante et réellement exceptionnelle. Il combine une kyrielle d'époques et de narrateurs différents de manière à construire un gigantesque patchwork parfaitement intelligible tout en conservant juste ce qu'il faut de nébuleux pour nous intriguer, sans nous déboussoler.

(Exercice où Faukner nous emberlificotait complètement en donnant vingt fois le même nom à des personnages différents ou trente-six appellations différentes à un même personnage sans jamais trop qu'on sache ni qui parlait, ni à quelle époque. le résultat était d'une très grande confusion et nécessitait souvent une ou plusieurs relecture(s) pour être parfaitement assimilé. Ici ce n'est pas le cas avec Pedro Páramo.)

L'autre univers auquel nous fait adhérer Juan Rulfo, c'est celui, ô combien différent de Gabriel Garcia Márquez et de son inénarrable Cent Ans de Solitude. La filiation est évidente et l'on comprend que Garcia Márquez ait pu être impressionné par la construction, le fantastique carrousel de Rulfo, mélangeant, intriquant, nouant fil à fil à la manière d'un oiseau tisserin réalisme et impressions, naturel et surnaturel.

On ne sait jamais trop si les personnages sont morts ou vivants, s'ils décrivent la " réalité " physique concrète ou seulement leurs visions, leurs rêves ou leurs fantasmes. Mais tous, tous, nous focalisent sur un même point : Pedro Páramo et son village, sa propriété terrienne de la Media Luna.

La Media Luna, une vallée fertile qu'on imagine entourée de hautes collines qui la séparent du monde extérieur, un microcosme, capable d'endurer… cent ans de solitude ! comme la Colombie de Garcia Márquez. Aussi, les règles à la Media Luna sont elles propres à la Media Luna, et les règles, c'est Pedro Páramo qui les édicte.

Pedro Páramo, c'est un gros propriétaire terrien d'avant la Révolution mexicaine. À lui tout appartient : sols et bêtes, femmes et hommes. Pourtant, tout n'a pas été facile pour lui, il est né avec pour seul héritage les dettes contractées par son père. Mais il est malin et roué comme pas un, le Pedro, et il saura y faire, notamment avec les femmes, pour racheter les dettes et agrandir toujours sa propriété.

Une femme, à ses yeux, vaut pour ses formes et sa dot, tout le reste ne l'intéresse pas. Il a couché avec à peu près toutes les villageoises et semé des gosses un peu partout sans les reconnaître, pour la plupart. C'est d'ailleurs le cas de notre narrateur, Juan, fruit des ébats de Páramo avec Dolores Preciado, avec laquelle il avait jugé bon de se marier car elle était la fille du créancier de son père. Une fois les dettes épongées et la propriété agrandie, il n'avait plus jamais jugé utile de s'occuper de Dolores et de son enfant. Il était reparti à la chasse, dans le but de contracter un nouveau mariage digne d'intérêt.

Évidemment, bâtir un tel empire local, cela n'a pas toujours roulé tout seul ; certains hommes n'étaient pas trop d'accord : il a parfois fallu jouer du muscle, ou du couteau, ou du pétard. Et pour cela, Pedro Páramo a su justement s'adjoindre les services de quelqu'un de persuasif, don Fulgor.

Bon, il ne serait pas souhaitable que je vous en dévoile bien davantage, vous dire par exemple que les sentiments de Páramo ne sont pas les mêmes pour toutes les femmes et qu'une, une seulement, mais une tout de même a su lui inspirer de l'amour, et quel amour…

Disons simplement que tous ces personnages nous dressent un portrait de Pedro Páramo, archétype du gros propriétaire terrien d'avant révolution et, si j'en crois certains articles du Monde diplomatique, mentalité pas totalement disparue chez les grands capitalistes de l'actuel Mexique.

Quant à la Media Luna, c'est l'archétype des latifundia mexicaines. Juan Rulfo nous y portraiture la psychologie, la sociologie villageoise du début XXème, toujours emmaillotée d'une épaisse gangue de religion catholique et de croyances, pour le coup, carrément païennes. La mort, la mort, la mort. Omniprésente, omnipotente, à telle enseigne que le squelette fait partie du folklore local ; on vit avec.

La limite entre le monde des morts et celui des vivants n'y est pas aussi étanche que chez nous : chacun peut y faire de fréquentes incursions dans le territoire de l'autre, soit en rêve, soit en transe et cela ne choque personne. C'est peut-être cela le réalisme magique, une vision de la vie où les esprits sont aussi présents et crédibles que les vivants, leurs injonctions, encore plus prises au sérieux, un peu comme pour les Grecs et les Romains antiques, très cartésiens sur certains points, absolument mystiques sur d'autres.

