Alors que l'on pensait que la Seconde Guerre Mondiale avait été traitée sous tous les aspects durant la rentrée littéraire de 2017, voilà que
Sébastien Rutés remet le couvert avec
La vespasienne publié chez Albin Michel. Une petite histoire de la grande où le lecteur prend place au côté de Paul-Jean Lafarge, directeur de la Revue des lettres, en plein microcosme parisien où la vie de tous les jours s'accompagne parfois d'une collaboration à l'opportunisme bien senti.
Sébastien Rutés invite ses lecteurs dans ce Paris de 1941 et Lettres it be a fait le voyage pour vous.
# La bande-annonce
Novembre 1941. Paul-Jean Lafarge, directeur de la Revue des lettres, est un homme sans opinion ni autre passion que la poésie. Depuis sa fenêtre, il observe
la vespasienne de sa rue, où se pressent habitués et inconnus. Jusqu'au jour où, constatant un étrange manège, il s'y rend et y découvre un pistolet et deux chargeurs.
C'est le début d'un engrenage qui va bouleverser un quotidien étriqué que même la guerre n'avait pas ébranlé. Paul-Jean Lafarge est sommé de choisir son camp, tandis que
la vespasienne, espace jadis neutre, devient la scène où s'affrontent les passions d'un univers en flammes...
# L'avis de Lettres it be
Sébastien Rutés enchaîne les périples. Après
Mélancolie des corbeaux paru en 2011 chez
Actes Sud où l'auteur spécialiste des littératures latino-américaines se promenait du côté du roman noir, ou encore après
le linceul du vieux monde paru en 2008 chez L'Ecailler du Sud et cette bien sombre fiction main dans la main avec
Oscar Wilde, Rutés enchaîne, définitivement.
La vespasienne est l'occasion de rester dans ces petites histoires de la grande, comme à l'habitude de l'auteur, mais cette fois au côté d'un Monsieur Tout-le-monde trop banal pour camper le normal, un Monsieur Tout-le-monde qui dépense son temps entre les pissotières voisines de son appartement et le bureau de sa revue décadente. Allez savoir …
Déjà avec La Disparition de Josef Mengele d'
Olivier Guez, la possibilité avait été donnée de prolonger l'Histoire dans les traces d'un fantôme de mort dont l'ombre plane à jamais sur la Seconde Guerre Mondiale. Avec
Sébastien Rutés, la démarche semble similaire dans sa véracité et sa volonté de transmission, et pourtant ce Paul-Jean Lafarge paraît tellement plus angoissant. Avec Josef Mengele, l'absolue certitude de l'horreur pesait sur chaque page. Avec Lafarge, on hésite, on ne sait pas. Cet hygiénisme poussé à son paroxysme, ces sombres et discrètes perversions, cette relation étroite avec Witold Silcher capitaine nazi et poète de son état, cet amour qui n'a pour longueur de vue que l'impossibilité de sa réalisation … Autant d'éléments qui font maigrir la frontière entre le salaud ordinaire et l'homme prêt à engager son honneur sur un coin de table dès lors que l'occasion se présentera.
Sébastien Rutés amène son lecteur sur le fil du rasoir, il ne tranche pas, ne choisit pas à la place de l'Histoire. Un dilemme littéraire, ni plus ni moins.
Sur la forme, l'écriture de
Sébastien Rutés fait (une fois encore) son effet. C'est touffu, c'est précis. Nulle place n'est donnée aux envolées de l'esprit. Avec la rigueur que l'on reconnaît habituellement à cet universitaire aussi maître de conférences, le roman se déroule dans un écrin stylistique sobre, dûment taillé pour ce qui doit être raconté.
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