Une nouvelle fois un livre qui m'est tombé par hasard entre les mains, sorti du carton des livres à donner de ma bibliothèque.
Le titre m'inspire et me questionne.
Je l'adopte.
C'est un pavé de 500 pages que je redoute – je m'endors si souvent sur ces gros volumes – mais rapidement le sujet me passionne.
Je devrais dire les sujets. L'auteur, universitaire, à travers ce beau roman de science-fiction, aborde la psychologie, l'ethnologie, l'éthique, l'aventure, l'amour et la foi.
La foi qui parcourt le roman comme un fil rouge.
Mary Doria Russel maîtrise un art consumé du suspense. Elle nous distille la fin nous laissant dans l'attente puis, plus tard, développe le pourquoi et le comment, jusque dans les toutes dernières pages.
Mais ce n'est pas un space-opera et les amateurs de technologies terrestre ou extra-terrestre peuvent être déçus : pas de vaisseaux guerriers, pas de moteurs ioniques à pseudo-éjecta ou de moteur gravitationnel. Seule originalité, l'adoption d'un astéroïde comme vaisseau mère source d'énergie gigantesque et une vitesse proche de celle de la lumière.
Point forts, voire troublants, de ma lecture, je ne divulgâcherai pas le roman en précisant seulement qu'à travers l'étude des civilisations abordées par les humains se profile une société révoltante mais qui, après réflexion, se semble pas forcément plus injuste que la nôtre.
Car enfin, si ces civilisations rencontrées pratiquent le contrôle des naissances et que l'une mange l'autre tout en lui assurant protection et bonnes intentions, elles ne connaissent ni surpopulation, ni famine, ni chômage, ni maladie génétique, ni dégradation de l'environnement de cette planète. Ce système se paie un prix terrible,
mais nous aussi payons cher, car nombre d'enfants humains meurent de faim chaque jour, la planète est exsangue, la souffrance sociale généralisée.
Est-ce mieux ?
Et puis il y a ce mot « Dieu » dans la version française, tout au moins.
Je dévoilerai seulement que l'équipage qui partira à la rencontre d'une civilisation extra-terrestre est un équipage jésuite.
Que cela ne vous rebute pas, car ces hommes sont atypiques, cultivés, bourrés d'humour et de doutes. Ils sont accompagnés de membres, hommes et femmes, laïcs.
Alors au fil de la lecture on apprend comment fonctionne la compagnie de Jésus.
Le nom de « jésuite » sonnait à mon oreille sans que je sache précisément de quoi il retourne. Cela aura été un des mérites de ce roman que de m'enseigner un peu la nature de cette fraternité, son fonctionnement et ses missions.
Il y a ces passages émouvants décrivant comment Dieu investit l'âme d'un agnostique, cette révélation, cet abandon, cette mise à nu, cette confiance.
puis on trouve de belles envolées sur les doutes de ces hommes d'église, le parcours difficile et étrange qui mène à la foi, ce chemin à parcourir qui demande endurance et ténacité.
J'ai trouvé que cette dimension spirituelle originale donnait du piment au récit.
Cependant trois tout petits bémols ont entaché ma lecture :
D'abord une impression de « club des cinq » ou de « compagnons de la croix rousse » que j'ai eu lorsque nos cinq compères, que beaucoup de choses auraient dû séparer, deviennent les plus grands amis du monde.
Lorsqu'ils font leurs plans sur la comète - c'est le cas de le dire - pour savoir comment faire pour quitter le système solaire, qui participerait. Tout cela en catimini.
Ça fait bricolage de gamins, un peu comme le canon Columbia de
Jules Verne censé expédier les membres du gun club sur la lune. Dommage cette partie affaibli un peu le roman.
Et puis cette imprégnation puritaine britannique, outrageusement amplifiée par le sang américain, dans cette débauche de grossièretés dont ils raffolent signe à leurs yeux de leur affranchissement du guindage anglais, comme on sent l'affranchissement de la pudibonderie puritaine dans cette insistance quasi obsessionnelle sur la chasteté des prêtres.
Cependant je ne nie pas que les propos olé olé ne soient pas amusants - j'ai ris de bons coups à certaines expressions - ni que l'auteur ne nous livre de très judicieuses idées sur le pourquoi de la chasteté.
Enfin, à partir du moment où l équipage atteint la planète Rakhat s'ensuit quelques longueurs ou, paradoxalement, les thèmes abordés auraient mérité plus de développements pour devenir intéressants. Me suivez-vous ?
Je le refais plus bref : c'est trop long pour du superficiel et trop court pour devenir intéressant.
In fine, une nouvelle fois un hasard qui a bien fait les choses avec cette lecture originale, enrichissante, déstabilisante et questionnante.
Un excellent roman que je n'oublierai pas de si tôt.