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EAN : 9782226402134
224 pages
Albin Michel (04/01/2018)
3.59/5   17 notes
Résumé :
« La vespasienne représentait un petit bout de zone libre, plus libre encore que la zone non occupée : sans pétainistes ni gaullistes, la vespasienne n'appartenait ni à Paris ni au présent, elle perpétuait la liberté d'autrefois, les années folles, lorsqu'on n'exigeait pas de choisir, qu'il n'y avait d'engagement qu'esthétique et qu'on ne parlait de pureté et de morale que dans les luxueux salons des maisons closes. »

Novembre 1941. Paul-Jean Lafarge,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« La vespasienne représentait un petit bout de zone libre, plus libre encore que la zone non occupée: sans pétainistes ni gaullistes, sans personne, elle n'appartenait ni à Paris ni au présent, elle perpétuait la liberté d'autrefois (…) La vespasienne, c'était le plaisir. Or, selon les idéologues de tout poil, les martyrs par vocation et les chantres de la nation, le plaisir appartenait au passé »
Celui qui observe les pissotières depuis sa fenêtre, c'est Paul-Jean Lafarge, un bourgeois féru de poésie, directeur de la très confidentielle Revue des lettres. Nous sommes en 41 et il est bien seul. Sa femme a quitté Paris, comme la plupart de ses connaissances. Sa revue n'intéresse même pas la censure allemande. Les seules fois où l'Occupation se rappelle à son bon souvenir, c'est quand la résistance plastique une librairie allemande. La coopération culturelle, Lafarge y est favorable, et les rares fois où on l'invite dans des soirées mondaines, il prête une oreille attentive aux derniers ragots sur Montherlant ou Brasillach.
Lorsqu'il est seul, Paul-Jean devient un autre homme. Car le poète a une âme de renifleur de petites culottes. La journée, il épie sa très jeune secrétaire Colette depuis le trou de la serrure. La nuit, depuis la fenêtre de son appartement, il observe la vespasienne, les allées et venues des prostitués et de leurs clients, descend y respirer les miasmes, s'enivre des odeurs âcres, de la saleté et de l'urine. Paul-Jean Lafarge est un soupeur (pratiques sexuelles que je découvre ici).
Un soir cependant, les fantaisies olfactives et érectiles de Lafarge-le-croûtenard vont prendre brutalement fin, lorsqu'il va tomber sur un pistolet, des chargeurs, et des résistants.
Dans La pissotière, Warwick Collins s'était déjà intéressé à ce microcosme unique, lieu de rencontres furtives parfois tarifées. Sébastien Rutés fait de la vespasienne le symbole de la France occupée et nous offre un roman très original sur cette période délétère à travers les mésaventures d'un inoffensif voyeur piégé par ses fantasmes. Lafarge n'a rien d'un héros. Il est ennuyeux, s'accommode de tout, se contentant de vivre dans une sorte d'éternité du temps poétique. Lorsqu'il se retrouve plongé dans une situation périlleuse qui le dépasse, il est prêt à tous les compromis afin de retrouver sa chère routine, quitte à balancer son ami allemand Witold Silcher, officier et poète, façon « Au bon beurre » de Jean Dutourd.
Avec ce nouveau roman Rutés nous montre qu'il est aussi habile dans le roman psychologique que dans le polar, décrivant avec finesse le cheminement d'un homme pour lequel la guerre et l'occupation n'étaient qu'un vague bruit de fond, et qui se retrouve littéralement extirpé de son sanctuaire. Le mateur va devoir devenir acteur à son corps défendant. La vespasienne de Rutés, c'est la guerre à contrecoeur, sans tambour ni trompette, et dans les lieux d'aisance.
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Pourquoi ce roman est-il passé inaperçu ? Faut-il penser que les relents du titre ou les moeurs particulières du personnage central ont gommé les retours favorables ici et là, sans compter France Culture qui a consacré une heure d'entretien à Sébastien Rutés dans "Mauvais genre" ?

