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Critique de Fandol


Je ressors bouleversé de la lecture de Furies, le roman de Julie Ruocco, une jeune autrice que je lis pour la première fois grâce au Prix des Lecteurs des 2 Rives 2022 pour lequel elle est en lice.
Furies, nom donné par les Romains aux Érinyes grecques, filiation d'Ouranos (Uranus à Rome) dont l'une d'elles est gravée sur une pierre découverte par Bérénice dans un chantier de fouilles, en Thessalonique. Cette Furie l'accompagne pendant tout le récit. Jeune archéologue, Bérénice a subtilisé cette oeuvre d'art et la porte en pendentif. D'ailleurs, complètement traumatisée par la destruction des monuments de Palmyre par les djihadistes, elle a choisi de collaborer à un trafic d'oeuvres d'art, ce qui la ramène au Moyen-Orient d'où son père l'avait fait venir en France.
Voilà Kilis, petite ville turque à la frontière de la Syrie où Bérénice doit récupérer un lot d'objets précieux, du trafic issu des fouilles archéologiques. Une terrible explosion bouleverse tout mais Bérénice en réchappe sans oublier de récupérer le sac et son précieux contenu.
C'est tout près de là, à Öncüpınar qu'elle prend avec elle une fillette qu'une femme lui confie pour la sauver du camp de réfugiés où elle se trouve.
Bérénice, la fillette. Il ne manque plus que le troisième personnage important de ce roman terriblement réaliste : Asim. Lui, il était pompier dans sa ville syrienne où l'on vivait heureux après la révolution, la libération voulue par le peuple. Ce peuple est maintenant massacré par les djihadistes utilisés par le régime de Bachar al-Assad pour mater toute tentative de transformation du pays, quel qu'en soit le prix.
Tout au long du livre, Julie Ruocco me captive aussi bien par ses descriptions, ses moments de vie au plus près des gens comme par ses réflexions sur ce qui se passe là-bas sans que les pays occidentaux n'interviennent.
Quand tout bascule, l'État syrien ayant relâché les djihadistes emprisonnés pour interner les manifestants et les révolutionnaires, Asim devient infirmier puis fossoyeur. Sa soeur aînée, Taym, s'est révélée parmi les leaders du mouvement. Elle ne cesse de réunir toutes les preuves des massacres, tortures, exécutions sommaires perpétrés par ces hommes entièrement vêtus de noir. Tout cela est enregistré sur une clé USB afin que rien ne soit oublié.
C'est finalement à Kilis que Bérénice et Asim se rencontrent, ce dernier a fui sa ville dévastée, a appris à établir de faux papiers. Avec la fillette recueillie par Bérénice, ils doivent fuir encore pour vivre un temps au Rojava, le Pays des Deux Rivières au Kurdistan. Là, les Peshmergas tentent d'établir une vie démocratique où les femmes sont les égales des hommes.
C'est là que Bérénice est choquée profondément lorsqu'une femme, entièrement vêtue de noir, derrière les barbelés d'un camp de prisonniers, l'apostrophe avec l'accent parisien : « Couvre-toi la tête, tu es indécente. »
Comme beaucoup d'autres, elle fait partie de ces Européens venus semer la mort dans ces pays qui aspiraient tellement à la liberté.
Entre les cauchemars de Bérénice et le dur contact avec son quotidien, Julie Ruocco réussit à me faire comprendre, toucher du doigt la réalité de cette ronde de Furies antiques, se répétant sans cesse au cours de l'histoire.
Furies est un terrible roman allant bien au-delà des faits racontés avec précision. Julie Ruocco, de son écriture parfaite, a su me prendre et captiver mon attention tout en poussant ma réflexion sur des drames se jouant à notre porte et que nous avons laissé faire, le payant aussi, chez nous, par la mort violente de beaucoup trop d'innocents. Nous avons laissé faire et nous l'avons payé cher.
Réfléchissons alors pour tenter de comprendre et, pourquoi pas, empêcher que cela recommence comme l'actualité se charge de nous le rappeler régulièrement.

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