Ici, donc, la technique narrative à la Faulkner est tout à fait légitime car elle engendre nécessairement et presque mécaniquement un flou, mais ce flou est précisément l'impression que cherche à produire l'auteur, cette espèce d'insécurité du lecteur, qui ne doit jamais trop savoir si c'est du lard ou du cochon, si l'on nous décrit quelque chose de tangible ou si l'on est dans les arcanes d'une imagination quelconque. En ce sens, la technique narrative n'a ici rien de gratuit et elle se justifie totalement.

Pour d'autres auteurs, avec d'autres thèmes, cette technique me semble creuse, n'apparaît se fonder sur rien, si ce n'est le désir de faire un truc " bizarre ". J'ai le sentiment que le style, la technique, les artifices doivent toujours servir le propos, pas être plaqués a priori, juste être là parce qu'à ce moment précis l'auteur a eu envie de les employer. Chose qui, malheureusement, arrive souvent, même chez les plus grands.

En somme, de la bien belle littérature, héritière de Faulkner et annonciatrice de Garcia Márquez. Je ne suis pas absolument fan mais je reconnais sans peine que dans ce style, c'est remarquable. Gardez toutefois à l'esprit que ceci n'est qu'un avis, c'est-à-dire, bien peu de chose. le meilleur avis sera toujours celui qu'on se forge par soi-même, avec tout l'éventail de sa propre sensibilité.
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Juan Preciado, le fils de Dolores et Pedro Páramo a promis à sa mère d'aller à Comala voir son père. Sur la route un fils de Pedro lui annonce que leur père est mort. Puis une femme lui détaille la rencontre et la séparation de Pedro et Dolores. Pedro dont le fils Miguel, un voyou comme lui, devait disparaître avant son père et peser lourd lui aussi sur l'esprit de tous.

Au Mexique les âmes incarnées des défunts puisent leur réalité dans l'esprit des vivants. Pour qui est en quête de vérité elles racontent un passé qui trouble le présent, ouvrent des cieux d'azur ou d'eau comme des enfers brûlants. Par la grâce de la plume de Juan Rulfo, ces voix sont sans conteste puissantes, envoûtantes, inoubliables.

De l'ensemble de l'oeuvre de Rulfo, de seulement trois cents pages, Gabriel Garcia Márquez a dit : « C'est à peine moins ce que nous connaissons de Sophocle et à mon avis, destiné à durer autant. » Un avis que l'on ne peut que partager après avoir lu Pedro Páramo.

Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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Homme de peu de lettres, Juan Rulfo a su me séduire dans cette lente valse des morts et des vivants passés.
Je suis entré dans ce roman et m'y suis laissé porter par sa musique particulière. Un air fait de violence, d'injustice et de fatalité qu'accompagne la pluie et la poussière.
Et Pedro Paramo? Un être mauvais qui connaitra son lot de tourments. Une sorte de démon ordinaire sous lequel défilent les femmes (sauf une, celle qui lui échappe, la seule essentielle à ses yeux et à son coeur) et qui se joue des révoltes.
Dans ce microcosme mexicain, les voix se font entendre et les morts surgissent, passent, si réels et tangibles. le temps s'étire, transpire et la terre est lourde. Une fenêtre s'éteint et, peu après, le roman se termine.
Je sors de Pedro Paramo, comme d'une sorte de songe à la fois clair et effiloché... Mais, à la différence notable du songe, je pourrai revenir dans Pedro Paramo réécouter ces orgues étranges aux sons si preignants.
Que dire de plus, sinon qu'un tel livre il faut bien le lire...
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Lu (relu) en v.o. En une heureuse langue classique metissee de dialectes locaux.