À Paris, sous l'Occupation, Paul-Jean Lafarge, directeur des Éditions La Revue des lettres, fait songer à ces louches personnages simenoniens – le chapelier ou monsieur Hire – solitaires et confinés dans un climat paranoïaque sinistre où pavoisent des uniformes SS et des collabos – voyez-le en noir et blanc polar, bien sûr.

Non content d'observer les pieds de sa secrétaire par la serrure, Lafarge se tient le soir derrière sa fenêtre, avant que le couvre-feu ne retire chacun derrière ses murs, pour noter les allées et venues dans la vespasienne en face. Il y dépose des croûtons de pain car il est "soupeur" (désolé, voyez la définition, ce n'est heureusement pas l'objet du livre). Cet angoissant personnage, discret, pur esthète littéraire, et un peu lopette, disons-le, ballotté par l'histoire, confronté au désir de collaboration culturelle des nazis et à la violence des résistants, s'avère fascinant, dans un Paris entre parenthèses, des lieux équivoques aux salons littéraires qui courtisent l'occupant.

"L'Occupation, c'était dehors, à la surface, pour les autres. La vespasienne représentait un petit bout de zone libre, plus libre encore que la zone non occupée: sans pétainistes ni gaullistes, sans personne, elle n'appartenait ni à Paris ni au présent, elle perpétuait la liberté d'autrefois,..."

Au-delà des penchants secrets du protagoniste, ce roman comporte donc un important volet historique. Son statut de rédacteur en chef d'une revue culturelle amène Lafarge à fréquenter un officier allemand porté sur la poésie (on songe immédiatement à Ernst Junger) et à assister aux dîners mondains organisés par une grande actrice (on songe à Florence Gould) où jacasse le gotha de la collaboration. La vie de Lafarge se complique lorsqu'il s'aperçoit qu'un individu dérobe ses «croûtons» dans la pissotière. Il y découvre une arme cachée dans une crevasse, des partisans ne sont pas loin et vont menacer sa piètre routine. L'on palpe l'écart ténu entre le salaud ordinaire et l'homme capable de jouer sa vie pour quelque honneur.

"À l'intérieur [de la vespasienne], Paul-Jean Lafarge se sentait le courage qui lui manquait habituellement. À plusieurs reprises, il s'était forcé à rester après le couvre-feu. Trois ou quatre minutes, jusqu'à douze, une fois qu'on l'avait forcé à boire un verre. Douze minutes de défi, pas vraiment à l'occupant, plutôt à lui-même, au passé, à son épouse partie avec un plus beau que lui, aux enfants qu'il n'avait pas mais dont il aurait voulu qu'ils fussent fiers de leur père."

