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4,08

sur 514 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai fini. J'ai fini, et trouvé que la lecture suivante manquait un peu.. d'épices?

Alors, il était une fois..
Non, je ne crois pas que ce soit un roman que l'on puisse résumer brièvement.
Sinon, il faudrait parler de quoi? D'un garçon de 30 ans, plein de fissures qui se creusent de plus en plus, Saleem SinaÏ dit Morve au nez (il a bien d'autres qualificatifs). Qui , s'efforçant de conter plus vite que Shéhérazade , va raconter son histoire, celle de sa famille, celle de ses pays, l'Inde et le Pakistan.

Il faudrait parler des trous, trous dans les draps, trous dans les estomacs, de fragments, fragments de corps aimés successivement ou représentatifs d'un individu, nez, oreilles, genoux. du mercurochrome et du sang. Des crachoirs incrustés de lapis -lazulis. Des mères qui ne sont pas les vraies mères mais qui seront les vraies grands-mères. Et bien, oui. C'est comme cela.
Bien sûr de ce qui s'est passé le 15 août 1947 à minuit et dans l'heure qui a suivi. Des tétrapodes, de la lettre du Premier ministre, des serpents ( il y en a beaucoup) , du Singe de cuivre (qui après avoir chanté mange du pain au couvent mais..chut! ), de l'importance des coffres à linge et des chutes de vélo dans le parcours d'une existence,

Des mille et un enfants de minuit, de leurs congrès et de leurs pouvoirs. Dont deux en particulier, Shiva, bien sûr et Parvati la Sorcière. de la Veuve dont les cheveux sont séparés par une raie au milieu, verts sur la gauche, noirs sur la droite. de la Veuve qui stérilise.. D'une confession , de cinéma indien, de cors aux pieds, de caves et de tapis.
De guerres qui détruisent les familles, de soldats de religion différentes ( à certains on promet au ciel quatre houris magnifiques , à d'autres d'être réincarnés en blattes ou en scorpions, ça change la donne, quand même) . de jungle et du bouddha qui tient le rôle du chien …Et du fameux chutney vert, le seul, l'unique, mais la recette, alors là..

Compliqué? Pas vraiment, qui est donc ce Saleem?:
"Ma réponse: je suis la somme totale de tout ce qui m'a précédé, de tout ce que j'ai été, de tout ce qu'on m'a fait. Je suis tout le monde toutes les choses dont la venue au monde fut affectée par la mienne. Je suis tout ce qui arrivera quand je ne serai plus et qui ne serait pas arrivé si je n'étais pas venu. Et je ne suis pas particulièrement exceptionnnel dans ce domaine; chaque « moi » , chacun des plus des six cent millions que nous sommes maintenant contient une multitude semblable. Je le répète pour la dernière fois: pour me comprendre, vous devez avaler tout un monde."

Saleem, en racontant son histoire , nous raconte l'histoire de l'Inde et du Pakistan, ses gouvernements successifs, ses guerres, ses classes sociales, ses modes de vie.

Tout cela semble un peu confus? Raconté par moi, je ne le conteste pas! Mais je ne suis pas Salman Rushdie , qui parvient ,dans la construction de cette épopée,de ce fleuve littéraire très agité, non seulement à nous tenir constamment en haleine, mais aussi à régulièrement faire des rappels, mises au point, répétitions des thèmes récurrents métaphoriques principaux.
Ce n'est pas compliqué, c'est dense, burlesque, très drôle, vif, coloré, épicé, la langue est un régal( excellente traduction de Jean Guiloineau) le rythme est assez infernal, et je n'ai pas ressenti un moment d'ennui.

Par contre, difficile de nier que pour mieux comprendre de quoi il parlait , j'ai dû consulter régulièrement l'histoire plus officielle car les principaux évènements historiques sont dévoilés, distillés, et mêlés à toutes les histoires familiales et digressions de tous ordres.

Mais je ne me fais pas de souci quant à la conservation de cette histoire , prête à être transmise, car c'est à cela que sert la littérature. Elle tient dans " trente bocaux rangés sur une étagère, attendant d'être lâchés dans la nation amnésique ".

"Conserver, après tout, c'est donner l'immortalité; poissons, légumes, fruits, sont embaumés dans le vinaigre et les épices; une certaine altération, une légère intensification du goût ne sont sans doute pas bien graves. L'art consiste à changer la saveur en degré et non en nature; et, par dessus-tout, lui donner forme- c'est à dire sens ( J'ai déjà parlé de ma peur de l'absurdité). Un jour, peut être, le monde goûtera mes conserves d'histoire. Elles pourront être trop fortes pour certains palais, leurs odeurs pourront être trop violentes, des larmes pourront en venir aux yeux; j'espère cependant qu'il sera possible de dire d'elles qu'elles ont le goût authentique de la vérité..qu'elles sont, en dépit de tout, des actes d'amour."