Sur son lit de mort une mere enjoint son fils d'aller au village de sa naissance, Comala, reclamer a son pere, Pedro Paramo, ce qui lui est du. Envoute par la description idyllique que fait sa mere du village, il entreprend le voyage. Mais il trouve en fait un endroit abandonne, desole, ou le sifflement du vent s'emmele de murmures, de chuchotements dont il ne comprend pas la provenance. Quand il realise que ce sont des ames mortes qui rodent, et que ce n'est qu'avec elles qu'il a eu des contacts, il en meurt lui meme d'effroi. Une fois mort on continue a lui souffler des bribes de l'histoire recente de Comala, de sa decadence, sa chute vers l'inanite. Et de l'homme en qui convergent tous les souvenirs (et donc toutes les responsabilites): Pedro Paramo. Un "cacique", un despote qui s'est attribue – par la force et des torrents de sang – pratiquement toutes les terres du village. Tout depend de son mauvais vouloir; il s'octroie le droit de vie et de mort sur tous ceux qui l'entourent, et le droit de cuissage sur toutes, ce qui fait qu'a la fin de sa vie le village est plein de ses fils non reconnus. Beaucoup meurent mais beaucoup d'autres fuient, le village se vide peu a peu, et la revolte de Pancho Villa dans la region sera l'occasion de son assassinat mais aussi de la fin du village, de son total abandon. Il ne sera plus peuple que par les ames des morts attendant le purgatoire.

Pedro Paramo n'est pas un livre facile. Il a d'ailleurs eu des debuts difficiles et il a fallu du temps pour que la critique l'encense et le public suive (Il est sorti en 1955 et pendant les premiers quatre ans on en a vendu un millier d'exemplaires).Les differents narrateurs, les differentes formes de narration, l'absence d'une chronologie claire ou l'embrouillement de toute chronologie, le mélange de realite et d'hallucinations, tout est fait pour derouter a premier abord le lecteur. Mais s'il s'accroche il est recompense. A partir du fantastique, Rulfo arrive a brosser le plus realiste portrait des relations patrons/asservis de la campagne mexicaine du debut du 20e siècle. le plus juste. le plus criant de verite. C'est en fait une des caracteristiques du "realisme magique" latino-americain, dont ce livre est un des premiers jets.

Pedro Paramo, surpassant le regionalisme, devient une critique absolue et universelle de l'abus de pouvoir. Plus que cela: les mythes indigenes rejoignent ici les mythes classiques. Un autre auteur mexicain, Carlos Fuentes, l'a bien note: "… ce jeune homme qui entreprend une odissee a la recherche d'un pere perdu; cet anier qui l'amene a l'autre rive, la morte, d'un fleuve de poussiere; cette voix de la mere et amante, Jocaste-Eurydice, qui conduit le fils et amant, Eudipe-Orphee, par les chemins de l'enfer; ce couple de frères edeniques et adaniques qui dorment ensemble dans la bouse pour amorcer une nouvelle fois le genre humain dans le desert de Comala; ces vieilles virgiliennes – les Eduviges, Damiana, la Cuarraca - phantomes de phantomes; cette Susana SanJuan, Electre a l'envers; Pedro Paramo lui-meme, tout de pierre et de boue; tout cet arriere-plan mythique permet a Juan Rulfo de cerner l'ambiguite humaine d'un despote, ses femmes, ses hommes de main et ses victimes, et, a travers eux, d'incorporer la thematique de la campagne et de la revolution mexicaines dans un contexte universel." [ma traduction]


Mais je ne voudrais surtout pas faire peur et eloigner de potentiels lecteurs. le livre n'est pas long , et une fois franchie une premiere etape, on a de grandes chances d'etre pris. Et recompense. Un livre qui se merite, et devient grandement gratifiant. A mon humble et louangeur avis (pour paraphraser d'illustres babeliotes).
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Qui est Pedro Páramo ?
Pour le narrateur, Juan Preciado, il semblerait bien qu'il s'agisse de son géniteur. Du moins, c'est la révélation que lui fait sa mère avant d'expirer, accompagnant cette confidence d'un appel à la vengeance qui donne le ton du récit.

Village de Comala, Mexique, années 20.
Dans un décor de western, où les montagnes laborieusement cultivées sous un soleil de plomb recèlent peut-être quelques mines d'or, et un contexte de révolution mexicaine, vivent quelques autochtones, sous la domination de Pedro Páramo, maître de la Demi-Lune, alliage convaincant du parrain de Palerme et du caïd de Santa-Fe.

Mais ces villageois vivent-ils réellement ou sont-ils seulement des revenants ? Une étrange malédiction semble peser sur les lieux. Le mystère est omniprésent. Un mystère que le lecteur cherche à percer en même temps que Juan Preciado, au gré d'une narration d'abord déroutante puis de plus en plus fascinante. Le temps semble aboli, figé dans cet espace désertique où naissent et meurent les générations successives.

Le récit s'articule à la façon d'un puzzle autour de séquences courtes mais efficaces. Comme dans un film de Quentin Tarentino, certaines scènes nous entraînent même vers un fantastique teinté à la fois d'humour et de drame, comme ces deux morts enterrés dans le même cercueil et qui tendent l'oreille pour saisir les plaintes des tombeaux voisins.