La force de"La vespasienne" tient dans le style classique, fin et précis pour dessiner un remarquable portrait psychologique. L'auteur insiste sur l'aisance avec laquelle cohabitent chez un individu les pulsions les plus abjectes (le soupisme en est la métaphore) avec des aspirations sublimes (la quête du beau en poésie). Secondairement, il accentue les tensions en plongeant son personnage dans une période qui oscilla entre l'indolente complaisance et les périls de la résistance et qui offre de nouer une intrigue qu'on dévore. Sébastien Rutés est éloigné de tout manichéisme, laisse L Histoire parler mais en dit long lorsqu'il nous promène dans un Paris trouble aux effluves capitulards.
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Paul-Jean Lafarge est directeur de la Revue des lettres. Accessoirement, il est aussi un soupeur – ou croûtenard. C'est-à-dire qu'il tire une vive satisfaction de la dégustation de croûtons pain arrosés de l'urine de son prochain. Paul-Jean Lafarge a donc de la chance d'habiter un appartement surplombant une vespasienne. Ce qui relève un peu moins de la chance, c'est que l'on est en novembre 1941 et que le pain est rationné. Mais Paul-Jean Lafarge a soigneusement évité tout sujet polémique dans sa revue et, d'une manière générale, dans sa vie. Paul-Jean Lafarge ne vit que pour la poésie (et les croûtons). Cela lui a permis de nouer un semblant d'amitié avec Witold Silcher, poète de son état et capitaine de la Wermacht qui lui permet de pouvoir espérer toucher régulièrement un supplément de tickets de rationnement. Ainsi donc Paul-Jean Lafarge partage-t-il son temps entre les locaux de sa revue, où il observe par le trou de la serrure sa jeune secrétaire car il faut dire qu'il ne croûle pas vraiment sous le travail, et son appartement d'où il note soigneusement les va et viens dans la vespasienne d'en bas. Une vie réglée comme du papier à musique et sans surprises jusqu'au jour où il observe un drôle de manège dans la vespasienne et où un concurrent dérobe presque sous ses yeux les croûtons qu'il avait déposés le matin en espérant les déguster le soir venu. Au lieu de ça, Paul-Jean Lafarge découvre un pistolet. C'est le début des questions pour l'homme de lettres sommé de choisir son camp, et donc aussi des ennuis.
Tant dans le style de la narration que par l'histoire qu'il raconte, La vespasienne relève moins du roman que du conte ou de la fable ; des genres avec lesquels, de la loi de l'Ouest à Monarques en passant par Mélancolie des corbeaux, Sébastien Rutés aime à flirter. Si, comme le dit le narrateur « La vespasienne représentait un petit bout de zone libre, plus libre encore que la zone non occupée : sans pétainistes ni gaullistes », Paul-Jean Lafarge représente à sa manière les Français ordinaires de 1941 ou 1942, souvent résignés et moins préoccupés par la Collaboration ou la Résistance que par le rationnement auxquels ils sont soumis. Une attitude, une position qui apparaît là, en fin de compte des plus inconfortables. Ne rien penser, ne rien dire, surveiller ses paroles, ménager tout le monde tout en essayant de vivre un quotidien le moins inconfortable possible, accepter les renoncements qui font de soi un lâche ordinaire, Paul-Jean Lafarge s'en aperçoit bien, n'est finalement pas si facile. Surtout quand il s'agit de préserver ce fragile équilibre et que l'on est tiraillé par des forces extérieures qui obligent à choisir, qui pousse à l'engagement, quel qu'il soit et, partant, à ses conséquences.
Tout cela Sébastien Rutés le conte avec un fausse légèreté, une douce ironie un peu triste qui pose pourtant, en effet, la question de l'engagement et du piège que représente le choix de ne pas s'engager. Entraîné contre son gré dans une guerre qu'il persiste à vouloir ignorer, Paul-Jean Lafarge va en faire la douloureuse expérience. Ni héros ni salaud, Lafarge n'est pas pour autant un innocent et il doit se confronter à ce qu'il est car toujours, à un moment ou un autre, il faut rendre compte, si ce n'est à une quelconque autorité, au moins à soi-même où à ceux dans le regard desquels on finit par se voir.

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Alors que l'on pensait que la Seconde Guerre Mondiale avait été traitée sous tous les aspects durant la rentrée littéraire de 2017, voilà que Sébastien Rutés remet le couvert avec La vespasienne publié chez Albin Michel. Une petite histoire de la grande où le lecteur prend place au côté de Paul-Jean Lafarge, directeur de la Revue des lettres, en plein microcosme parisien où la vie de tous les jours s'accompagne parfois d'une collaboration à l'opportunisme bien senti. Sébastien Rutés invite ses lecteurs dans ce Paris de 1941 et Lettres it be a fait le voyage pour vous.

# La bande-annonce

Novembre 1941. Paul-Jean Lafarge, directeur de la Revue des lettres, est un homme sans opinion ni autre passion que la poésie. Depuis sa fenêtre, il observe la vespasienne de sa rue, où se pressent habitués et inconnus. Jusqu'au jour où, constatant un étrange manège, il s'y rend et y découvre un pistolet et deux chargeurs.

C'est le début d'un engrenage qui va bouleverser un quotidien étriqué que même la guerre n'avait pas ébranlé. Paul-Jean Lafarge est sommé de choisir son camp, tandis que la vespasienne, espace jadis neutre, devient la scène où s'affrontent les passions d'un univers en flammes...

