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EAN : 9782843449840
256 pages
Le Bélial' (17/06/2021)
4.06/5   8 notes
Résumé :
Un essai consacré au mouvement littéraire initié par William Gibson dans les années 1980 et aux différentes manières dont il a infusé la modernité jusqu'à la vie quotidienne du début du XXIe siècle.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Une vigoureuse étude du mouvement littéraire cyberpunk des années 1980-1990, et une salutaire appréciation de son contenu politique toujours pertinent aujourd'hui.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/08/16/note-de-lecture-cyberpunks-not-dead-yannick-rumpala/

Trois ans après son excellent « Hors des décombres du monde : écologie, science-fiction et éthique du futur », l'universitaire en sciences politiques Yannick Rumpala nous revient avec ce « Cyberpunk's not dead », publié en juin 2021 au Bélial (dont le travail éditorial de plus en plus incisif en matière d'essais en langue française liés au rôle socio-politique de la science-fiction doit ici être salué), essai dont le ton apparemment irrévérencieux voire légèrement humoristique ne doit pas masquer un seul instant le caractère à la fois profondément sérieux et éminemment nécessaire.

La révolution cyberpunk de 1985-1990, alors avant tout littéraire, avait secoué le monde de la science-fiction, et accéléré un envahissement de la pop culture par certaines thématiques qui y étaient directement rattachables – même s'il ne faut pas ici surestimer, comme tend à le faire quelque peu Yannick Rumpala, après Bruce Sterling à l'époque, une rupture abrupte entre un vieux space opera et un jeune cyberpunk, Harlan Ellison ayant produit « Dangereuses visions » en 1967, John Brunner ayant écrit « Tous à Zanzibar » en 1968 et « Sur l'onde de choc » en 1975, et James Graham Ballard ayant composé sa « Trilogie de béton » entre 1973 et 1975. Mais bien souvent, et la sphère du cinéma et des séries en témoignait largement, cet envahissement avait été in fine bien plus esthétique que politique.

En parcourant avec une ferveur documentée de tout premier ordre (et en prenant la peine, dès les pages 25-26 de son ouvrage, de justifier le choix de son corpus d'analyse, ce dont trop de chercheurs universitaires opérant aux frontières de la littérature et des sciences politiques s'affranchissent gaillardement et dommageablement) le Cyber et le Code (ou l'exubérance technologique et informatique du cyberpunk), le Capitalisme et les Corporations (ou l'économie politique du cyberpunk), les Cités (ou les géographies et spatialités du cyberpunk), les Corps et les Cyborgs (ou l'avènement hypothétique d'une condition posthumaine), le Chaos, les Contre-cultures et les Criminalités (ou les mondes sociaux du cyberpunk), et enfin le Cyberespace (ou l'abandon de la nature et les nouvelles écologies virtuelles), Yannick Rumpala nous force à reconsidérer de très près ce genre littéraire pionnier et beaucoup plus robuste qu'il n'y semblait désormais, à en peser la force visionnaire comme les limites, et surtout, à en mesurer la vertigineuse puissance politique.

En disséquant habilement et profondément les ouvrages d'époque de William Gibson, de Bruce Sterling, de Lewis Shiner, de Pat Cadigan, de George Alec Effinger, de John Shirley, de Michael Swanwick, de Walter Jon Williams ou de Rudy Rucker, en insistant sur la puissance de leur densité en éléments évocateurs d'abord non expliqués (poussant vers l'un de ses paroxysmes, en général sans sacrifier l'élégance, l'une des caractéristiques fondamentales d'une poétique de la science-fiction, pour reprendre les termes d'Irène Lenglet et de Simon Bréan, après naturellement ceux de Darko Suvin), en y faisant la part légitime de l'anthropologie des techniques (surtout par la « mise en scène de la densification technologique »), en identifiant le tribut versé à la figue de la mégalopole asiatique (avant la percée road-poétique de Mahigan Lepage), en signifiant fortement la disparition des régulations et la balkanisation des instances étatiques (à la grande différence du travail important de Serge Lehman dans sa trilogie « F.AU.S.T. », quelques années plus tard) tout en y discernant logiquement les cultures issues d'Hakim Bey, Yannick Rumpala nous montre avec une grande clarté que le cyberpunk originel est peut-être avant tout l'histoire d'un progrès technologique omniprésent sans aucun progrès social ou presque, prenant place au sein d'une déliquescence généralisée du politique, qui s'est fait dissoudre presque naturellement dans le néolibéralisme paroxystique d'un nouveau féodalisme et d'une uber économie nettement avant la lettre, développant un anti-humanisme qui n'est pas, comme le soulignait Bruce Sterling alors et comme le rappelle maintenant l'auteur, « un coup littéraire pour outrer la bourgeoisie ; c'est un fait objectif sur la culture à la fin du XXe siècle ».