J'y ai goûté, les ai trouvées tout à fait à mon goût, et me demande pourquoi j'ai mis tant de temps à lire Salman Rushdie!
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Autant j'avais appréhendé Les versets sataniques et en été sortie enchantée, autant j'attendais cette lecture et … comment dire. Je ne peux pas dire que j'ai été déçue car ce livre est un monument, il est totalement hors normes sur pas mal de plans, mais je n'y ai pas, ou seulement pendant de brefs instants, retrouvé ce qui m'avait fait accrocher aux personnages de Gibreel et de Saladin. Pourtant j'y retrouve l'extraordinaire talent de conteur de Rushdie. Indéniablement j'apprécie beaucoup plus Les versets satanique, mais cela n'enlève rien aux qualités des Enfants de minuit. C'est une incroyable fresque, qui par bien des aspects fait penser au Tambour et à Cent ans de solitude (les oeuvres majeures de deux prix Nobel, rien que ça), parcourant l'histoire de l'Inde., et surtout la période après la décolonisation. La lecture n'est pas aisée, probablement (juste) un peu plus compliquée pour un lecteur occidental, mais ce n'est pas un gros problème, hormis les multiples changements de nom des personnages. C'est à la fois l'histoire de la famille Sinaï, celle de Saleem Sinaï né à minuit le jour de la déclaration d'indépendance de l'Inde (lui et tous les enfants d'Inde nés à ce moment-là ont des pouvoirs spéciaux) et l'histoire de l'Inde. J'ai adoré l'idée de ce roman qui tient en même temps de la saga familiale, du conte des Mille et une nuits, de la satire politique, de la farce ou du vaudeville. J'ai adoré aussi la posture de narrateur, très originale, puisqu'il écrit son récit à la troisième personne tout en reprenant la première personne avec sa femme Padma à qui il raconte ce qu'il écrit. Il joue de cette position avec jubilation, savourant sa toute puissance et lançant des clins d'oeil au lecteur. C'est un livre dense, complexe et foisonnant qui nous fait parcourir le sous-continent indien et où les personnages endossent les différentes cultures de l'Inde. La narration est brillante, mêlant sans cesse les trois plans, familial, personnel et politique, rendus indémêlables, mis en « trente bocaux rangés sur une étagère […] (Et, à côté, un bocal vide.) » La métaphore des bocaux de conserve pour les trente (et un) chapitres du roman est superbe. Un très grand roman.
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Saleem Sinai est le premier enfant de la nouvelle Inde. Il est né à minuit le 15 août 1947 le jour où l'Inde devient indépendante. Mais raconter seulement son histoire sans parler de son grand-père, de sa descendance, des autres enfants de minuit serait simplifier un peu trop les choses. Donc partons du moment où son grand-père n'avait pas encore rencontré celle qui allait être sa grand-mère…
Ça fait quelques temps que j'avais Les enfants de minuit sur mes étagères mais je me suis intimidée par le personnage d'auteur. Je penserai que ce serait complexe à lire alors que c'était un vrai délice. Difficile de résumer ce livre, ce n'est pas seulement une biographie fantastique étendue à avant sa naissance ainsi qu'à d'autres personnages, c'est aussi l'histoire de l'Inde qui est étroitement liée à celle du narrateur. Ça fourmille de personnages, tous plus impressionnants et originaux les uns que les autres. J'ai adoré le style de Salman Rushdie, plein d'humour, de réalisme magique un peu comme un roman de la littérature sud-américaine ( ?). le livre est dense, raconte l'histoire de l'Inde à travers une saga familiale. J'ai été envoûtée par sa plume, complètement prise par le récit, même si légèrement déçue par le livre III. Un auteur que je veux relire absolument !
Merci Walktapus (si tu passes par là) pour cette pioche !
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Le personnage m'a longtemps fait peur : rien que ses sourcils en accent circonflexes, ses yeux perçants, et cette fatwa qui lui est tombé dessus pour un livre qui s'appelle Versets sataniques, tout ça était bien inquiétant pour moi à l'époque !
Et puis finalement… quelles promesses dans un roman dont le titre est si scintillant, magique ! Finalement, plonger dans les Enfants de Minuit c'est plonger dans une Inde mythique, colorée, bigarrée, l'Inde des bas-fonds et de Bollywood, celle des charmeurs de serpents et des sacs d'épices.
Le bazar, quoi, celui des marchés orientaux, où l'on se perd, foisonnant, bondé. Bondé comme ce roman aux multitudes de personnages qui, ensemble, avancent dans l'Histoire d'un pays tout neuf, né le même jour que notre narrateur, le 15 août 1947 à minuit exactement. « Dans toute la nouvelle Inde, notre rêve commun, des enfants naissaient qui n'étaient que partiellement les descendants de leurs parents – les enfants de minuit étaient aussi les enfants du temps : engendrés, comprenez-vous, par l'histoire. Cela peut arriver. En particulier dans un pays qui est lui-même une sorte de rêve ».
Notre narrateur nous conte l'histoire de cette naissance hors du commun et son destin intimement lié à celui de son pays, entre grandeur et décadence jusque dans ses aspects les moins reluisants, agaçant au plus haut point sa première auditrice, Padma, penchée au-dessus de son épaule, par ses multiples digressions que j'ai personnellement savourées. Bref, Salman Rushdie s'amuse, c'est évident ; Je le vois dans ses yeux scintillants, à l'ombre de ses sourcils diaboliques.
Ce qu'il m'en reste, quelques jours après avoir tourné la dernière page ? Un peu de poussière magique, de l'admiration pour cette imagination foisonnante et cette technique maîtrisée du conte, le bonheur de l'avoir lu, et un intérêt nouveau pour la double histoire de l'Inde et du Pakistan contemporains. Et je n'ai plus peur de Salman Rushdie.
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Quelle gifle j'ai reçue à la lecture de ce roman, son second roman ! Une plongée dans le tumulte de l'Inde et le foisonnement d'une écriture nouvelle où cohabitent sans la moindre hésitation fiction et réalité, dieux et humains, fantastique et réalisme, amour et haine, réussite et pauvreté, politique et rêverie.
Rushdie a certainement réussi à capturer en quelques centaines de pages l'histoire en marche de tout le sous-continent indien.
Qu'en dire encore ? Après 30 ans, j'ai oublié la majeure partie du contenu mais la base de l'intrigue est restée intacte dans ma mémoire ainsi que certains traits au laser décrivant les travers d'une société en pleine ébullition et d'une Inde qui se construit.
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Midnight's children
Traduction : Jean Guiloineau

