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EAN : 9782282301136
216 pages
Denoël (15/09/1973)
4.33/5   6 notes
Résumé :
Le monde qui pourrait être est un ouvrage de théorie politique à la fois court, simple et profond. Terminé en avril 1918, peu avant que Bertrand Russell soit emprisonné pour ses activités pacifistes, il détaille les fondements du socialisme, de l’anarchisme et de l’anarcho-syndicalisme. Cet exposé sert de préambule à une analyse minutieuse des nombreux problèmes auxquels l’humanité devra faire face si elle veut reconstruire le monde dévasté par la guerre. Russell y ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce livre est écrit en 1918 par un philosophe et mathématicien britannique, résolument optimiste, défenseur du socialisme libertaire. Mais sa préface datant de 1948 est plus mesurée, moins idéaliste : après 2 guerres mondiales, il ne croit plus à l'anarchisme car manque dorénavant de confiance en les humains.
Ce court essai explique les différences entre socialisme, anarchisme et anarcho-syndicalisme :
- le socialisme marxiste milite pour une propriété collective de la terre et du capital. le détenteur peut être un État démocratique. Dans le capitalisme, l'accroissement esr inéluctable, la concurrence est progressivement remplacée par des monopoles, et donc un accroissement des injustices, sur fond de lutte des classes.
- l'anarchisme s'oppose à toutes les formes de gouvernement. L'Etat incarne la contrainte et doit être réduit au minimum ou aboli.
- l'anarchosyndicalisme naît des syndicats, défend les intérêts des travailleurs, milite pour la liberté et lutte des classes menées dans l'industrie (grève, sabotage, boycott...). C'est le seul mouvement d'origine prolétaire, qui ne doit rien aux classes aisées.
Après cette clarification théorique, l'auteur étudie la question des salaires et du travail (le programme anarchiste de distribution gratuite des denrées vitale ne voudrait pas dire que tout le monde arrêterait de travailler : Russell explique pourquoi, c'est intéressant car bien d'actualité avec les partisans et détracteurs du revenu universel).
Quant aux lois et au gouvernement, leur absence dans un système anarchiste rendrait le système précaire, instable, il pourrait être renversé par des individus violents. Russell souhaite donc que des lois continuent d'exister. L'État lui semble une entité indispensable.
Dans son idéal, nourri par Kropotkine, on pourrait tous travailler 4h /jour, avec une rémunération + élevée pour les travaux les plus contraignants. le travail domestique doit être rémunéré, et l'éducation gratuite jusqu'à 21 ans. L'argent serait constitué de billets avec date de péremption pour éviter tout stockage capitaliste. le gouvernement maintiendrait la paix sociale mais verrait son champ d'action réduit.
Très intéressant de lire Russell qui analyse de grands penseurs, imagine la réalisation de leurs idées, expose ses visions politiques tout en nuance. Cet ouvrage a + de 100 ans et ses questionnements sont toujours d'actualité : quel serait le meilleur mode de gouvernance ? existe-t-il un pouvoir juste ? comment répartir le travail pour éviter toute exploitation ? les lois entravent-elles notre liberté ?
Dommage il y a un passage assez raciste qui place clairement les blancs en position de supériorité par rapport aux noirs et au "péril jaune". Ça décrédibilise cet auteur dont la lecture m'avait beaucoup plu.
En tous cas cela reste un ouvrage éclairant pour synthétiser ces théories politiques !
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La lecture de ce texte de Russell écrit en 1918 avant la fin de la Première guerre constitue une expérience particulière. La Révolution russe vient d'avoir lieu. le communisme en est à ses premiers pas dans la réalité. Russell, logicien, penseur, philosophe et activiste, se penche sur le monde tel qu'il pourrait être. Il laisse libre cours à un certain utopisme et à une grande foi en l'être humain. Il lit les projets politiques que sont le socialisme, l'anarchisme et l'anarcho-syndicalisme en en évaluant la faisabilité dans un contexte idéal tout en tenant compte de la société tel qu'il la connait. Il met en lumières les divergences entre les théories en particulier en ce que sera la société après la révolution : quelle sera la place de l'état, quelle sera son rôle face aux individus, quel sera le type de démocratie? Sa lecture des dérives possibles du socialisme d'état semble prémonitoire. Paradoxalement, ces réflexions mises sur papier en 1918 donnent à penser que l'utopisme a encore un bel avenir et qu'il pourrait s'exprimer dans un certain anarcho-syndicalisme.
Lien : http://rivesderives.blogspot..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
L'anarchisme n'est pas, en ce sens, une doctrine nouvelle. Elle est admirablement exposée par Tchouang-tseu, philosophe chinois qui vécut environ 300 ans avant Jésus-Christ :
Les chevaux ont des sabots pour les porter sur la neige et la glace ; un pelage qui les protège du vent et du froid. Ils mangent l'herbe et s'abreuvent d'eau, et ils gambadent par la campagne. Telle est la vraie nature des chevaux. Les demeures princières ne leur sont d'aucune utilité.

Un jour apparut Pô Lo, qui dit : “ Je m'y connais en chevaux ”.

