Plantons déjà le décor, dans les grandes lignes:
Entre la Palestine des années 1990 aux années 2000
aux Etats-Unis. le récit se déploie sur plus de vingt-ans...à travers trois générations de femmes...
Un grand coup de coeur pour ce premier roman...avec des résonances
autobiographiques; Un hommage à la littérature et au courage incroyable de toutes les femmes écrasées, empêchées dans leur liberté et leurs capacités...
On fait connaissance du premier personnage féminin, centre de l'histoire, Isra, jeune fille aimant lire mais devant, étant une fille , se cacher pour le faire...
"- Les Contes des mille et une nuits. C'est celui que je préfère. (...)
- C'est plein de génies et de vizirs, des choses qui n'existent pas. Je préfère les histoires qui parlent de la vraie vie.
-Mais ça parle de la vraie vie, insista Isra. ça parle de la force et de la ténacité des femmes. Personne ne demande à Schéhérazade d'épouser le roi. C'est elle qui se propose, au nom de toutes les femmes, afin de sauver toutes les musulmanes en âge de se marier. Ces histoires qu'elle raconte pendant mille et une nuits, c'est la résistance. Sa voix est une arme, qui illustre le pouvoir extraordinaire des histoires en général, et la force des
femmes en tant qu'individus." (p. 134)
Isra sera mariée de force...De Palestine, elle émigrera, un mari acculé, mis sous pression par une mère terrifiante, gardienne inflexible des traditions les plus oppressantes... L'exploitation de sa belle-fille dévouée à son service, son obligation de faire au plus vite...un héritier...Mais Isra, se dévalorisant, se croyant maudite, ne mettra au monde que des filles !!...
Les pressions, humiliations... seront telles qu'elles mèneront au drame... mais je n'en dirai pas plus....
Le récit se fait à trois voix, alternance de trois générations... de femmes: Isra, sa fougueuse fille, Deya, et Farida, la grand-mère paternelle, mégère absolue !!... sans oublier un quatrième personnage féminin très, Sarah, la jeune tante paternelle de Deya, la première rebelle de cette famille palestinienne, qui s'enfuira pour éviter le mariage arrangé, deviendra libraire... et sera le soutien précieux de Deya, à l'approche du temps, où Deya, à son tour, sera dans l'angoisse de la présentation des prétendants selon les critères de sa grand-mère, qui l'a élevée et qui, au fil de ses années, ne s'est pas adoucie... dans sa rigidité aux règles ancestrales ...
Dans ce quotidien...la seule échappée pour ces femmes recluses, interdites d'exister, est le refuge dans la Lecture, pour tenter de garder la tête hors de l'eau !!
"Elle avait enfin compris. La vie n'était rien de plus qu'une méchante blague pour les femmes.
Une blague qui était loin de la faire rire.
"tu sais ce que c'est ton problème ? reprit Sarah.
-Dis-moi.
-Tu ne lis plus.
Je n'ai pas le temps de lire.
- Eh bien, tu devrais en trouver, du temps. ça te ferait beaucoup de bien. " (...)
-Alors lis en secret, comme moi. Ce n'est pas comme ça que tu faisais, en Palestine ?
-Si." Isra se laissa brièvement séduire par cette idée, avant de la rejeter, et sa propre soumission à l'ordre familial la frappa." (p. 208)
Ce qui est frappant toujours dans ces sociétés où les femmes sont des marchandises... les hommes sont terribles... mais les vrais poisons insidieux et toxiques sont les belles-mères, les mères des "Fils".... perdurant avec hargne à maintenir les règles d'enfermement de leurs belles-filles, ayant pourtant , elles-mêmes supporté brimades , dévalorisation, et harcèlement divers...
" Deya la dévisageait, impassible. Farida savait que sa petite-fille ne pouvait comprendre comment le déshonneur pouvait croître, muter et engloutir quelqu'un, ne lui laissant d'autre choix que de transmettre sa honte afin de ne plus être le seul à la supporter" (p. 359)
Mais l'histoire de notre famille palestinienne va devoir ouvrir les horizons, grâce à la détermination farouche de la petite fille, Deya et de sa tante, Sarah, qui lui ouvrira les yeux, lui fera profiter de ses propres expériences traumatisantes....
Un magnifique premier roman bouleversant, révoltant...captivant... qui nous offre un récit haletant... mais aussi, au terme du roman , des lumières d'espoir et de changements inespérés... dont la victoire de Deya , qui est parvenue à fléchir sa grand-mère pour obtenir le droit de s'inscrire à l'Université... [mais pas que...! ]. Une vraie pépite... merveilleusement habillée d'une jaquette très réussie et fortement symbolique { un ensemble de silhouettes féminines, colorées, voilées, de dos...) de Helen Zughaib " Women against the night"...
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