Voici un roman fabuleux dont l'auteur parvient à tenir en haleine son lecteur avec le même brio que Shéhérazade dans "Les Mille et une Nuits." Pourtant, ce n'est pas cela qui est ici le plus remarquable : ce qui séduit et émeut avant tout, c'est la certitude, très vite acquise, du drame vécu par Rushdie, profondément et viscéralement Indien avant que d'être musulman.

"Les Enfants de Minuit" est un hymne somptueux à l'Inde, une Inde au passé multi-ethnique et multi-religieux mais dans laquelle la sagesse millénaire de la civilisation indo-européenne s'impose comme référence primordiale. Comme l'indo-européen, ancêtre des langues parlées sur notre planète par à ce jour trois milliards d'individus, a uni l'Occident à une partie de l'Orient, Rushdie tente de sceller dans ce livre l'union de l'Inde hindoue et de l'Inde musulmane.

Déiste plus qu'athée véritable, conteur-né dont la sensibilité au merveilleux permet de faire admettre naturellement le basculement de l'intrigue, à certains moments, dans une forme de fantastique, poète incontestable bercé aussi bien par les mythes flamboyant de couleur de la culture hindoue que par les récits tout aussi colorés venus d'Arabie par le biais de l'islam, Rushdie brosse ici une fresque grouillante et pleine de lumière où seules les dérives et les interdits religieux sont traités sans tendresse.

Résumer l'intrigue est chose impossible - sous peine, entre autres, d'en dévoiler un peu trop les fils. En gros, il s'agit de la vie d'une famille indienne de religion musulmane, les Sinai-Aziz, depuis la perte de la foi par le grand-père maternel, Aadam Aziz, jusqu'à la rupture avec le Pakistan et le retour dans le giron de la Grande Mère Inde de son petit-fils, Saleem, qui est aussi le narrateur du récit.

En toile de fond, les tribulations de l'Inde, de l'immédiate Indépendance jusqu'au règne d'Indira Gandhi (magnifiquement identifiée à la déesse Kali par Rushdie) en passant par la partition du Pakistan - "pays de la pureté" (!!!) - et, bien entendu, la guerre qui opposa le Pakistan à la République indienne dans les années soixante.

