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Critique de JacobBenayoune


Ce court récit est l'un de ces romans très courts qui nous laissent perplexes et décontenancés par leur forme, leur force, leur profondeur et leur singularité; comme un certain roman de Camus "L'Etranger" ou "Les carnets du sous-sol" de Dostoïevski. Ce roman va être une source d'inspiration pour toute une génération de romanciers sud-américains (Garcia Marquez, Fuentes ...) comme étant l'un des premiers romans du "réalisme magique" dans le continent. L'histoire est assez simple: un fils retourne dans son village natal pour chercher son père (qu'il ne connait pas et qui s'appelle Pedro Paramo) après la mort de sa mère. Or, la composition du roman nécessite beaucoup d'attention car la chronologie est bouleversée surtout lorsqu'il s'agit du passé du père tyrannique qui gouvernait ce petit village jadis paradisiaque et qui est désormais un village abandonné et sinistre. En plus les personnages que rencontre le fils dans le village sont étranges; des morts; un village de morts, de fantômes que ni le lecteur ni même Juan le fils ne peuvent s'assurer de leur vie ou mort (jusqu'à une étape avancée du roman). Le talent de Rulfo nous fait vivre cette perplexité et ce vide dans le village. Ainsi le héros et le lecteur avancent dans le doute et l’ambiguïté d'où le plaisir de cette lecture.

Pedro Paramo est un roman inépuisable sur la mort, la religion (et la croyance des villageois) et le pouvoir tyrannique d'un cacique. Un roman plein de murmures où même la terre dégage des bruits de morts (cette image m'a rappelé un vers de Khayyam où il dit : « Il faut marcher délicatement sur cette terre pleine de yeux enchanteresses »; et l'on sait que ce vers était une version d'un autre vers du poète arabe aveugle Abou El Ala : « Ralentis ton pas car je crois que cette terre est faite de corps ») : et voici un extrait du roman contenant cette image:

« Ce village est plein d'échos. Ils semblent avoir été reclus au creux des murs ou sous les pierres. Quand on marche on a l'impression qu'ils vous emboîtent le pas. On entend des craquements. Des rires. Des rires très anciens, comme lassés de rire. Des voix usées d'avoir trop servi. On entend tout ça. »
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