La mort.
Elle est l'axe majeur du roman. Ce thème cher au coeur des Mexicains - partie intégrante de leur culture - s'épanouit ici entre pragmatisme, superstition et surnaturel pour un voyage hors du commun qui m'a séduite.

Un dernier conseil : à lire d'une traite pour en saisir toute la saveur.


Challenge PETITS PLAISIRS 2016
Challenge MULTI-DEFIS 2016
Challenge Petit Bac 2016 - 2017
Challenge AUTOUR DU MONDE
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Je n'aime pas ce que je vais faire, mais faut bien être honnête : j'ai moins aimé cet (unique) roman de l'auteur que son (unique) recueil de nouvelles le Llano en flammes.

Certes, chronologiquement, ce livre a son importance dans la construction du réalisme magique, mais quand on a lu Garcia Marquez, c'est un peu, hum, léger. « L'élève » a dépassé le « maitre ».

De quoi nous agitons-nous ?
À la mort de sa mère, un homme retourne au pueblo désolé dont elle est issue, chargée par elle de retrouver son propre père. le village en question est désormais mort, peuplé de fantômes. Aspect que le protagoniste et le lecteur mettent un peu de temps à comprendre, tellement ces fantômes ont l'air réel. La suite est le roman choral de l'ancienne vie du village narrée par ces fantômes.

C'est écrit par tranches de vies accolées les unes aux autres dans le désordre, avec une part d'ellipses qui resteront parfois des mystères. le style (de la traduction) est simple et beau, les scènes sont fortes, les caractères bien trempés et bien campés. On retrouve avec plaisir ces caractéristiques de l'auteur qui font le charme et la force de ses récits.

Qu'est-ce qui ne va pas alors ? Ou plutôt, qui va moins bien ?
Peut-être la longueur qui finit par diluer le récit, là où le recueil de nouvelles était une succession de baffes collées au lecteur (il y en a qui aiment, j'en suis). Ou alors cette découverte finale, qui m'a semblé une pirouette malhabile pour essayer de re-paumer le lecteur.

Mais ça reste un livre fascinant, facilement au dessus du commun, et je ne voudrais surtout décourager personne. Ce serait d'ailleurs une idée intéressante, inversement à ce que j'ai fait, de commencer par ce roman puis d'enchaîner avec les nouvelles. Ainsi le roman se parerait du charme de la découverte, ce qui en renforcerait l'attrait.
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Ce court récit est l'un de ces romans très courts qui nous laissent perplexes et décontenancés par leur forme, leur force, leur profondeur et leur singularité; comme un certain roman de Camus "L'Etranger" ou "Les carnets du sous-sol" de Dostoïevski. Ce roman va être une source d'inspiration pour toute une génération de romanciers sud-américains (Garcia Marquez, Fuentes ...) comme étant l'un des premiers romans du "réalisme magique" dans le continent. L'histoire est assez simple: un fils retourne dans son village natal pour chercher son père (qu'il ne connait pas et qui s'appelle Pedro Paramo) après la mort de sa mère. Or, la composition du roman nécessite beaucoup d'attention car la chronologie est bouleversée surtout lorsqu'il s'agit du passé du père tyrannique qui gouvernait ce petit village jadis paradisiaque et qui est désormais un village abandonné et sinistre. En plus les personnages que rencontre le fils dans le village sont étranges; des morts; un village de morts, de fantômes que ni le lecteur ni même Juan le fils ne peuvent s'assurer de leur vie ou mort (jusqu'à une étape avancée du roman). Le talent de Rulfo nous fait vivre cette perplexité et ce vide dans le village. Ainsi le héros et le lecteur avancent dans le doute et l’ambiguïté d'où le plaisir de cette lecture.

Pedro Paramo est un roman inépuisable sur la mort, la religion (et la croyance des villageois) et le pouvoir tyrannique d'un cacique. Un roman plein de murmures où même la terre dégage des bruits de morts (cette image m'a rappelé un vers de Khayyam où il dit : « Il faut marcher délicatement sur cette terre pleine de yeux enchanteresses »; et l'on sait que ce vers était une version d'un autre vers du poète arabe aveugle Abou El Ala : « Ralentis ton pas car je crois que cette terre est faite de corps ») : et voici un extrait du roman contenant cette image:

« Ce village est plein d'échos. Ils semblent avoir été reclus au creux des murs ou sous les pierres. Quand on marche on a l'impression qu'ils vous emboîtent le pas. On entend des craquements. Des rires. Des rires très anciens, comme lassés de rire. Des voix usées d'avoir trop servi. On entend tout ça. »
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Un roman court, un roman surprenant, un roman déroutant, un roman fort...
Encore merci à Gwen, sans qui je n'aurai surement jamais lu cette oeuvre singulière qui me semble inclassable.
Après avoir promis à sa mère sur son lit de mort d'aller à la rencontre de son père, le narrateur, Juan Preciado arrive à Comala, un bien mystérieux village. Il va côtoyer des fantômes, pas toujours identifiables qui, à travers leurs récits, leurs murmures, vont dresser une ambiance très particulière. grâce à ce choeur des morts, on va découvrir petit à petit le portrait de Pedro Paramo, tyranneau de ce village ( ou cacique si vous préférez ).
J'avoue que j'ai été surprise par la lecture de ce livre et que arrivée autour de la page cinquante, en réalisant certains liens, je suis retournée en arrière et j'ai recommencé ma lecture. Je pense qu'effectivement, pour pouvoir apprécier pleinement cette histoire et cette atmosphère, il faut lire ce livre d'une seule traite. de plus, on peut être dérouté par le style de la narration, car on n'arrive pas toujours à cerner les tenants et les aboutissants des informations qui sont distillées par les différents protagonistes. Mais j'avoue avoir été happée par ce livre et son ambiance si particulière que je qualifierai d'unique...
Une lecture qui se mérite et qui vaut le détour...
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Pedro Paramo (1955) est un classique mexicain. J'y ai vu un roman faulknérien dans une des grandes propriétés mexicaines patriarcales au début du XXe siècle. le livre a une forme complexe et des références mythologiques nombreuses.
Un jeune homme entreprend un voyage à la recherche de son père, Pedro Paramo. Un ânier l'amène de l'autre côté d'un fleuve de poussière où tout est désolé. Il semble guidé par des voix. Des morts et des vivants témoignent de ce que fut Pedro Paramo, un tyran. L'ambiance désolée et poussiéreuse évoque l'Enfer. le fond du propos m'a intéressée, la description de la terrible condition féminine en particulier et puis le dialogues des vivants et des morts.
Si vous aimez Faulkner, vous aimerez sans doute Rulfo. Si vous adorez Garcia Marquez aussi. Il y a beaucoup de dialogues mais il est difficile de comprendre qui parle à qui. Il n'y a pas de chronologie non plus. Alors au début surtout j'ai soupiré comme Dolores.
Evitez de lire ce livre à l'heure de la sieste.
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Juan Rulfo m'était absolument inconnu jusqu'à ce que je lise les billets de NastasiaB et de Gwen21 sur Pedro Paramo. Il faut dire que cet auteur mexicain n'a écrit qu'un seul roman (Pedro Paramo donc) et quelques nouvelles. Mais un roman devenu un classique.

Juan Preciado est envoyé par sa mère, maintenant décédée, à Comala, le village dans lequel elle a vécu. Elle souhaite qu'il retrouve son père et réclame le dû de la famille. Comme Juan Preciado, le lecteur n'en sait guère plus.

C'est pourquoi la forme adoptée par Juan Rulfo est extrêmement déstabilisante au départ : il change de narrateur, il voyage d'un temps révolu depuis longtemps à un présent qui ne sera bientôt plus et, surtout, il entremêle dans une même temporalité des personnages bien vivants et d'autres qui sont morts depuis belle lurette.
Mais ne vous y trompez pas ! Juan Rulfo est un génie et loin de faire fuir son lecteur, ce choix narratif permet juste de lui faire perdre pied (et raison) afin d'entretenir la flamme d'un bout à l'autre du récit.

De quoi est-il réellement question dans cet ouvrage si ce n'est de la fascination des Mexicains pour la mort ? La Mort est partout, elle est tout le monde. le village de Comala est d'ailleurs un village-fantôme. J'ai immédiatement eu en tête le village d'Oradour-sur-Glane, pour ceux d'entre vous qui le connaissent. Un village où tout est mort depuis longtemps et dans lequel, pourtant, des murmures s'élèvent pour vous raconter un monde de douleur et de désillusion. C'est à la fois très beau (il y a une forme de poésie là-dessous) et très dur.

Les Morts dansent pour nous, lecteurs, une sarabande funèbre pour brosser le portrait de Pedro Paramo, à moins que ce ne soit finalement le portrait du Mexique que Juan Rulfo ait voulu nous montrer.
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