Alors il les marqua au fer rouge, et les tondit, et tailla leurs sabots et leur mit un licou, les attachant par la tête et leur entravant les pieds et les alignant dans des écuries, avec pour résultat qu'il en mourut deux ou trois sur dix. Ensuite il les affama et les priva d'eau, les faisant trotter et galoper, les bouchonnant et les étrillant, avec, par-devant, le supplice de la bride à pompons, et par-derrière, la crainte du fouet noué, jusqu'à ce que plus de la moitié d'entre eux fussent morts.

Le potier dit : “ Je fais ce que je veux de l'argile. Si je la veux ronde, je me sers d'un compas ; rectangulaire, je me sers d'une équerre. ”

Le charpentier dit : “ Je fais du bois ce que je veux. Si je le veux courbé, je me sers d'un arc ; droit, je me sers d'un cordeau. ”

Mais de quel droit croyons-nous que par leur nature l'argile et le bois ont envie de cette application du compas et de l'équerre, de l'arc et du cordeau ? Néanmoins chaque génération loue Pô Lo pour son habileté à dresser les chevaux, et les potiers et les charpentiers pour leur dextérité avec l'argile et le bois. Ceux qui gouvernent l'empire commettent la même erreur.

Or, je considère le gouvernement de l'empire d'un point de vue tout à fait différent.

Les hommes possèdent certains instincts : tisser et se vêtir, labourer et se nourrir. Ceux-ci sont communs à l'humanité tout entière, et tout le monde est d'accord là-dessus. On appelle de tels instincts “ dons du ciel ”.

Donc, à l'époque où régnaient les instincts, la démarche des hommes était tranquille, leur regard assuré. Il n'y avait en ce temps-là point de chemin par-dessus les montagnes, ni de bateaux ni de ponts enjambant l'eau. Toutes choses étaient produites, chacune à sa propre fin. Les oiseaux et les bêtes se multipliaient ; on pouvait les conduire avec la main ; les arbres et les buissons croissaient ; on y grimpait pour épier le nid du corbeau. Car l'homme vivait alors avec les oiseaux et les bêtes, et la création tout entière était une. On ne faisait pas de distinction entre les hommes, bons ou mauvais. Tous étant également sans savoir aucun, ils ne pouvaient s'éloigner de la vertu. Tous étant également sans désirs mauvais, ils vivaient dans un état d'innocence naturelle, l'existence humaine parfaite.

Mais lorsque apparurent les Sages, faisant des croche-pieds aux gens avec leur notion de charité et les entravant de devoirs envers leur prochain, le doute se glissa dans le monde. Avec leurs pâmoisons musicales et leurs simagrées cérémonielles, l'empire se divisa pour sa perte.
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Vouloir échafauder en imagination un aménagement de la société humaine qui soit préférable au chaos cruel et destructeur dans lequel l'humanité a vécu jusqu'ici est loin d'être un phénomène récent: il date au moins de Platon dont la République a servi de modèle aux utopies des philosophes qui ont suivi.
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Le gouvernement et les lois, par leur nature même, sont faits de limitations de l'exercice de la liberté; la liberté est le bien politique le plus précieux. Un raisonnement hâtif pourrait nous amener à conclure, sans chercher plus loin, que les lois et le gouvernement sont des maux qu'il faut abolir si la liberté est notre objectif. Mais, qu'elle soit vraie ou fausse, cette conclusion ne peut être démontrée aussi facilement.
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Vidéo de Bertrand Russell
Confrontée à la guerre, la philosophie semble intempestive, à contre temps. Elle se déploie quand la guerre n'est pas encore là, tentant de retenir tout ce qui pourrait prolonger la paix, ou quand la guerre n'est plus là, s'escrimant alors à penser la «réparation», panser les blessures, accompagner les deuils, réanimer la morale, rétablir la justice. Lorsque «la guerre est là», lorsque fusils d'assaut, bombes et missiles éventrent les immeubles, incendient fermes, écoles, hôpitaux et usines, rasent des quartiers entiers, laissant sur le sol carbonisé enfants, hommes et femmes, chiens et chevaux, lorsqu'on est contraint de vivre tremblant dans des caves, lorsqu'il n'y a plus d'eau potable, lorsqu'on meurt de faim et de douleur – eh bien la philosophie ne trouve guère de place dans les esprits. Peut-être est-ce là la raison pour laquelle il n'y a pas une «philosophie de la guerre» comme il y a une «philosophie du langage» ou une «philosophie de l'art», et que le discours de la guerre renvoie plus aisément à la littérature ou au cinéma, aux discours de stratégie et d'art militaire, d'Intelligence, d'histoire, d'économie, de politique. Pourtant – de Héraclite à Hegel, de Platon à Machiavel, d'Augustin à Hobbes, de Montesquieu à Carl von Clausewitz, Sebald Rudolf Steinmetz, Bertrand Russell, Jan Patoka ou Michael Walzer – les philosophes ont toujours «parlé» de la guerre, pour la dénoncer ou la justifier, analyser ses fondements, ses causes, ses effets. La guerre serait-elle le «point aveugle» de la philosophie, la condamnant à ne parler que de ce qui la précède ou la suit, ou au contraire le «foyer» brûlant où se concentrent tous ses problèmes, de morale, d'immoralité, de paix sociale, d'Etat, de violence, de mort, de responsabilité, de prix d'une vie?

«Polemos (guerre, conflit) est le père de toutes choses, le roi de toutes choses. Des uns il a fait des dieux, des autres il a fait des hommes. Il a rendu les uns libres, les autres esclaves», Héraclite, Frag. 56) #philomonaco
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