Entre la « surveillance liquide » de Zygmunt Bauman et l'adaptabilité cardinale de Barbara Stiegler (vertu de malléabilité si prisée du capitalisme tardif, déjà bien saisie aussi dans ses prémices par Luc Boltanski, Laurent Thévenot et Eve Chiapello dès le début des années 1990), en insérant cette étude détaillée du mouvement cyberpunk et de son contenu politique pérenne, comme Fredric Jameson lui-même regrettait à l'époque de ne pas l'avoir suffisamment fait (à « un moment historique où il est devenu des plus difficiles de saisir intellectuellement le capitalisme globalisé qui a transformé le monde »), Yannick Rumpala , comme par exemple, dans d'autres champs opératoires, Jean-Paul Engélibert ou Ariel Kyrou, concourt de manière extrêmement précieuse à l'intellection de notre présent et de notre avenir à travers l'usage intelligent des créations fictionnelles et de leurs contenus politiques.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Le réel est désormais science-fictionnel


Le livre est une question à laquelle il se garde bien d'apporter une réponse. Les auteurs cyberpunk ont-ils été visionnaires à ce point que nombre de leurs prophéties se sont réalisées ou ceux-ci ont-ils tellement marqué l'imaginaire de leurs contemporains qu'ils ont méthodiquement fait en sorte que l'ère cyberpunk advienne ?

A l'aune de ce questionnement fondamental, Rumpala dresse le bilan, thème par thème, de ce qui est effectivement advenu et ce qui est resté dans les limbes spéculatives du genre. Leur plus grand raté est de n'avoir pas vu l'invasion du téléphone portable mais pour tout le reste on est à peu près dans les clous. L'hyper-capitalisme et ses sociétés plus puissantes que des états, internet et l'enchevêtrement de ses connexions, la technologie informatisée omniprésente et les villes-mondes de plus en plus peuplées et cosmopolites.

On pourrait aisément imaginer que les historiens du futur qualifient notre époque d'ère cyberpunk (en guise de postmodernité). Celle-ci débuterait avec l'effondrement du communisme (dernier rempart au capitalisme) et l'arrivée de l'internet domestique pour prendre son essor définitif avec l'avènement du macro-terrorisme et du haut-débit, le tout se jouant en à peine une décennie.

Cette ère cyberpunk peut durer cent ans ou plus en fonction des avancées technologiques et scientifiques qu'elle charriera, ces mêmes avancées qui, arrivées à un trop grand niveau d'amplitude, viendront mettre un terme à sa réalité. Dès lors, ma prédiction est que nous basculerons dans une ère nouvelle, que j'appellerais techno-médiéval, qui pour ses observateurs fera office de finalité eschatologique à l'image du jugement dernier.

Pour conclure, un très bel essai qui nous plonge dans les bras douillets de l'irrémédiable prise du cyberpunk. Pour un vieux rôliste comme moi, c'est toutes mes séances de Shadowrun qui se ravivent, qui furent comme une préparation à l'inéluctable, un entraînement à une certaine lucidité pour en demeurer en périphérie autant que faire se peut.

Les écrivains du mouvement cyberpunk, clôturant la nouvelle vague de la SF, ont fait preuve d'une grande sagacité divinatoire mais n'avaient-ils pas qu'à projeter de manière mécanique tout ce que le début des années 80 mettait à la disposition de leur prospective.

Alors non le cyberpunk n'est pas mort, il est même bien vivace.