# L'avis de Lettres it be

Sébastien Rutés enchaîne les périples. Après Mélancolie des corbeaux paru en 2011 chez Actes Sud où l'auteur spécialiste des littératures latino-américaines se promenait du côté du roman noir, ou encore après le linceul du vieux monde paru en 2008 chez L'Ecailler du Sud et cette bien sombre fiction main dans la main avec Oscar Wilde, Rutés enchaîne, définitivement. La vespasienne est l'occasion de rester dans ces petites histoires de la grande, comme à l'habitude de l'auteur, mais cette fois au côté d'un Monsieur Tout-le-monde trop banal pour camper le normal, un Monsieur Tout-le-monde qui dépense son temps entre les pissotières voisines de son appartement et le bureau de sa revue décadente. Allez savoir …

Déjà avec La Disparition de Josef Mengele d'Olivier Guez, la possibilité avait été donnée de prolonger l'Histoire dans les traces d'un fantôme de mort dont l'ombre plane à jamais sur la Seconde Guerre Mondiale. Avec Sébastien Rutés, la démarche semble similaire dans sa véracité et sa volonté de transmission, et pourtant ce Paul-Jean Lafarge paraît tellement plus angoissant. Avec Josef Mengele, l'absolue certitude de l'horreur pesait sur chaque page. Avec Lafarge, on hésite, on ne sait pas. Cet hygiénisme poussé à son paroxysme, ces sombres et discrètes perversions, cette relation étroite avec Witold Silcher capitaine nazi et poète de son état, cet amour qui n'a pour longueur de vue que l'impossibilité de sa réalisation … Autant d'éléments qui font maigrir la frontière entre le salaud ordinaire et l'homme prêt à engager son honneur sur un coin de table dès lors que l'occasion se présentera. Sébastien Rutés amène son lecteur sur le fil du rasoir, il ne tranche pas, ne choisit pas à la place de l'Histoire. Un dilemme littéraire, ni plus ni moins.

Sur la forme, l'écriture de Sébastien Rutés fait (une fois encore) son effet. C'est touffu, c'est précis. Nulle place n'est donnée aux envolées de l'esprit. Avec la rigueur que l'on reconnaît habituellement à cet universitaire aussi maître de conférences, le roman se déroule dans un écrin stylistique sobre, dûment taillé pour ce qui doit être raconté.

La suite de la chronique sur le blog de Lettres it be

Lien : https://www.lettres-it-be.fr..
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L intérêt de ce livre est de découvrir l Occupation et la Résistance sous des jours inattendus:la poésie par l intermédiaire d un éditeur d une revue littéraire, le principal personnage et une vespasienne ! Tout en étant très originale, cette approche permet de découvrir de multiples protagonistes, les rapports humains sont complexes entre français et allemands, Paul Jean Lafarge voit son quotidien et convictions ébranlés quand un événement innattendu se produit dans la vespasienne qu il observe depuis sa fenêtre.
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critiques presse (1)
LeMonde
19 mars 2018
Souillure et propreté obsèdent le héros de l’âcre nouveau roman de l’écrivain. Dans Paris occupé, il doit bientôt choisir l’une ou l’autre.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Rue Caumartin, dans la vitrine d'une autre librairie, on exposait La bête humaine à côté d'un portrait d'Hitler.
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Comme tous ceux qui se vautrent dans l'ordure, Paul-Jean Lafarge avait l'obsession de l'hygiène.
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La vespasienne représentait un petit bout de zone libre, plus libre encore que la zone non occupée : sans pétainistes ni gaullistes, la vespasienne n’appartenait ni à Paris ni au présent, elle perpétuait la liberté d’autrefois, les années folles, lorsqu’on exigeait pas de choisir, qu’il n’y avait d’engagement qu’esthétique et qu’on ne parlait de pureté et de morale que dans les luxueux salons des maisons closes.
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Les simples d’esprit se croient parfois investis de ces missions. Parce qu’on s’amuse de leurs enfantillages, les voilà qui se persuadent de leur importance. Le désir de se rendre utiles l’emporte sur le sens des réalités. Dans le seul but qu’on s’intéresse à eux, ils déclarent la guerre aux moulins à vent. Au fond, il ne s’agit que de se sentir moins seul.
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