Les « Oeuvres complètes » d'
Alecu Russo, méritent encore d'être lues. J'ai en ma possession un exemplaire de l'édition de 1942 qui contient également une présentation de la vie et de l'oeuvre de l'auteur.
Prosateur et essayiste moldave, « doctrinaire lyrique » (Paul Cornea) de la génération 1848, Russo fait ses études en Suisse. Rédigée parfois en français (traduction ici en roumain par
Mihail Sadoveanu), son oeuvre contient des essais, des mémoires et des fragments issus d'un journal écrit pendant son séjour au monastère de Soveja où il fut exilé, en 1846, à cause de ses idées non conformistes exprimées dans un essai sur le théâtre. Russo fait aussi figure d'initiateur de l'esprit critique dans la culture roumaine. Selon lui, celle-ci devrait dépasser le stade de l'adaptation indifférenciée des modèles souvent étrangers et imposer son originalité. Il considère par ailleurs que tout jugement devrait se fonder sur la modération et le bon sens. C'est ce même raisonnement qui le poussa à condamner, en usant d'arguments solides, le purisme latinisant de l'École transylvaine (cf. Méditations [Cugetări], 1855). Les transformations brusques vécues par sa génération et par lui-même éveillent lui des sentiments de nostalgie. La société figée dans un paisible conservatisme patriarcal et oriental glisse vers un radicalisme farouche des partisans de la modernité. Paradoxalement, l'ironie indulgente et parfois la verve polémique à l'encontre des mentalités hostiles aux progrès et aux idées nouvelles sont également présentes dans l'oeuvre de Russo. On retrouve ces attitudes complémentaires dans l'Étude moldave [Studie Moldovana] (1852). Il a aussi recueilli des poésies populaires en ouvrant la voie à
Vasile Alecsandri.