Le style est chatoyant, on dirait une foule de soieries, plus luxueuses les unes que les autres, qui se déplient une à une, affolant et ravissant l'oeil tout à la fois et dont l'éblouissant assemblage sert à masquer autant qu'à mettre en valeur le ton pince-sans-rire, attendri, cruel aussi, avec lequel Rushdie évoque sa nation et son peuple.

Un livre fascinant et une bouffée d'espoir pour tous ceux qui pensent qu'un jour, l'islam connaîtra sa révolution des Lumières. Mais un livre qui conforte aussi dans la certitude que ces Lumières-là ne pourront venir que d'un peuple non-arabe. ;o)
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Ayant terminé plutôt à reculons Les versets sataniques, je me suis lancée dans la lecture des Enfants de minuit, forcément, tout autant à reculons. Et pourtant...

Pourtant, alors que nous sommes, dès les premières pages, transportés dans une Inde baignée de réalisme magique - et Dieu sait que je suis pas du tout férue de réalisme magique -, j'ai cette fois été particulièrement conquise, malgré quelques longueurs, par l'histoire de Saleem Sinai qui raconte, des péripéties de ses grands-parents à l'écriture de son autobiographie, en passant par sa naissance, ses diverses aventures et mésaventures extraordinaires qui auront lieu entretemps, l'Histoire de l'Inde, de son indépendance le 15 août 1947, justement jour de sa naissance, à minuit tout pile, signant la partition du pays en deux états, l'Inde et le Pakistan, jusqu'aux guerres pakistano-indiennes menant à la création d'un nouvel état, le Bangladesh, en 1971, et tous les travers, politiques, économiques, sociaux... qui en ont incombé, avec Indira Gandhi au centre de toute cette Histoire.

Et tout cela, Saleem, enfant de minuit au destin et pouvoir exceptionnels, forcément liés à l'Histoire de l'Inde, comme un peu plus de cinq-cent autres nés et ayant survécu ce jour-là - enfin c'est ce qu'il croit -, le raconte non sans humour, non sans auto-dérision également, non sans effets de rupture dans la narration qui mettent à mal l'attente du lecteur, et de Padma, son auditrice, dans une langue tantôt recherchée, tantôt orale, tantôt sérieuse et grave, tantôt gouailleuse, faisant de notre personnage une sorte de picaro des temps modernes, presque attachant par tous les coups du sort qui traversent non seulement son histoire, mais aussi celle de sa famille.

Roman d'apprentissage, roman historique, roman d'aventures, roman d'amour, roman politique, roman philosophique, Les enfants de minuit est, indéniablement, un grand roman de la modernité, riche, multiple, complexe, passionnant qui mérite, tout aussi indéniablement, son Booker Prize.

Une lecture qui prouve, encore une fois - et cela m'arrive souvent en ce moment -, qu'un auteur que l'on n'a pas forcément apprécié une première fois peut, finalement, nous réserver une belle surprise. Je relirai donc d'autres oeuvres de Salman Rushdie, plus que convaincue par cette deuxième entrée dans son univers si particulier, sans, cette fois, y aller à reculons.
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Saleem est né à minuit tout pile, le jour de l'indépendance de sa mère patrie l'Inde, en août 1947. Il n'est pas le seul : plus de mille enfants ont vu le jour entre minuit et une heure du matin cette nuit-là, et tous sont porteurs de pouvoirs magiques divers et variés, plus puissants dès lors qu'ils étaient nés le plus proche de minuit. Échangé par une sage-femme avec Shiva en cette nuit de fête, Saleem nous raconte sa vie, étroitement mêlée à celle du tout jeune pays...