Samuel d'Halescourt
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Yannick Rumpala analyse le cyberpunk, sous genre de la science-fiction né dans les années 1980, notamment sous la plume de William Gibson. Cet essai pertinent et documenté donne envie de se plonger dans les oeuvres citées qui raisonnent encore de nos jours.
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Bonne synthèse sur le mouvement cyberpunk en littérature (essentiellement anglo-saxone puisque c'est dans ce domaine linguistique que les auteurs ont été particulièrement actifs), avec aussi quelques références au cinéma, mais peu (Akira n'est pas mentionné par exemple, ni le Métropolis de Rintaro). Par endroits le style aurait pu être moins tarabiscoté, mais cela reste un ouvrage qui m'a été utile.
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Le cyberpunk a cimenté les bases de l'internet. La virtualité dans son aspect le plus noir et dérangeant parsème cet ouvrage docte et dont la bibliographie frise le logos, le verbe d'un Dieu sans lois, si ce n'est que celle du code informatique. Car le C++ est la brique, entre autres, des logiciels, des pages internet (CSS, HTML) qui érige notre espace virtuel.
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critiques presse (1)
NonFiction
30 décembre 2022
Un essai audacieux qui propose d’aborder notre époque par le prisme du cyberpunk, ce sous-genre de la science-fiction qui a marqué les années 1980 et qui reste redoutablement actuel.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Somme toute très actuel ? Trop actuel ? Trop ressemblant avec le présent ? Ou trop daté ? Trop lié à son époque ? Le cyberpunk avait marqué la science-fiction des années 1980, à la fois comme dérivé du genre et mouvement littéraire. Tout un imaginaire relativement nouveau paraissait alors s’ouvrir, notamment autour des potentialités de l’informatique. Un imaginaire chargé d’anxiétés multiples aussi. Pressuré à l’excès, rattrapé par les avancées technologiques, cet imaginaire avait paru s’épuiser. Il a pourtant trouvé des résonances qui ont persisté bien au-delà. Voire persistent encore… Avec le recul, ces visions qui n’étaient que de fiction présentent en effet des correspondances troublantes avec des évolutions ou des tendances qui allaient devenir plus visibles ensuite. Prolifération technologique ? Harnachement technique des corps ? Évasion dans des mondes virtuels ? Domination économique des multinationales ? Précarisation sociale ? Fragmentations culturelles en nouvelles tribalités ? Tous ces ingrédients largement exploités dans le cyberpunk semblent maintenant présents, presque comme des évidences, dans un paysage devenu bien trop familier.
Tous ces éléments, les sciences humaines et sociales ont aussi à leurs manières, plus académiques, essayé de les saisir. Pourtant, fréquenter ces disciplines plus ou moins assidûment peut laisser le sentiment que, du point de vue des conséquences possibles de ces tendances, il leur manque quelque chose : comme une « description dense », telle celle recherchée en anthropologie interprétative pour pouvoir appréhender les comportements et actions sociales avec davantage de profondeur. C’est pourquoi, même si les ambitions de départ sont différentes en apparence, il peut devenir tentant de rapprocher et faire travailler ensemble ces façons d’aborder les sociétés et leurs transformations. Ce rapprochement serait alors un moyen de profiter des ressources et richesses de la fiction pour pousser plus loin des questionnements qui, en sciences sociales, peinent à trouver une véritable profondeur temporelle.
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Une force de l’imaginaire cyberpunk est de mettre ensemble des dynamiques qui font système et de les rendre presque sensibles. En poussant plus loin la densité technique, cet imaginaire esquisse les transformations possibles de la condition humaine, harnachée, augmentée, décorporée même, au point de paraître devenir de plus en plus posthumaine. En plongeant dans la complexité des réseaux d’un monde multiplement globalisé (sur les plans économique, médiatique, financier, etc.), il signale et métaphorise des puissances à l’œuvre, celles d’un nouvel ordre qui peut être appelé « technocapitalisme », à défaut de trouver une meilleure dénomination. En rendant plus saillants des effets structurants, il donne une manière de saisir ceux que contiennent certaines trajectoires technologiques et ce qui est induit comme transformations, autant dans les champs d’expérience des individus que dans les fonctionnements des collectifs. Avec une forte tonalité de désenchantement en plus… Les atmosphères ? Souvent sombres et violentes. Les environnements sociaux ? Plutôt troublés et menaçants.
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Le cyberpunk étale l’espèce de nihilisme de ce qui reste de pulsion capitaliste, qui poursuit parce qu’il faut toujours plus, mais sans arriver à trouver un autre sens. (…) Dans ce futur, la minorité possédante aurait comme anticipé les effets des impulsions technologiques, tant en termes de dégradation des conditions de vie que d’emploi : elle aurait comme pris conscience de l’intérêt ou de la nécessité de prendre le maximum de distance par rapport aux masses laborieuses rendues inactives, nécessiteuses et potentiellement haineuses.
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Utopie pour les riches, dystopie pour les pauvres ?
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Vidéo de Yannick Rumpala
Utopiales 2021.
Science et politique peuvent-elles s'allier pour le meilleur ? Dans les romans de science-fiction, lorsqu'un virus échappe à tout contrôle, le gouvernement fictif commence toujours par mentir. La gestion politique de la pandémie dans le monde s'est souvent perdue. Naviguant à vue entre pénurie matérielle, nécessités économiques, psychologiques ou sim- plement de survie, les gouvernements se sont autant appuyés lourdement sur les avis scientifiques qu'ils les ont ignorés avec superbe, voire maquillés, déformés, transformés. Peut-on obtenir un consensus scientifico-politique efficient ? Avec : Yannick Rumpala, Jérôme Santolini, Gwen de Bonneval Modération : Yann Olivier
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