Wow... Je ne sais pas vraiment quoi dire. Ce récit est une épopée, aussi bien pour le personnage principal que le lecteur qui traverse avec lui les grands moments de la formation d'une nation indépendante aussi bien que les grands moments de la vie d'un être humain qui se construit.
On est plongés dans des faits historiques alignés sur des faits purement fictifs, agrémentés d'une bonne dose de surnaturel qui colle parfaitement au folklore local. le récit est hyper riche, la narration maîtrisée, l'histoire entraînante. Ce n'est pas le livre le plus facile à lire, de par sa narration à la limite du courant de conscience, mais son style fait partie intégrante de la satisfaction éprouvée à sa lecture. Finalement, l'ouvrage est bluffant, en de nombreux points. Je conviens du fait qu'il est long, que certains passages (un peu plus que parfois mais pas souvent non plus) traînent trop sans apporter plus que ça. Mais le rendu global est saisissant, unique. Tellement unique et vaste et abondant qu'il est peu aisé de revenir sur chaque détail ou même les plus grandes lignes. Car il y en a tellement...
C'est le genre de bouquin qui laisse un goût spécial dans la bouche quand on l'a fini ; le genre de bouquin qui ne laisse pas indifférent ; le genre qui interroge ; le genre qui épate parce qu'il est copieux (tous les sens s'appliquent). Son originalité n'a presque pas d'égal, ce qui en fait un petit bijou de la littérature.
Dedans, il m'a semblé y déceler certains prémisses aux "Versets sataniques", avec la dualité Saleem/Shiva façon yin et yang, comme avec les personnages de Gibreel et Saladin qui représentent clairement le Bien et le Mal dans toutes leurs ambiguïtés... Ajoutons à cela que l'auteur est lui aussi né en cette année d'indépendance, à peine quelques mois avant son personnage phare. On sent l'implication personnelle derrière les conséquences de certains évènements, la critique derrière les ratés condamnables gouvernementaux... Aujourd'hui faisant partie intégrante de la diaspora indienne, l'auteur, qui a quitté le pays en 1960, s'est toujours senti concerné par ce qui s'y passait, ainsi qu'il l'a confié lors d'une conférence à San Francisco en septembre 2017 à laquelle j'ai assisté. On sent dans ses récits l'attachement à la terre et aux hommes qui la peuplent, tout comme il n'hésite pas à critiquer les formes de pouvoir en place et les inégalités traditionnelles. Et puis... n'oublions pas l'hommage à son fils Zafar, né l'année de la publication de cet ouvrage, avant "Haroun et la mer des histoires" qu'il a en partie écrit pour lui, dont il donne le nom à l'un des personnages de son livre (ou est-ce finalement le nom de ce personnage qui lui a plu au point de nommer son premier enfant de la sorte ?).
Tout ça pour dire que ce roman a une âme aussi parce que son auteur y a mis dedans énormément de lui-même. C'est sans doute ça la recette qui lui a permis de décoller enfin dans le monde de la littérature et qui a tracé la route directrice de son oeuvre globale...
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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Quel destin plus grand et plus terrible que celui de Salem? Les autres enfants de minuit, nés comme lui en 1947 avec le pays, ont certes aussi reçu des dons surhumains du fait de cette naissance mais pas les pouvoirs de démiurge de Salem, à l'origine de tous les événements qui vont rythmer la vie cahotique de la jeune Inde : la partition, les conflits, la corruption, tout est de sa faute, de même qu'il est à l'origine de tous les drames familiaux.

Ce roman est délirant, vertigineux, jouissif, déroutant, en un mot : magique. Difficile en effet de ne pas faire le parallèle avec Cent ans de solitude en terme d'expérience de lecture : passé l'effort (significatif, l'effort) initial pour trouver son rythme et ses marques dans une narration particulièrement originale, quelle jouissance de se laisser happer par la névrose colorée de sa folie, la richesse de ses ramifications et la luxuriance des sensations qu'elle inspire! le repère rationnel et solide de l'Histoire avec un grand H est pourtant bien là, mais mêlé avec tant de brio à la fantaisie que l'on finit presque par croire au pouvoir de Salem.

Et c'est en refermant le livre que se révèle tout le génie de cette construction littéraire brillante, comme une parabole riche et violente des premiers temps de l'Inde indépendante que ses premiers enfants, trop divers, trop jeunes, n'auront pas réussi à mener à la maturité.
Etourdissant!
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Je ne connaissais absolument pas le style de Salman Rushdie avant d'attaquer ce roman, que j'ai choisi un peu par hasard mais également sur ses excellentes notes. Quelle surprise et quelle claque ! Je ne m'attendais pas du tout à cela. Un roman-récit délirant, foisonnant, luxuriant, décalé, iconoclaste... la liste de qualificatifs pourrait s'allonger encore, mais un récit pourtant parfaitement maîtrisé dans sa construction, dans ses obsessions, dans sa logique bancale sans faille et sa langue incroyable. J'ai pensé à beaucoup de livres dont la lecture m'avait également frappé, sans qu'ils aient pour autant de point commun avec celui-ci, hormis peut-être ce côté inclassable, cette grande tendresse pour le genre humain, inévitablement mélée d'une salutaire et jubilatoire méchanceté. Une de ces expériences de lecture qui nous font nous demander si toutes nos autres lectures, depuis la méthode Boscher, n'avaient finalement pour but que de nous amener, et peut-être nous préparer à celle-ci, pour autant qu'il soit possible de s'y préparer. Certainement un de mes coups de coeur de l'année.
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